America's Cup : il y a 20 ans Alinghi, déjà dans l'histoire

Par François TREGOUET

Premier et unique vainqueur Européen à ce jour de « the Auld Mug », les Suisses d’Alinghi ont fêté ce jeudi 2 mars les vingt ans de leur victoire historique à Auckland. A 18 mois de la compétition dans les eaux Barcelonaises, puisse l’histoire inspirer les équipes Européennes engagées.

Quand en 1851, la reine Victoria voit la goélette de 30 mètres America, skippée par William Brown, laisser dans son sillage 14 bateaux britanniques lors d'une course autour de l'île de Wight, elle demande qui est en seconde position. Avec la réplique de son conseiller, "Majesté, il n'y a pas de second", l’histoire est devenue légendaire. La Coupe des Cent Guinées, fabriquée par l'orfèvre de la Reine, est alors remise au New York Yacht Club et est rebaptisée America's Cup, où elle restera pendant 132 ans. Il faudra tout le talent des Australiens menés par John Bertrand pour venir à bout de cette hégémonie en 1983. Australia II dessiné par Ben Lexcen et financé par le magnat de l’immobilier Alan Bond l’emporte alors sur le Liberty mené par un certain Dennis Conner. En 1995, le regretté Sir Peter Blake crée l'équipe Black Magic, et ravit à son tour l'America's Cup pour l’amener dans le Pacifique, à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Quatre ans plus tard, Dean Barker défend victorieusement l'America's Cup, cette fois contre les Italiens de Prada.

Il était une fois Alinghi

En 2003, c’est donc la deuxième fois que l'America's Cup est organisée en Nouvelle-Zélande, et la troisième fois seulement dans l’hémisphère Sud avec l'édition Australienne de 1987 à Fremantle. Mais sur cette 31ème édition de « La Cup » apparaît un personnage qui ne manque pas de points communs avec un Sir Thomas Lipton ou un Baron Bich. Si Ernesto Bertarelli est né à Rome, il a été élevé à Genève, où son père Fabio avait transféré le siège du géant pharmaceutique centenaire Serono. Ernesto, devenu PDG et l’un des plus riches entrepreneurs Suisses, continue à pratiquer son sport favori, la voile. Une passion née à l’enfance sur la presqu’île de Monte Argentario en Toscane où il passe toutes ses vacances d’été, et qu’il partage avec sa sœur Dona, armatrice du trimaran Spindrift. À la fin des années 1990, il a déjà un joli palmarès sur différents supports, notamment lors du Bol d'Or, la compétition par excellence quand on est riverain du lac Léman. Il est donc prêt à tenter le grand défi en impliquant, comme le veut la tradition, la Société Nautique de Genève, mais surtout en dépensant sans compter. S’étant fixé un budget initial de 60 millions d'euros, il avouera très vite en avoir en réalité dépensé le double in fine. Débaucher la concurrence notamment coûte cher et Ernesto Bertarelli veut les meilleurs talents pour compenser son inexpérience dans l’exercice si particulier qu’est la conquête du plus vieux trophée sportif au monde. Il recrute ainsi sans vergogne au sein de l'équipe néo-zélandaise tenante du titre. Il convainc le barreur Russell Coutts, le tacticien Brad Butterworth et quatre de leurs coéquipiers de rejoindre l’équipe Suisse qu’il baptise Alinghi. Le mot est une invention du futur chef d'entreprise qui, alors âgé de cinq ans, nomme ainsi le personnage imaginaire qui l’accompagne au bord de la mer pendant ses vacances toscanes. La sonorité plut à son père qui décida de baptiser ainsi le premier bateau familial.

A jamais les premiers…

La Louis Vuitton Cup, épreuve départageant les « Challengers » afin que le meilleur dispute l’America’s Cup contre le « Defender » Kiwi débute dans le golfe d'Hauraki le 1er octobre 2002. Neuf challengers sont sur la ligne de départ : trois Américains dont l’infatigable Dennis Conner, les Suédois de Victory Challenge, les Français du Défi Areva, le GBR Challenge, deux Italiens et bien sûr Alinghi. En finale de cette Louis Vuitton Cup Alinghi bat cinq victoires à une l’équipe de Larry Ellison BMW Oracle, un nom qui reviendra souvent dans les années qui suivront. Pour la presse locale, la grande finale décidant de la prochaine destination du « Vieux Pichet d’Argent » oppose donc les nombreux « traîtres » de l'armada suisse à l’enfant du pays, ancien protégé de Russell Coutts, le jeune barreur prodigue, Dean Barker. Alinghi remporte facilement la première course après l'abandon de ce dernier, suite à de nombreux problèmes techniques et même une inquiétante tendance à embarquer de grandes quantités d'eau par ce temps un peu agitée (1 – 0). Si la deuxième manche voit une nouvelle victoire d’Alinghi (2 – 0), cette fois la marge est étroite, seulement sept secondes, après notamment un duel homérique de 33 virements lors du cinquième bord de près ! Dans la troisième manche, Alinghi prend le meilleur départ et mène toute la course, gagnant avec 23 secondes d'avance (3 – 0). Après neuf jours sans course en raison des conditions météorologiques, la quatrième manche est disputée dans du vent fort et une mer agitée, au point que le bateau Néo-Zélandais démâte dès le troisième bord de près (4 – 0). Chaque manche est désormais critique pour les Kiwis car il ne suffit plus que d’une victoire aux Suisses pour graver le nom d’Alinghi sur le socle du trophée. Emportant à nouveau le départ et restant en tête jusqu'à l'arrivée, Russel Coutts tue très vite tout suspens pour l’emporter sur le score sans appel de 5 à 0. Le Kiwi ramène pour la première fois la Coupe en Europe depuis 1851 !

Rendez-vous à… Barcelone !

Pourtant parti d’une feuille blanche, Ernesto Bertarelli a construit une équipe exceptionnelle et surtout capable de gagner dès sa première participation. Le challenger de la Société Nautique de Genève, déclenche un enthousiasme sans précédent, 30 000 personnes attendant l’équipe à son retour à Genève. Une victoire historique, qui plus est pour un pays sans accès maritime. Aujourd’hui Russel Coutts, après l’avoir cofondé avec Larry Ellison, est le PDG du circuit SailGP. Après avoir à nouveau remporté l’America’s Cup en 2007, cette fois en tant que Defender, Ernesto Bertarelli est avec l’équipe Alinghi Red Bull Racing l’un des challengers pour la prochaine Coupe de l’America. Cette 37ème édition se disputera à partir d’octobre prochain à Barcelone. Un choix de plan d’eau en rupture avec la tradition, puisque la coupe est actuellement détenue par les Néo-Zélandais. L’histoire est parfois un éternel recommencement…

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…