Tristan da Cunha, l'île habitée du bout du monde
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Une mauvaise météo dans les parages de Tristan nous a dérouté et nous avons dû ralentir notre allure pour y aborder après le passage de la dépression - opportunité très rare de faire une navigation autour de l’ile Gough, 350 km plus au sud sous une latitude de 40 degrés sud, puis en remontant vers l’ile Inaccessible, 40 km au sud est de Tristan, et de l’ile Nightingale (anciennement appelée Île Rossignol), 40 km au sud. Après finalement neuf jours de navigation et quatre tentatives, nous avons pu faire un débarquement spectaculaire pour quelques heures à Édimbourg des Sept Mers, capitale de Tristan, le samedi 6 janvier.
Cette île d’une superficie de 100 km2 se réduit au cône émergeant d’un volcan culminant à 2060 m dans des eaux d’une profondeur de plus de 2000 mètres. Seule une bande littorale de 300 hectares au nord-ouest est occupée par 268 habitants - les Bienheureux de la Désolation comme les avait dénommés Hervé Bazin dans son roman publié en 1970.
Nous avions à bord quelques marchandises et une famille revenant de Cape Town après des soins médicaux, ainsi que le Gouverneur du Territoire anglais de Saint Helena, dont dépend Tristan - en tournée officielle.
Tristan da Cunha est depuis sa découverte en 1502 un way-point essentiel pour la navigation dans l’Atlantique Sud. La météo y est vilaine et très changeante sous l’emprise des vents ... et de nombreux naufrages ont eu lieu dans les parages - encore récemment lorsque le MS Oliva s’est fracassé sur les rochers de l’Ile de Nightingale en 2011 avec un chargement de soja en route entre le Brésil et la Chine - un des canots de sauvetage du MS Oliva parti à la dérive a été découvert en 2013 sur une plage du Sud de l’Australie !
C’est probablement à Tristan que se déroule l’épopée des naufragés du roman utopiste L’ile de Felsenbourg, publié en Allemagne en 1731. Est-ce à dire que les habitants de Tristan, descendants de soldats anglais installés en 1817 pour prévenir une tentative de libération de Napoléon lors de sa détention à Saint-Hélène, sont les Robinsons des temps modernes mettant en pratique une utopie écologique et sociale ?
C’est en tout cas l’endroit habité au monde le plus isolé - à 2000 km de l’Afrique et 3600 km du Brésil ! On ne peut plus y aller avec le RMS Saint Helena, qui a cessé son service en février 2018. Il faut dorénavant trouver un embarquement à Cape Town sur un bateau de pêche allant de temps à autre à Tristan ; ou bien en participant à une croisière sur l’un de ces paquebots d’exploration qui de temps en temps vont mouiller à Tristan lors de leur pérégrination en Atlantique Sud. Mouiller à Tristan ne veut pas dire y débarquer tant les conditions de mer sont très souvent épouvantables. Avis à ceux qui sont à la recherche du bout du monde !