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On a beau avoir parcouru tous les océans du monde, quand on est Trinitain on y revient. Alors c’est là, sur les rives de la Baie de Quiberon qu’il nous a donné rendez-vous pour essayer le multicoque de sa vie. En effet, il y a tout « Marco », comme nul ne manque de l’appeler en Bretagne Sud, dans ce catamaran de 52 pieds même si ses lignes ont été dessinées par Christophe Barreau et Fred Neuman. Sur la philosophie du projet, le trio ne s’est pas trouvé une virgule de nuance et le dessin radical ne passe pas inaperçu dans sa robe gris anthracite. Dès le premier coup d’œil, on voit bien qu’il flotte haut sur l’eau tellement il est léger (7.5 T). Car si le coureur a officiellement raccroché son ciré il a gardé certaines exigences : alors les coques en carbone epoxy ont été construites chez Multiplast. Une équipe d’experts-amis a fabriqué la nacelle et assemblé les morceaux dans le hangar du « patron », juste en face de La Trinité, à Saint-Philibert.

Simplicité et légèreté font un bon bateau…
Au rayon des différences, qui sont présentées comme autant d’évidences, il y a tout d’abord cette nacelle centrale, indépendante des coques et, surprise, montée sur silentblocs. Réussite à la fois esthétique et technique, elle a été construite dans le même moule pour ses parties hautes et basses. Les deux Yanmar de 40 CV centrés dans les coques et équipés d’hélices Gori tripales repliables, Marc Guillemot se joue du vent latéral et s’insère dans le trafic du chenal Trinitain. Du pied de mât, où la hauteur de roof n’excède pas 45 cm, on hisse la grand-Voile à la volée. On déroule le Solent sans recouvrement et déjà le speedo dépasse les 10 nœuds à 31° du vent apparent dans seulement 14 nœuds de brise. Ce bateau est plus que vivant, il a véritablement une âme. En effet, les barres franches carbone sont celles de l’ancien Imoca Safran avec lequel Marco a couru le Vendée Globe. Les safrans viennent du 60 pieds Maître Coq, période Jérémie Beyou. Le mât est celui de rechange, raccourci, des monocoques de Jean Le Cam et Roland Jourdain. L’enrouleur de J1 vient du Mod70 Maserati de Giovanni Soldini, les filets du trimaran géant Spindrift, le gréement courant de Gitana, l’électronique, de son Figaro. Le spi et le gennaker de son ancien 60 pieds Imoca ont vite retrouvé leur place, mais parfois il a fallu faire preuve de plus d’ingéniosité. Les poufs du carré ont ainsi été réalisés dans la toile d’un spi vraiment trop fatigué, alors que d’anciens outriggers en carbone sont devenus les bossoirs d’annexe les plus légers du marché.

Du bonheur de régler, manœuvrer, barrer…
Le plan de pont et l’accastillage délivrent le meilleur de ce que peut offrir la course au large et « donnent envie de régler les voiles », dixit le skipper, qui n’a pas manqué d’en faire la démonstration sur la dernière Route du Rhum. En attendant on continue d’essayer toutes les combinaisons de voiles possibles dans un vent évanescent. A la moindre risée ou voile déroulée, les accélérations sont franches et la vitesse du bateau dépasse très souvent celle du vent. « L’important, c’est d’avoir le bon châssis » nous confie Marc Guillemot les yeux rieurs devant les chiffres des compteurs. Or ici on frise la perfection. Pas le moindre craquement ou grincement dans la nacelle qui intègre une grande table en L, une cuisine face à la route et à bâbord un coin navigation avec la couchette double des propriétaires. Christophe Barreau avait même proposé d’intégrer un cabinet de toilettes dans la nacelle pour tout avoir de plein pied. L’option n’a pas résisté au programme orienté « incentive » du bateau, mais elle aurait tout son sens dans une version 100% usage privé. On accède aux coques depuis l’extérieur, les descentes étant protégées des embruns ou de la pluie par la casquette de roof. L’aménagement des deux coques est rigoureusement symétrique, avec une couchette double centrale au-dessus des moteurs et une salle d’eau arrière. Pas de vaigrages, pas de bois, matelas enlevés on pourrait passer le nettoyeur haute pression ! A l’avant, accessibles uniquement depuis le pont, des couchettes dites « de mouillage », qui permettront d’accueillir un équipage éventuellement plus nombreux le temps d’un weekend. Avec ses nombreux jours fériés, nous sommes plus que prêts à l'essayer beaucoup plus longuement que ce bel après-midi, pourtant déjà mémorable.