
Figaro Nautisme : Comment devient-on architecte naval ? Par passion pour la mer et les bateaux ou par amour de l’architecture ?
Olivier Racoupeau : Très clairement par amour des bateaux avant tout, mais aussi de la régate. Ma passion pour les bateaux m’a rapidement conduit vers la régate. Dans un premier temps en dériveur et ensuite en habitable. Cette passion ne m’a jamais quitté. Elle a évolué, bien sûr, mais ne s’est jamais atténuée ! Vers 17 ou 18 ans, je me suis dis que pour continuer à la vivre pleinement, l’architecture navale serait une bonne option. Mon diplôme en poche, j’ai commencé à travailler chez Jean Berret. L’époque était différente d’aujourd’hui : nous n’étions que deux dans l’agence. On faisait pas mal de bateaux de course, des IOR, puis des Open 50 et 60, les ancêtres des IMOCA. Nous avons dessiné le premier 60 pieds d’Isabelle Autissier, le premier avec une quille pendulaire. Cela a fait école ! C’était vraiment formidable : on dessinait des bateaux et ensuite on naviguait avec. Quel plaisir ! En parallèle j’ai bien sûr continué la régate, en habitable et en catamaran de sport.
Au début des années 2000, la clientèle s’est diversifiée : on nous demandait des bateaux plus confortables, mais aussi plus grands. C’est à cette époque que nous avons dessiné notre premier bateau de plus de 30 mètres. Quand Jean est parti à la retraite, Isabelle [Racoupeau] est venue renforcer l’équipe prenant en charge la partie du design intérieur des bateaux. Aujourd’hui, ce département est essentiel dans notre métier. 5 personnes y sont dédiées sur les 19 que compte l’agence.
Figaro Nautisme : Comment arrivez-vous à imaginer des bateaux de production, construits à plusieurs dizaines voire centaines d’exemplaires par an et les yachts à l’unité ? Est-ce le même métier ?
Olivier Racoupeau : On parle là de deux métiers complémentaires mais effectivement différents. Lorsqu’on dessine un grand yacht ou un bateau de production, l’objectif reste identique : concevoir le meilleur bateau possible, qui réponde à son cahier des charges. On parle d’un même métier en ce qui concerne le dessin de la carène, l’hydro ou la structure, par exemple. Mais les règles du jeu à respecter vont aussi beaucoup dépendre de la demande du chantier ou du futur propriétaire. Un bateau de série, il faut l’imaginer en fonction de paramètres contraints imposés par une méthode de construction, des matériaux, un outil de production forcément très différents de ceux d’un yacht. Et évidemment nous adaptons notre relation avec le client. Dans le cas des bateaux de série, on ne va souvent pas rencontrer le propriétaire final, alors que dans le cas d’un yacht, on est dans un échange constant...
Mais dans les deux cas, l’objectif reste avant tout de réaliser le meilleur bateau et qui avance le mieux possible en fonction de ses contraintes. C’est là que réside la beauté de notre métier. Un métier dont je ne me suis toujours pas lassé après toutes ces années. J’adore vraiment ça !
Figaro Nautisme : Quelle est la latitude d’un architecte naval dans la conception d’un bateau de série ? C’est un échange, un partenariat avec le chantier ou vous devez répondre à un cahier des charges très précis qui ne vous laisse que peu de marge ?
Olivier Racoupeau : Tout va dépendre de la taille du bateau. Prenons un exemple concret avec le chantier Fountaine-Pajot : entre leur modèle New 41 et le Thira 80, la demande qui nous est formulée est totalement différente. Nous sommes forcément plus moteur, plus en partenariat sur un 80 pieds pour lequel nous avons une grande expertise. Le chantier sera davantage demandeur. Sur un bateau plus petit, nous devons répondre à des contraintes constructives précises. Le challenge est différent mais tout aussi intéressant...

Figaro Nautisme : Votre métier consiste à dessiner les bateaux d’aujourd’hui mais aussi à imaginer ceux de demain. A quoi ressembleront nos bateaux dans 10 ou 20 ans ?
Olivier Racoupeau : La vraie question est « quelle sera la société de demain ? ». Le nautisme a beau être conservateur, il n’en reste pas moins représentatif de la société. On peut facilement imaginer que les bateaux de demain seront plus électriques. Ce n’est qu’une question de temps, dès que la maturité économique sera atteinte, cette motorisation sera de plus en plus présente sur nos bateaux. Mais, j’aime répéter que les voiliers sont par nature déjà hydrides. A nous de proposer des bateaux qui marchent bien à la voile pour limiter l’utilisation du moteur.
Pour le reste, les bateaux seront encore plus confortables et sûrement plus faciles à manoeuvrer. Nous travaillons déjà beaucoup l’hydrodynamique pour permettre aux bateaux que nous dessinons de rester suffisamment performants alors qu’ils sont plus lourds car plus équipés, mais aussi plus larges. Ce travail est essentiel et porte ses fruits : nous arrivons à compenser en grande partie les besoins croissants en confort sans que les performances n’en aient à en subir les conséquences.
Les nouveaux gréements plus faciles à manier et à régler, les aides aux manoeuvres sont aussi une vraie piste de recherche. Il restera bien sûr toujours des marins passionnés à la recherche de bateaux techniques mais aussi une large clientèle à séduire de personnes qui peuvent apprécier la voile mais pas forcément ses contraintes.
Figaro Nautisme : Berret-Racoupeau en chiffres ?
Olivier Racoupeau : Nous avons dessiné plus de 500 bateaux différents. Certains n’ont jamais été construits, mais je pense qu’aujourd’hui, ce sont plus de 20 000 unités dessinées par l’agence qui naviguent à travers le monde ! Nous imaginons une dizaine de nouveaux bateaux par an.
Figaro Nautisme : Dernière question : votre dernière navigation et la prochaine ?
Olivier Racoupeau : Ma dernière nav ? Dimanche dernier en Moth Europe. La dernière croisière était en Bretagne avec ma femme Isabelle sur notre Oceanis 50. Nous passons beaucoup de temps sur l’eau ensemble. La prochaine devrait être dans les fjords de Norvège l’été prochain. Nous partons avec nos (grands) enfants tous ensemble. Et pour ça, rien de mieux qu’un catamaran...
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