
En trois décennies, le multicoque s’est imposé comme le support idéal des plus belles croisières. Il a aussi beaucoup changé et ce nouveau Lagoon 55 en est l’ultime évolution. En 1997, Marc Van Peteghem se souvient avoir dû s’employer à ce que le passage du cockpit au carré se fasse sans contorsions, malgré des contraintes de structure limitant la hauteur sous barrot de la porte. En 2021, cette frontière entre l’intérieur et l’extérieur est depuis longtemps abolie. Alors, c’est plus en arrière que les architectes ont innové, avec un cockpit complètement ouvert sur les jupes, véritable terrasse sur la mer. Seulement séparé de la plateforme hydraulique par des balcons inox. La sensation peut être surprenante par mer formée, elle est totalement séduisante par beau temps et bien sûr au mouillage. La circulation depuis ou vers les jupes, est facilitée par l’orientation à 45° des deux marches sur chaque bord. Cela pourrait paraître un détail par rapport à la traditionnelle montée axiale, c’est en réalité une vraie évolution ergonomique, rendant beaucoup plus naturel l’accès à bord. L’espace rendu disponible par cette petite révolution est utilisée sur bâbord pour accueillir une plancha et sur tribord un siège amovible. Aujourd’hui simple strapontin depuis lequel on s’imagine surveiller la ligne de pêche ou méditer sur un sillage éphémère, il ne serait pas surprenant qu’il gagne en confort sur de prochains modèles.
Une terrasse sur la mer
Car ce numéro 1 que nous avons pu essayer dans les eaux barcelonaises, n’est en réalité que le premier de trois prototypes du Lagoon 55 avant la réelle production en série. Si, comme nous le confie Thomas Gailly, « 25 unités ont déjà été commandées, le premier bateau véritablement de série ne sera livré qu’en avril 2022 ». Ce mode opératoire est un investissement important que consent le constructeur bordelais, significatif de sa volonté à monter en gamme. Ce Lagoon 55 nouvelle génération, se positionne en effet comme le trait d’union entre la gamme que l’on pourrait qualifier de « classique » et celle des yachts, puisqu’il s’intercale entre les Lagoon 50 et SIXTY 5. L’annonce d’une nouveauté autour de 60 pieds dans les prochains mois ne surprendrait d’ailleurs personne. D’ici là, le plus grand des « petits » assume son rôle de leader et montre la voie. À la conception, le triumvirat VPLP - Le Quément - Nauta Design réuni par Lagoon ne change pas, mais il redouble d’efforts et de coopération pour offrir le maximum de confort, d’élégance et de performance. Les architectes navals se sont appliqués à ce que ce beau bébé de 27 tonnes lège, contre 13 pour son illustre prédécesseur, procure malgré tout des vitesses décentes sous voiles.
De la puissance disponible
Pour cela, le « moteur » ne manque pas de chevaux, avec 186 m² de voilure au près et 263 m² sous code zéro. Plus abattu – les 272 m² du très beau spi asymétrique bleu marine constellé d’étoiles sortis de leur chaussette –, le Lagoon 55 fait la preuve qu’il ne lui en faut pas beaucoup plus pour allonger la foulée. Alors que le vent oscille autour de 9 nœuds, les volumineuses étraves, savamment sculptées par Patrick Le Quément, fendent les eaux méditerranéennes à 6,6 nœuds. À 115-120° du vent réel. Au près, face à la houle typique des côtes catalanes, nous aurions envie que le triangle avant soit plus grand. Mais sans que le vent ait monté, le Lagoon 55 avance malgré tout à près de 5 nœuds à 40° du vent apparent, ce qui est fort honorable dans ces conditions. Alors que son tour d’Europe de démonstration est déjà bien lancé, l’équipage confirme : si au-dessous de 5 ou 6 nœuds de vent, les deux moteurs de 115 CV sont de parfaits alliés pour respecter le planning serré de cette tournée d’été, dès 10 nœuds de vent, le Lagoon 55 allonge la foulée et peut vite assurer des moyennes au-dessus de 8 nœuds sous voile.

