
À un point de la défaite une semaine durant, les Américains ont réalisé une "Mission impossible" en alignant 8 succès de rang pour garder le plus vieux trophée sportif au monde dans leurs mains.
La langue française ne possède certainement pas assez de superlatifs pour qualifier l'exploit réalisé par ces 11 marins des temps modernes. Au bout de la 19ème course sur les 19 possibles, le defender et tenant du titre américain Oracle Team USA est entré dans la légende le la Coupe de l'America. Ce mercredi "il n'y a pas de second" comme le veut le slogan de la vieille dame et pour cause : le vainqueur de l'ultime course emportera dans ses bagages le plus vieux trophée sportif au monde. Pouvoir jouer le titre sur cette ultime régate ? Déjà une victoire pour les Américains qui, une semaine avant, voyaient leur chance de toucher l'"Auld Mug" réduite à néant étant menés 8-1 par des Kiwis impressionnants de maîtrise et de vitesse et qui n'avaient qu'un point à décrocher pour repartir avec le trophée en excédant bagage pour Auckland. Malgré tout, le porte-parole du défi américain, le skipper James Spithill, y croit et le fait savoir jour après jour en conférence de presse assurant qu'il ne lâchera rien et que ses hommes restent affamés de succès.
Le pitbull avait prévenu qu'il ne lâcherait rien
Nombreux ont souri et ricané, tous avaient tort. L'Australien ne faisait pas de la communication, il rouait de coups son adversaire par les mots. En coulisse, changement de tacticien, exit Kostecki (l’un des deux seuls Américains à bord) welcome Ben Ainslie (multi médaillé d’or olympique), modifications structurelles et détermination extrême. Un cocktail détonant qui fera perdre la tête aux Néo-Zélandais. La machine se lance. Dos au mur - et ce déjà au début des hostilités après leurs 2 points de pénalité pour tricherie en AC45 - les Américains affichent une sérénité déconcertante et une agressivité extrême sur les départs. Le message est clair, ils sont à l'attaque et veulent défendre leur Coupe. "Nos gars de la technique et de l'équipe design travaillent nuit et jour pour combler l'écart qui nous sépare d'Aotearoa (l'AC72 kiwi)", déclare James "pitbull" Spithill - comme on le surnomme -, plus jeune vainqueur de la Coupe de l'America en 2010 avec l'équipe américaine.
Deux coups de massues portés aux Kiwis
Les points défilent alors : un, puis deux, puis trois à mesure que les balles de matchs du camp néo-zélandais s'épuisent (ils en avaient 8 au total, toutes ratées). "On doit mieux naviguer", admet Dean Barker, le barreur kiwi embarqué dans ce qui deviendra le plus grand traquenard de l'histoire du sport. "On a la vitesse, les réglages et les hommes pour remporter ce trophée", prévient-il en occultant la part de réussite qui leur échappe. Un premier tournant intervient lors de la course 8 lorsqu'Emirates Team New Zealand survole encore les débats, un virement de bord anodin va faire passer le catamaran tout proche de la catastrophe et du retournement. Par une habile maîtrise, le bateau est ramené à l'endroit mais la manche perdue à jamais.
Plus qu'une simple course manquée, le collectif sort touché par cette frayeur. Sur ces multicoques "nous sommes obligés de naviguer à la limite, si tu lèves le pied, tu es mort", expliquait James Spithill. Depuis cet accroc, Aotearoa apparaît tous les jours moins rapide que son adversaire encaissant 9 défaites pour 2 succès. À trop assurer les Kiwis n'ont plus navigué, plus attaqué, balbutié leurs manœuvres. Une énième chance leur tend alors les bras lors de la manche 13 qu'ils survolent littéralement avec plus d'un kilomètre d'avance sur les Américains, mais qu'ils perdent finalement contre la montre et une règle de temps limite fixée à 40 minutes. Jamais les Kiwis n'auront vu la Coupe de si près...
Un scénariste ne le l'aurait pas écrit
La suite s'est écrite en lettre d'or ce mercredi où "toute une nation et une ville entière - San Francisco - étaient derrière nous", de l'aveu de James Spithill. Et comme tout bon scénario hollywoodien, le suspense était de mise avec des Américains distancés de quelques dizaines de mètres au tiers du parcours. Musique entraînante, efforts soutenus des équipiers de la bannière étoilée en gros plan, choix stratégique payant et les voilà devant ! Oracle Team USA mène le bal, une dernière valse et c'est gagné, les sourires fleurissent sur les 11 visages où sueur et sel se mêlent. Ligne franchie, score final de 9-8 (mais 11 duels remportés en comptant les 2 points de pénalité) et victoire méritée au jeu de la mort subite.
Ils l'ont fait, ils ont réalisé l'impensable, l'impossible, l'inimaginable. Seul le sport peut se permettre d'écrire des scénarios pareils en y injectant du suspense, de l'émotion, de la tristesse et de la joie. Un scénariste aurait été tancé pour proposer un tel retournement de situation à un studio de cinéma. Nous, spectateurs comblés, ne pouvons que féliciter ces hommes et les encourager à se dépasser comme ils l'ont montré en véhiculant un fabuleux message. "Ces gars-là ont réalisé un authentique exploit", avoue le pauvre Dean Barker au soir de sa troisième défaite en finale de Coupe de l'America. Pour redécoller, le Kiwi peut s'inspirer de son renversant adversaire. Rien n'est impossible, il suffit d'y croire.
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