Du vent, faut que ça bouge
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La vie est mouvement. Là où il n’y a pas de mouvement il n’y a pas de vie. Quoi de plus vivant que l’atmosphère. Et pourtant, quand on se retrouve sous une chape anticyclonique, que le vent est aux abonnés absents, on se rend compte du dommage qui résulte de l’immobilisme.
Sur son voilier scotché dans la pétole, le régatier contient sa fureur et essaye de ne pas aggraver la situation en limitant tout déplacement qui pourrait déséquilibrer et empêcher le démarrage de son bateau. Dans ces conditions, même un non-fumeur est tenté d’allumer une cigarette pour observer la montée verticale de la fumée. Commence l’interminable guet. Attendre que ces volutes veuillent bien signaler les premières petites turbulences, les premières risées, le semblant de remise en route. Faux départ, la risée n’a pas été suivie. Mais elles deviennent de plus en plus fréquentes… ca y est le vent rentre, la vie reprend.
Pour l’instant nous sommes à terre.
Et les nombreuses tempêtes qui ont défilé cet hiver, faisaient que l’on s’y sentait à notre place. Bien à l’abri avec, pour le plaisir des yeux, pour l’émerveillement devant la puissance de la nature, quelques fugues en bord de mer face aux furieuses déferlantes… Ca respirait le grand air.
Pour l’instant nous sommes à terre.
Et nous n’y sommes pas bien. L’anticyclone est venu s’installer sur le pays. La pétole, la chape, ce couvercle bombé qui, dans la cuisine maintient les petits plats au chaud, la chape nous enferme dans une bulle d’air vicié. La fumée qui s’échappe verticalement des cheminées d’usine indique bien que le vent est nul.
La nuit, quand la température de surface refroidit, ce couvercle est fait d’une couche d’air relativement chaud à quelques centaines de mètres d’altitude. Les météos parlent d’une couche d’inversion parce qu’en temps habituel c’est le contraire : l’air du bas s’élève emportant avec lui ses particules fines et rien ne l’arrête. Là, le couvercle empêche cette évasion et nous contraint à les respirer.
Et dans la journée ? Si le couvercle se fissure avec la montée des températures au sol, s’il se dissipe et que l’on espère un soulagement, c’est le soleil qui vient prendre le relais. Il remplace la pollution nocturne que l’on pourrait qualifier de mécanique par une pollution diurne dite photochimique. Les rayons ultra-violets déclenchent des processus complexes qui transforment des composés organiques volatils en ozone, en mauvais ozone ; celui qui irrite les yeux, le nez, les bronches.
De nuit, de jour l’anticyclone nous coupe le souffle.
Alors on attend, on guette. On en est à espérer une couverture nuageuse digne de ce nom qui nous protégerait du soleil, ou de la pluie qui nettoierait l’atmosphère. Le mieux serait l’arrivée du vent. Et même d’un vent de NW, un peu frais, instable avec si ce n’est pas trop demander quelques averses.
On respirera, la vie reprendra, et on oubliera comme le skipper oublie la pétole dès qu’il peut allonger la foulée.
Cette pollution dite de proximité aura au moins eu le mérite d’être directement perceptible. Ce qui est moins évident lors de pollution régionale avec des lacs qui deviennent translucides mais aussi des forêts de conifères qui ne dépérissent que lentement sous l’effet de l’acidité des pluies polluées.
Quant à la pollution globale… on ne sait pas encore calculer ses effets.