Transat Paprec : La conquête de l’Ouest

« C’est extraordinaire, à chaque édition à La Palma, on assiste à un scénario digne d’une série Netflix ! » Dimanche matin, Yann Chateau, membre de la direction de course, ne cache pas son enthousiasme en regardant les trajectoires des concurrents. Tout le week-end, les concurrents de la Transat Paprec - une course organisée par OC Sport Pen Duick - ont livré une bataille intense. Et comme souvent, rien ne s’est exactement passé comme prévu. Les concurrents se sont acharnés à l’approche de Madère, vendredi et samedi, afin d’être positionnés le mieux possible. Après avoir dépassé l’île portugaise par l’Est, un jeu intense de placements a donné lieu à de multiples empannages et recalages. Dans la nuit de samedi à dimanche, le contournement de La Palma par le Nord-Ouest a engendré pas mal de sueurs froides.
Les organismes et les bateaux ont souffert
Ceux qui se sont rapprochés le plus des côtes ont eu du vent plus fort, ont dû s’accrocher mais ça a payé à l’instar de Wings of the Ocean (Alexis Thomas et Pauline Courtois). Tous savent que la course ne se gagne pas à La Palma mais que la course peut s’y perdre. D’ailleurs, les organismes comme les bateaux ont souffert. « C’était une nuit de folie, je n’ai jamais aussi eu peur de ma vie, confie Cindy Brin (Cap St Barth). On a eu des rafales à 45 noeuds, on est parti au tas trois à quatre fois et j’ai trouvé que c’était d’une violence extrême ». La native de Saint-Barthélemy ajoute : « le spi a failli se prendre dans le foil, ça aurait pu être catastrophique ».
Dans toute la flotte, les spis ont été malmenés : des spis de spare (de remplacement) ont été installés à bord de Région Normandie (Jules Ducelier et Sophie Faguet) et Hellowork (Davy Beaudart et Julie Courtois), Martin Le Pape et Mathilde Géron (Demain) ont constaté « un petit accroc dans leur spi ». C’est aussi à cause d’un spi déchiré qu’Arno Biston et Vittoria Ripa Di Meana (Article. 1) avaient décidé de rallier Ténérife. Arrivés ce lundi matin sur l'île, ils ont appris qu’ils ne pourraient pas réparer leurs voiles avant mercredi. Ils ont donc annoncé leur abandon en début d’après-midi.
« Gagner dans l’Ouest sur la route directe »
De leur côté, Thomas de Dinechin et Aglaé Ribon (Almond for Pure Ocean) ont dû « patcher » un trou sur leur grand-voile, tout comme Maël Garnier et Catherine Hunt (Selencia - Cerfrance). Pier-Paolo Dean et Tiphaine Rideau (Banques Alimentaires), eux, ont vécu une nuit chaotique. Pier-Paolo raconte : « le bateau s’est rempli d’eau, on a fait un trou dans un spi, on a perdu une corde à noeuds, on a enlevé des algues dans la quille... On a fait toutes les erreurs qu’on fait quand on débute en Figaro. Mais c’est ce qu’on est venu chercher. C’est incroyable de se rappeler qu’on est tout petit, qu’on est des petites cacahuètes au milieu de cette nature gigantesque ».
Poursuivre la route vers l’Ouest est donc une sacrée source de satisfaction pour l’ensemble des marins. D’autant qu’après l’effort, place à un certain réconfort. Depuis ce dimanche, le vent est plutôt stable, autour d’une quinzaine de noeuds. Il va certes se renforcer en fin de journée (à une vingtaine de noeuds) sans virer à la crise de nerfs. « L’enjeu, c’est de gagner dans l’Ouest sur la route directe en filant tout droit », souligne Francis Le Goff, directeur de course de la Transat Paprec. Quelques décalages peuvent avoir lieu, à l’instar de celui de DEMAIN (Martin Le Pape et Mathilde Géron) même s’ils restent « dans la même structure de vent ». Les conditions actuelles sont identiques pour tous les skippers, ce qui devrait permettre de maintenir les écarts. « On constate des vitesses similaires entre les premiers et les derniers de la flotte, la météo n’est pas propice à créer de gros écarts », abonde Francis Le Goff.
Pour la suite, la situation s’améliore
En revanche, ce sont les perspectives qui inquiétaient légèrement. En effet, après plusieurs jours de glissades conséquentes, tous observent avec circonspection les conditions en fin de semaine prochaine. En cause : un talweg, un système de basse pression entre deux zones de pression plus élevées. Les skippers auraient donc été fortement ralentis par une grosse zone de molle à près de 1000 milles de l’arrivée. Un phénomène qui aurait pu marquer une cassure nette au sein du peloton et repousser la date d’arrivée. Sauf que progressivement, la situation s’améliore.
« La tendance est moins complexe que ce qu’annonçaient les prévisions hier, précise Francis. Ça va mollir certes mais le système semble s’évacuer. Le risque de voir la tête de flotte s’arrêter net ne semble plus d’actualité ». Conséquence : « on revient sur des routages plus classiques avec une arrivée aux alentours du 10 mai ». Avant, il faudra veiller aux sargasses, aux grains, à la fatigue et être particulièrement attentif à l’approche de Saint-Barthélemy qui peut réserver des surprises. Alors que les écarts sont toujours aussi infimes, une certitude s’impose : le suspense reste entier dans cette 17e édition si disputée.
Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Transat Paprec et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.