Subir la pression
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« La pression, il vaut mieux la boire que la subir ». C’est ce que disait Desproges en pensant non seulement à la première gorgée de bière vantée par Philippe Delerme mais aussi aux suivantes. Et pourtant c’est notre destin que de subir la pression puisque, quand elle est atmosphérique, c’est le poids de l’air que nous portons sur nos épaules.
Torricelli, chargé de faire remonter l’eau dans les fontaines de Florence, avait compris que c’est la portée de l’air qui s’y oppose. Pour en faire l’expérience sans s’encombrer de tube d’eau d’une dizaine de mètres de hauteur, il eut l’idée d’utiliser le vif-argent, c’est-à-dire le mercure qui est 13,6 fois plus dense que l’eau. Il fit l’expérience suivante : remplir un long tube, le boucher avec le doigt, le retourner, l’appuyer sur une surface de mercure contenue dans une cuvette. Constatant que le tube ne se vide que partiellement, il en déduisit que la pression de l’air sur cette surface contrebalance le poids de la colonne de mercure. On est en 1643, il a inventé le baromètre. Après avoir affiché une règle graduée en cm derrière son tube de mercure, il constate que la pression varie avec les évènements climatiques mais que la moyenne se situe autour de 76 cm de hauteur de mercure. Il y a un mot grec tout trouvé pour indiquer la pression atmosphérique au niveau de la mer : le bar qui veut dire pesanteur. On vit donc dans une pression moyenne de 1 bar. Pour apprécier finement les variations de cette pression on préfère parler en millième de bars… les fameux millibars qui ont tant pesé dans la poésie de la météo marine. Mais le Système International des Unités n’est pas vraiment épris de poésie et nous impose le Pascal. Blaise Pascal n’avait pas fait que son pari, il s’était aussi illustré en clarifiant, après Torricelli, les concepts de pression et de vide. La pression de référence en surface est de 1013 millibars, on dit maintenant 1013 hectopascal, correspondant au 760 mm de la colonne de mercure. Et puisque l’air est plus dense près de la surface du sol qu’en altitude on ne s’étonnera pas que la pression diminue avec celle-ci. Une correspondance entre l’altitude et la pression a été établie, permettant la création de l’altimètre. Ceux qui, passant du rêve à la réalité, se sont mis à voler ont pu ainsi mesurer la distance qu’ils mettaient entre eux et le plancher des vaches. Au niveau de la mer, un mètre cube d’air pèse environ 1,2 kg et à 16 km d’altitude, seulement 160 gramme. La décroissance de la pression avec l’altitude est plus forte dans les basses couches (en moyenne 1hPa tous les 8 mètres). A l’horizontal, la pression varie de façon qui semble assez anarchique puisque l’air chaud, qui n’est pas aussi dense que l’air froid, est réparti selon l’humeur de l’atmosphère. On retrouve ainsi, à des époques variées, des records de pression en surface de 1083 hPa au cœur d’un anticyclone Sibérien et de 867 hPa au centre d’un cyclone dans le Pacifique tropical. On voit ici que l’atmosphère est beaucoup plus habile à creuser des trous qu’à fabriquer des pics. 70 hPa de surpoids par rapport à la pression moyenne globale est faible face au 146hPa de déficit pour les extrêmes. La pression minimale de l’ouragan Matthew qui vient de sévir avec les conséquences que l’on connaît a été de 934hPa. 79hPa en-dessous de la moyenne c’est ce que l’on trouverait en s’élevant de 632m. C’est la hauteur de la Tour Torsadée de Shanghai. L’architecte avait-il pensé à l’effet de tourbillon d’un tel ouragan quand il a dessiné sa tour ?