Une mer débordante d'énergie
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Elles ont été exceptionnelles ces vagues qui, pour le passage à la nouvelle année, se sont illustrées en toquant violemment à la porte de l’Europe, tout le long de sa façade ouest, depuis l’Écosse jusqu’au Portugal. D’où venaient-elles ? Où allaient-elles ? Que voulaient-elles ? Que pouvaient-elles nous apporter ?
Bien sûr les vagues sont filles du vent, et initialement elles ne font que transporter le message de leur géniteur qui, pendant cette période, a soufflé en tempête au milieu de l’Atlantique. C’est que lui-même recevait le renfort du grand souffle de sud-ouest après qu’il ait longé la côte des États-Unis sans pouvoir y pénétrer. Interdit de séjour sur ce continent déjà sous blocus de l’air glacial (-40° historique).
Tempête très forte, très vaste et très durable. La mer n’a fait que transférer ce qu’elle recevait : une énergie hors du commun. Elle est ainsi passée, selon les expressions de l’échelle Douglas, qui est à la mer ce que Beaufort est au vent, d’agitée à forte, puis très forte, grosse, énorme. Énorme, c’est-à-dire des vagues de plus de 14m. Ce que l’on fait de plus colossal en Atlantique Nord. Mais l'énergie d'une vague n'est pas que dans sa hauteur. Elle est aussi dans sa longueur et dans sa vitesse de voyage. Une vague moyenne, propulsée par une telle tempête mesure 12m de haut, 400m de long et voyage à 70 km/h. A cette vitesse, elle arrive du milieu de l’Atlantique en à peine plus d’une journée. Chaque train de vagues qui arrive sur nos côtes apporte avec lui une quantité d’énergie d’autant plus importante que sa vitesse est élevée.
L’assaut a donc été à la mesure de la tempête qui sévissait au milieu de l'Atlantique, elle-même sous l’influence de l’air glacial américain. Autant dire qu’une vague de froid pétrifiante sur le nouveau continent a expédié une multitude de vagues marines explosives sur le vieux continent.
Les américains ont dû consommer beaucoup d’énergie pour lutter contre le froid, nous en avons reçu plus que nécessaire.
Mais notre faiblesse est de n’être pas prêt à la récupérer, cette énergie. Il y a pourtant de nombreux développements qui s'y essayent avec des moyens différents le long des côtes européennes.
Les Portugais exploitent à la surface de la mer le « Pelamis ». Nom latin pour dire serpent puisque cet engin est composé de plusieurs cylindres (3,5m de circonférence) reliés entre eux sur une longueur totale d’environ 150 mètres. Les vagues provoquent la montée et la descente de chaque tronçon du serpent métallique et c’est au niveau des articulations que des pompes à huile récupèrent l’énergie qui est convertie en électricité.
Les Français ont décidé de travailler cachés et d’installer, entre 8 et 20 mètres de profondeur à la pointe bretonne, des Waverollers. Ce seront d’immenses battants qui, animés par le passage des vagues, produiront chacun la même quantité d’électricité qu’une éolienne de puissance moyenne.
Quelque soit l’outil retenu, l’homme a décidé d’appeler ces lieux de captage « ferme à vagues ». J’aurais mieux vu « ranch à vagues » car il s’agit plus de dompter la vague sauvage que d’en faire un élevage. Apprivoiser la vague… presque un langage de surfeur.
Ces vagues sauvages ne sont pas sournoises, comme peuvent l’être les vagues scélérates dont nous avons déjà parlé, puisqu’elles annoncent longtemps à l’avance leur arrivée. Mais, furieuses, elles mettent à mal certains de nos ports aguerris et trouvent peu de résistance sur nos faibles plages. En ce début d’année, franchissant les barrières, elles ont cassé de l’habitat et emporté quelques vies.
Si les tempêtes savent s’exprimer directement avec des records de vents (Lothar et Martin en 1999), elles le font aussi en surélevant de façon exceptionnelle le niveau de la mer (Xynthia en 2010), ou en envoyant des vagues ambassadrices.
Toute forme de tempête est un rappel à l’ordre.