Thor Heyerdahl, l’homme qui voulait traverser les siècles à la rame

Culture nautique
Par Le Figaro Nautisme

Il a traversé les océans sur des radeaux de fortune, construit selon les savoirs anciens, pour prouver que les peuples d’autrefois savaient naviguer. Voici l’histoire vraie et folle de Thor Heyerdahl, explorateur norvégien qui a défié les vents, les vagues — et les certitudes.

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Il a traversé les océans sur des radeaux de fortune, construit selon les savoirs anciens, pour prouver que les peuples d’autrefois savaient naviguer. Voici l’histoire vraie et folle de Thor Heyerdahl, explorateur norvégien qui a défié les vents, les vagues — et les certitudes.

Il aurait pu devenir professeur, conférencier, spécialiste des cartes anciennes ou des mythes océaniens. Il avait les diplômes, la rigueur, la curiosité. Mais Thor Heyerdahl voulait autre chose. Il voulait plonger les mains dans les cordages, faire flotter les idées. Voir si ce que l’on pensait impossible l’était vraiment. Parce qu’il en avait assez d’entendre dire : les anciens ne pouvaient pas faire ça.
Alors il a décidé de l’essayer lui-même.
Né en 1914 à Larvik, au sud de la Norvège, Heyerdahl grandit au bord de l’eau, entre les fjords et les forêts. Très jeune, il se passionne pour les cultures anciennes, les civilisations disparues, les liens invisibles entre des peuples que tout semblait séparer. Il étudie la zoologie et la géographie à l’université d’Oslo, mais ce sont les légendes orales polynésiennes qui, un jour, lui ouvrent un monde.
Il part vivre plusieurs mois sur l’île de Fatu-Hiva, dans l’archipel des Marquises. Pas en touriste. En chercheur. Il observe la végétation, les populations, les traditions. Et une hypothèse germe : et si les Polynésiens n’étaient pas venus d’Asie comme le veut la thèse dominante, mais d’Amérique du Sud, portés par les vents et les courants ? Les Incas, les peuples précolombiens... Pourquoi pas eux ? Pourquoi leur refuser cette capacité à naviguer ?
La communauté scientifique, à l’époque, rejette l’idée d’un revers de la main. Trop improbable. Trop risqué. Trop « romanesque ». Heyerdahl en prend bonne note. Il va donc le prouver, non pas en publiant un article, mais en construisant un radeau.

Le pari du Kon-Tiki : un radeau, un océan, une idée à défendre
Au large de Callao, sur la côte péruvienne, un drôle d’engin flotte sur l’eau : des troncs de balsa liés par des cordes naturelles, surmontés d’un mât, d’une voile carrée et d’une petite cabine de bambou. Aucun clou, aucun moteur. Juste ce que les peuples d’il y a mille ans auraient pu utiliser. À bord : six hommes, tous volontaires. Et un nom : Kon-Tiki, en hommage à un ancien dieu solaire inca.
Le projet est clair : démontrer qu’un radeau précolombien aurait pu dériver jusqu’aux îles polynésiennes, comme l’avaient peut-être fait des navigateurs oubliés. C’est une traversée à l’ancienne : pas de radio moderne, pas de balise, pas d’escale. Juste la force du vent et la logique des courants.
Après 101 jours et plus de 7 000 kilomètres, le Kon-Tiki échoue sur un récif corallien de l’atoll de Raroia, dans les Tuamotu. Personne n’y croyait, sauf eux. Et pourtant, ils l’ont fait. Le monde est stupéfait. Le livre que Heyerdahl tire de cette aventure se vend à des millions d’exemplaires, et le documentaire filmé à bord décroche l’Oscar du meilleur documentaire en 1951.

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Ra et Tigris : une science faite de corde et de papyrus
Mais Thor Heyerdahl n’est pas homme à se reposer sur un succès. Le Kon-Tiki lui a permis de montrer qu’un voyage était matériellement possible. Il reste encore tant d’autres hypothèses à tester. En 1969, il se tourne vers l’Égypte ancienne, convaincu que les anciens Égyptiens auraient pu traverser l’Atlantique. Pour en avoir le cœur net, il fait construire un navire en papyrus, le Ra, selon les techniques représentées sur les fresques de l’Égypte pharaonique.
Le premier essai tourne court. Le bateau prend l’eau, s’effondre. Alors il recommence, avec Ra II, cette fois fabriqué par des artisans du Tchad, réputés pour leur savoir-faire ancestral. Parti du Maroc, le bateau met 57 jours à rejoindre les Antilles, après une traversée de l’Atlantique longue de 6 100 kilomètres.
Nouveau succès. Et nouvelle question. Et si les échanges entre les civilisations antiques du Moyen-Orient et du sous-continent indien avaient eux aussi existé ? En 1977, Heyerdahl fait construire un bateau en roseaux baptisé Tigris. Parti d’Irak, il navigue jusqu’à la vallée de l’Indus, traverse la mer d’Oman et arrive en mer Rouge. Mais la mission s’achève sur un acte fort : bloqué par les guerres régionales, Heyerdahl décide de brûler son navire dans la baie de Djibouti, en signe de protestation contre les conflits qui empêchent les hommes de coopérer comme l’auraient peut-être fait leurs ancêtres.

Un homme qui dérangeait autant qu’il fascinait
Thor Heyerdahl n’a jamais prétendu tout savoir. Il ne disait pas que ses voyages avaient eu lieu, mais qu’ils pouvaient avoir eu lieu. Qu’il était possible, à certaines époques, de traverser les océans avec les moyens de l’époque, et que cela méritait d’être sérieusement considéré.
Ses méthodes expérimentales ont souvent agacé les chercheurs de terrain. Il ignorait parfois les preuves linguistiques, les analyses ADN, les traces archéologiques. Mais il a ouvert des pistes. Il a inspiré des générations entières d’archéologues, d’ethnologues, d’anthropologues. Il a donné envie de chercher, de douter, de tester.
Il est resté actif jusqu’à la fin de sa vie, menant des fouilles aux Maldives, en Azerbaïdjan, aux Canaries, toujours avec cette idée fixe : relier les peuples, déconstruire les murs que l’histoire moderne a dressés entre eux. Il s’éteint en 2002, à Colla Micheri, en Italie, où il vivait depuis plusieurs années.

Le souffle intact de l’aventure
Aujourd’hui encore, son radeau Kon-Tiki trône dans un musée d’Oslo. Ce n’est pas une relique, c’est un symbole : celui d’un homme qui a osé poser des questions, non pas dans un laboratoire, mais sur les océans. Un homme qui croyait que les civilisations anciennes n’étaient pas des îlots figés, mais des mondes en mouvement.
Thor Heyerdahl a redonné une voix aux navigateurs oubliés, aux peuples sans

Pour continuer de vous évader, la rédaction vous recommande le film Kon-Tiki, sorti en 2012, qui retrace avec intensité et fidélité l’incroyable traversée du Pacifique menée par Heyerdahl et son équipage. Nommé aux Oscars et aux Golden Globes, ce long-métrage permet de revivre cette aventure hors norme sur grand écran. À lire également, ses nombreux récits comme L’expédition du Kon-Tiki ou L’Arche de Tigris, toujours disponibles en librairie, pour prolonger le voyage avec les mots de l’explorateur lui-même.


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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...