
On l’avait quitté défiguré par une colonne de moulin à café défaillante alors que le départ de la dernière Route du Rhum, dont il était l’un des grands favoris en Ocean Fifty, venait à peine d'être donné. On l’a aperçu en équipier aussi discret qu'ultra performant à bord du bateau de Kevin Escoffier qui mène le tour du monde en équipage avec brio, entrainement en conditions réelles mais à 200% pour un futur Vendée Globe. Car le natif de Bristol, installé à Lorient pour être au cœur de la « Sailing Valley », touche au but de sa jeune vie. Le voilà à 33 ans skipper de « For the planet », l’ex-LinkedOut de Thomas Ruyant dont il intègre l’écurie. Un bateau ultra-performant et fiabilisé, qui fera indéniablement partie des favoris en Novembre 2024 au départ des Sables d’Olonne.

Préparateur en 2008...
Pour en arriver là, derrière sa voix posée et son accessibilité, Sam n’est que détermination. Sa jeunesse Caribéenne ne refroidit en rien son enthousiasme quand, de retour en Europe pour ses années lycéennes, il ne manque aucune sortie de la British Keel Boat Academy. La chance souriant aux audacieux, il y rencontre un certain Alex Thompson. L’histoire s’enchaînera non pas comme dans un rêve, mais selon une mécanique bien huilée, à grands coups de talent et de conviction. Avec son mentor, se succèdent transatlantiques et traversées du pacifique. "A level", l’équivalent du baccalauréat français, en poche, et à tout juste 18 ans, à l’université Sam préfère le rôle de préparateur de Mike Golding pour le Vendée Globe 2008. La course, le milieu, sont une révélation et forgent son intime conviction : sa vie est là. En 2010, Artemis lance un programme de détection pour courir en Figaro et le jeune sujet Britannique débarque au Centre d’Entrainement Méditerranée (CEM) de La Grande Motte pour se former au monotype phare de la course en solitaire, sous les conseils de l’excellent Franck Citeau et le regard bienveillant de la star locale, Kito de Pavant. Quatre années pour faire ses gammes, tout en multipliant convoyages et transats Jacques Vabre en Class40. Modestie non feinte, quand il se penche sur cette trajectoire fulgurante, Sam sourit. Il n’en revient pas d’être passé si vite de simple préparateur sur les bateaux d’Alex Thompson à skipper de bateau de course.

...Skipper d'Imoca aujourd'hui !
En 2014 c'est un certain Michel Desjoyeaux, qui lui propose de venir naviguer avec lui autour du monde. Il croit d’abord à un canulard, et l’expérience Mapfre sur la Volvo Ocean Race tournera court, mais le professeur a indirectement semé la graine multicoque dans le cerveau de Sam. De retour prématurément à terre, il s’achète donc un F18 pour « apprendre » le multi, en se disant que ça lui servira bien un jour. Et trois semaines plus tard Brian Thompson l’appelle pour le rejoindre sur le Mod 70 Phaedo 3 ! Dès la première navigation, c’est la révélation. Impressionné au départ, il ne lui faudra pas trois jours pour prendre la mesure des folles vitesses (30-35 nœuds) atteintes par la machine. Trois années d’apprentissage accéléré plus tard, il est devenu un équipier recherché. Il passera le même temps au sein de l’équipe Spindrift : le maxi trimaran pour les tentatives de Trophée Jules Verne à 45-50 nœuds, et le M32 sur le World Match Racing Tour. Outre l’expérience acquise à très haut niveau, il en garde un immense respect pour le talentueux Yann Guichard et sa capacité à manager son équipe sur des supports aussi différents. Il rejoint ensuite Thomas Coville au lancement du nouveau Sodebo pour la Brest Atlantique puis une première tentative de Trophée Jules Verne interrompue aux Kerguelen, safran cassé. Une dernière expérience extrêmement enrichissante avant de se voir confier en 2021 la barre de l’Ocean Fifty Leyton, s’imposant brillamment lors de la première saison du Por Sailing Tour, jusqu’au coup du sort de la Route du Rhum.
A écouter Sam Goodchild il semble beaucoup devoir à la chance et aux « légendes » qu’il a côtoyées : Alex, Brian, Mike, Mich, Yann, Thomas… Mais est-ce que ces marins et managers avertis n’ont pas plutôt décelé derrière le sourire de ce garçon affable, un talent et une détermination sans faille ? Car le néo-Lorientais n’aime rien moins que relever les challenges difficiles, surtout ceux qui lui semblaient, encore il y a peu, impossibles. Comme être le premier étranger à gagner le Vendée Globe ?