
Les foils ne sont pas une technologie récente. Eric Tabarly en avait déjà équipé son trimaran Paul Ricard au tout début des années 80 et des ferries hydrofoils effectuaient ralliaient Dieppe à l’Angleterre à cette même époque. Mais le pétrole abondant et pas cher, les limites techniques de l’époque n’ont pas permis que la technologie se diffuse au plus grand nombre. Aujourd’hui, la prise de conscience de l’urgence climatique fait que s’affranchir de 30 à 40% du frein de l’eau redevient fort attractif. Optimisés par les profils et les matériaux développés en compétition (America’s Cup, ultims, Imoca…) les foils permettent qui plus est d’envisager la propulsion électrique, dont l’usage offrait en mode archimédien, une autonomie très limitée.
Le Candela C8 en leader
C’est le premier argument avancé par la société Candela, pionnier du bateau moteur électrique à foils. L’autonomie de 50 milles nautiques à 20 noeuds, est présentée comme étant, dans certaines conditions, le double de celle d’un bateau électrique conventionnel. Implantée en Europe mais aussi aux Etats-Unis où elle est représentée par l’ancien coureur au large Tanguy de Lamotte, la société Suédoise revendique près de 100 Candela C8 vendus à près de 300 000 Euros l’unité. Elle vient qui plus est de signer un partenariat technologique avec Polestar pour la fourniture de ses batteries de 45 kWh et du système de charge, un accord qui devrait lui permettre d’accélérer sa production. Mais c'est le Candela C-POD qui change véritablement la donne. En plaçant les moteurs électriques dans torpille sous l'eau, ils ont drastiquement réduit le nombre de pièces mobiles, d’engrenages et le bruit qui en découle. Qui plus est, avec 3 000 heures entre les révisions, le Candela C-POD peut presque être considéré sans entretien. A noter que tous les logiciels et la plupart des équipements - y compris le moteur du Candela C-POD et le contrôleur des foils en vol - sont conçus en interne.

Rouler, flotter, voler…
Ce succès, les Normands d’Iguana Yachts pourraient bien le rencontrer sur leur niche de marché du bateau amphibie. Ils ont en effet dévoilé lors du dernier Cannes Yachting Festival, l'Iguana Foiler, un bateau qui se déplace sur terre, en mer et donc (presque) dans les airs. Équipé d'un hors-bord électrique EVOY Storm 300+ de 300 CV, l'Iguana Foiler peut atteindre 30 nœuds. Les Anglais de Spirit Yachts, spécialistes es-yachts classiques, associés à BAR Technologies ne sont pas à ce degré de maturité de leur projet de motoryacht de 35 pieds électrique à foils au style ravageur. Il dispose de 6 sièges en configuration cockpit ouvert mais se transforme rapidement en élégant spider 2 places. Le navire "décollera" dès 14 nœuds et naviguera alors à 22 nœuds en vitesse de croisière, 30 nœuds en pointe. Le groupe motopropulseur électrique conçu par BAR Technologies promet d'offrir une autonomie d'environ 100 milles nautiques soit cinq heures de « vol ». La mise à l’eau du premier exemplaire est prévue pour cette fin d’année 2022.

Quand la Silicon Valley s’intéresse à un sujet…
Outre-Atlantique, les fondateurs de Navier, la start-up de la Silicon Valley ont opté pour un design beaucoup plus industriel pour leur 27 pieds. Sampriti Bhattacharyya, titulaire d'un doctorat du MIT en génie mécanique, ancienne ingénieure aérospatial dans la construction de systèmes de contrôle de vol à la NASA, ses connaissances l’ont porté sur le sujet de l’hydrodynamisme mais aussi de l’asservissement des foils. Un sujet dans lequel Reo Baird le co-fondateur excelle également, lui qui est diplômé en ingénierie aérospatiale spécialisé dans les systèmes autonomes. A une vitesse de croisière de 20 nœuds, leur foiler doit pouvoir parcourir 75 milles nautiques sous la conduite d’un pilote automatique offrant un niveau d’autonomie proche de celle que l’on peut rencontrer sur les voitures les plus évoluées en ce domaine.
© Image Alain Thebault - E-Nemo

Alain Thébault le précurseur
Enfin, ce panorama, même non exhaustif, ne peut éluder les deux projets portés par Alain Thébault. The Jet Zero Emission, un bateau volant au design futuriste qui, non content de voler à près de 40 nœuds, puise son énergie dans l’hydrogène. Mais le père de l’Hydroptère partage aussi le rêve de ses enfants, et il a dévoilé l’été dernier le projet e-nemo un projet à la fois disruptif et durable comme les aime son créateur. Capable d’accueillir jusqu’à 6 personnes, le secret des performances de cette navette spatiale volant au ras des flots réside en grande partie dans un foil très grand mais rétractable, qui lui donne la finesse d’un planeur sans en avoir l’encombrement. La longue interview qu’il nous avait accordé à l’occasion du Cannes Yachting Festival est à lire absolument.
Augmentation du temps de loisirs, prise de conscience écologique, le marché de la plaisance électrique a triplé depuis la pandémie de Covid et avec des bateaux et des projets aussi enthousiasmants, la croissance pourrait bien perdurer. Si le coût d’achat d’un bateau électrique reste supérieur à celui d’une version thermique, le coût de possession total, incluant l’usage et la revente est équivalent avec un impact réduit sur l’environnement. Trois freins persistent, le poids et le coût des batteries, sans oublier un réseau de stations de recharges rapides à construire entièrement.