
La pollution issue des produits cosmétiques ne passe pas par les grandes marées noires ni les déchets plastiques flottants. Elle est bien plus discrète. Elle commence dès que nous nous rinçons sous la douche, que nous nageons dans la mer ou que nous appliquons une crème sur la plage. Des traces de nos produits de soin rejoignent alors les eaux usées... et une partie finit directement dans les océans.
Selon Greenpeace, environ 25 000 tonnes de crème solaire se déverseraient chaque année dans les océans du globe. À titre de comparaison, cela équivaut à plus de 50 millions de flacons de 500 ml. Et les protections solaires ne sont pas les seules en cause : les gels douche, laits corporels, déodorants ou sérums contiennent eux aussi des substances qui, une fois rejetées dans l’eau, peuvent se révéler toxiques pour la vie marine.
Des composants au banc des accusés
Parmi les principaux éléments pointés du doigt, les filtres UV chimiques. Très utilisés dans les crèmes solaires conventionnelles, des molécules comme l’oxybenzone, l’octinoxate ou encore l’octocrylène sont accusées d’avoir des effets dévastateurs sur les récifs coralliens. Elles peuvent provoquer le blanchissement des coraux, perturber leur reproduction et même induire des malformations génétiques. À tel point que certains pays, comme Hawaï, Palau ou Bonaire, ont décidé d’en interdire purement et simplement la commercialisation.
Mais ce n’est pas tout. Les microplastiques - ces minuscules particules de plastique inférieures à 5 mm - sont encore présents dans certains produits exfoliants, rouges à lèvres longue tenue, mascaras ou crèmes pailletées. Invisibles dans le produit final, ils sont redoutables une fois en mer. Non filtrés par les stations d’épuration, ils rejoignent les océans où ils sont absorbés par le plancton, les poissons, les oiseaux marins... et parfois se retrouvent jusqu’au sein de notre propre alimentation.

Une pollution qui déséquilibre les écosystèmes
Ces substances ne se contentent pas de polluer l’eau : elles interagissent directement avec la faune marine. Des études ont montré que certains ingrédients issus des cosmétiques peuvent perturber le système hormonal de poissons ou altérer la croissance des larves. Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas de pollutions spectaculaires, mais de perturbations progressives, invisibles, qui s’accumulent et s’aggravent sur le long terme.
Même à de très faibles concentrations, ces composés agissent comme des perturbateurs endocriniens ou des toxiques environnementaux. Une goutte de crème, une perle de gel douche, un résidu de shampoing... L’effet est certes minime à l’échelle individuelle, mais devient significatif quand on pense à l’ensemble des touristes, baigneurs, plongeurs ou simples consommateurs quotidiens.
Une problématique encore trop peu connue
Malgré la gravité de l’enjeu, le grand public reste largement peu informé de cette forme de pollution. Le packaging des produits, souvent flatteur et aseptisé, ne laisse rien deviner de leurs impacts environnementaux. Quant aux réglementations, elles peinent à suivre : en Europe, certains microplastiques sont en passe d’être interdits, mais l’interdiction complète ne s’appliquera que progressivement, d’ici à 2035.
Certaines marques, conscientes de l’enjeu, revoient leurs formules ou misent sur des ingrédients mieux tolérés par le milieu marin. Mais faute d’un cadre clair, les mentions comme "reef safe" ou "ocean friendly" fleurissent sans réelle garantie scientifique. Résultat : difficile pour les consommateurs de savoir ce qu’ils achètent vraiment... et ce qu’ils relâchent dans l’eau.