Le flybridge, centre névralgique
Qui plus est, toutes les manœuvres sont centralisées au niveau du flybridge, y compris les écoutes des voiles de portant, ce qui est assez rare pour être souligné. C’est parfois au prix de multiples renvois comme pour la bosse d’enrouleur de génois, mais ainsi tout est à portée de main. Trois winches Harken entourent le pied de mât, à proximité du poste de barre situé à tribord, avec sa confortable banquette double. Si ce niveau supérieur ne paraît pas immense au premier abord, il est bon de rappeler que nous ne sommes à bord « que » d’un 55 pieds. Qu’en plus de la partie manœuvre/barre, il accueille également une très belle banquette en U face à la route, une cuisine d’extérieur derrière la barre, et de grands bains de soleil sur l’avant et à l’arrière ! Le seul accès bâbord donnant sur le cockpit peut être doublé sur tribord, vers le passavant cette fois, ce qui facilitera beaucoup les mouvements de l’équipage, notamment vers l’avant. Finalement il est immense ce flybridge ! Et on y est tellement bien, qu’on ose suggérer l’adoption d’un saute-vent élégamment intégré, au moins devant le poste de barre, pour pouvoir y rester plus longtemps quand le vent monte.
Intérieur pullman
À défaut, cela restera toujours un immense plaisir de rejoindre l’intérieur. Hormis les quelques nuisances sonores inévitables sur un prototype (winch d’enrouleur de génois et grincements liés à des ajustements à parfaire) solutionnées sous peu, tout n’est que luxe et volupté. Les assises du carré sont dignes du lobby d’un grand hôtel et une véritable invitation à l’oisiveté. La cuisine en L à l’entrée sur tribord se prolonge d’un meuble bar des plus chics. Trois plans d’aménagement des cabines sont disponibles dont le quatre cabines avec Master Suite à l’arrière-tribord tel que proposé sur notre bateau d’essai. Des versions cinq et six cabines, avec autant de salles d’eau, sont également proposées afin de répondre à tous les usages, y compris les plus récents en plein développement comme la propriété partagée. Il faut souligner les nombreux rangements disponibles partout, la qualité des matériaux de vaigrage et le soin apporté à l’éclairage. Texture des cadres de lits, poignées de porte d’équipets et fargues de bibliothèque en inox, tout comme les ouïes de climatisation, Lagoon a soigné les finitions sur ce bateau forcément emblématique. Chaque détail compte et participe à donner une impression d’ensemble très haut de gamme. Les hublots de bordé ne sont pas les plus grands que nous ayons vus, mais ils sont à hauteur parfaite pour offrir une vue imprenable sur la mer.
Un cockpit avant... naturellement
De retour en nacelle, deux nouveautés nous avaient échappé. Deux vitrages zénithaux de roof offrent un nouveau point de vue sur les voiles et le firmament. S’ils sont occultables pour éviter un excès de chaleur, ils sont surtout masqués par les bains de soleil avant du flybridge, ce qui explique notre oubli. Tout aussi discret mais tellement utile au mouillage, le vitrage central avant s’escamote vers le bas pour ventiler l’espace. Il ouvre sur un cockpit avant dont l’intégration a été si bien soignée qu’il mériterait lui aussi, comme l’arrière, l’appellation « terrasse sur la mer ». Qui plus est, deux options permettent de le protéger des rayons du soleil : soit un cabriolet repliable, soit une voile d’ombrage tendue entre le haut du roof et deux tubes carbone du plus bel effet. Si un doute subsistait encore sur l’évolution extraordinaire qu’a connu le monde du multicoque ces trente dernières années, le Lagoon 55 est le témoin de ce changement de dimension. Le soin apporté au design extérieur permet de faire passer le plus élégamment possible l’hyper-croissance des volumes. Ceux-ci permettent de proposer des aménagements intérieurs impossibles à imaginer sur un 17 mètres à la fin du siècle dernier. Traités, de plus, dans un esprit superyacht, ils permettent au Lagoon 55 d’établir un nouveau degré de référence en termes de qualité perçue dans sa catégorie.

Les +
- Qualité de finition
- Facilité de manœuvre à deux
- Espaces disponibles
Les -
- L’accès unique au flybridge (hors option)
- Bruit des winches électriques dans le carré
- Poste de barre et manœuvre exposé
Fiche technique
Longueur hors-tout : 16,56 m
Largeur hors-tout : 9,00 m
Tirant d’eau : 1,55 m
Déplacement lège (CE) : 27 036 t
Surface de voile au près : 186 m²
Motorisation – standard : 2 x 80 CV
Capacité carburant : 1100 l
Capacité eau : 960 l
Nombre de cabines : 4 / 5 / 6
Homologation CE : A - 14 pax.

Prix standard (4 cabines) : 1 139 300 euros H.T.
Prix version essayée : 1 719 120 euros H.T.
PRINCIPALES OPTIONS
- Code 0 avec bout dehors et emmagasineur : 8 820 euros H.T.
- Plateforme hydraulique arrière : 48 850 euros H.T.
- Revêtement teck du flybridge : 7 100 euros H.T.
Retrouvez cet essai et bien d'autres dans notre dernier hors-série Yachting 2021 à lire en ligne par ici !