Par Figaronautisme.com / RDR2022

Après avoir effectué un dernier empannage hier, les trois leaders en Ultim 32/23 font actuellement route directe en direction des Antilles. Pour eux, terminées les grandes manœuvres stratégiques, en tous les cas jusqu’à la Tête à l’Anglais, au nord de Basse-Terre où le premier, Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), est attendu dès demain mercredi, entre 8h et 13 h (heure de Paris).

L’objectif est avant tout d’aller le plus vite possible et de commencer à réfléchir à la stratégie à adopter pour le tour de la Guadeloupe qui s’annonce de nuit, en heure locale, et donc propice aux rebondissements. Pour les concurrents des autres classes et catégories de cette 12e Route du Rhum – Destination Guadeloupe, qui ont essuyé un troisième passage de front, hier, c’est une partie cruciale de la course qui se joue. L’enjeu ? Trouver la porte vers les alizés qui, pour l’heure, n’est pas encore très grande ouverte.

Depuis hier après-midi, le sprint final est donc officiellement lancé pour les trois leaders de la classe Ultim 32/23, Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), François Gabart (SVR Lazartigue) et Thomas Coville (Sodebo Ultim 3). Pour eux, il s’agit aujourd’hui d’engranger le plus de milles possibles en direction de la pointe nord de la Région Guadeloupe. « Ça commence à aller vite, c’est sympa. Enfin de la glisse, de la vraie ! Le bateau va bien. La mer s’est organisée. C’est plaisant », a commenté le meneur de troupe à la vacation matinale, après une nuit entière, lancé à plus de 30 nœuds de moyenne. « Plus il y a de vent, plus le bateau est facile au pilote. J’en ai profité mais il faisait noir et dans les grains, le vent montait à plus de 30 nœuds. J’avais tout dessus et j’étais en mode « je ne casse rien ». J’aurais pu aller plus vite. Le bateau demandait à aller à plus de 40 nœuds mais j’ai préféré rester raisonnable », a commenté Charles Caudrelier avec une voix nettement plus reposée que la veille. « J’ai pu dormir un peu et passer une excellente nuit », a avoué le navigateur, dont la cadence a un peu faibli en même temps que le vent ce matin. Son avance au pointage de 6 heures sur son concurrent le plus proche ? 110 milles. « C’est pas mal et si je pouvais garder ce matelas jusqu’à la fin, ce serait bien mais je reste vigilant. François est dans une meilleure position que moi car il n’est pas complètement impossible que j’aie un jibe à faire à un moment. La journée va être un peu molle et il va y avoir des grains. Ce n’est pas fini avant la Guadeloupe ! Concentration et repos sont au programme du jour. Je n’ai pas assez d’avance pour me décontracter complètement », a ajouté le skipper du Maxi Edmond de Rothschild qui garde la tête froide et ne cache pas son appréhension pour ce qui concerne les derniers milles. « Ce qui m’inquiète, c’est le tour de la Guadeloupe. J’ai peur que François me fasse une Joyon, qu’il se venge de la dernière fois ! », a relaté Charles qui a forcément en mémoire le scénario de la dernière édition de cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe marqué par neuf heures de mano à mano autour de l’île et, pour finir, un incroyable retournement de situation à la sortie du canal des Saintes. « Je vais arriver à la mauvaise heure, en début de nuit en heure locale. A ce moment de la journée, les vents ne descendent pas encore de la côte. Tout est fait pour faire un finish à suspense comme vous aimez bien à terre, mais comme on déteste en mer », assure le marin.

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© Photo Pierre Bouras

Une petite porte, pas facile à trouver

Plus en arrière, au sud des Açores, les préoccupations ne concernent pas encore l’arrivée mais cette fameuse porte d’entrée dans les alizés qui reste étroite et donne bien du fil à retordre aux solitaires. Car si, depuis hier soir, le vent a commencé à adonner, permettant aux uns et aux autres d’enfin choquer un peu les voiles, du petit temps risque de rebattre les cartes ce mardi. « C’est déjà en train de mollir un petit peu. On essaie de trouver le chemin le plus rapide pour atteindre cet alizé qui nous donnera un peu de souffle. Les modèles sont divergents et ne correspondent pas vraiment à la réalité. Ce n’est pas très clair. Il faut choisir la bonne stratégie et je pense que c’est le vent qui va décider, qui va faire que les options vont se dessiner naturellement », a commenté Jérémie Beyou (Charal) toujours pointé en deuxième position chez les IMOCA, 73 milles derrière le solide Charlie Dalin (Apivia) mais avec une avance désormais supérieure à une dizaine de milles sur Thomas Ruyant (LinkedOut) et Kévin Escoffier (Holcim – PRB). « Je me suis régalé en passant les Açores. On était en transition entre deux grands phénomènes. Il y avait de la micro météo avec les effets des îles et le monde autour. La mer est devenue plate d’un coup. On a pu tirer des bords, faire de beaux virements, c’était génial ! », a ajouté le Finistérien qui en a profité pour réaliser un petit break sur le gros du peloton et reste en chasse derrière Charlie Dalin.

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© Photo Paprec Arkéa Team

Rien de bien écrit

Le passage des Açores sera-t-il aussi excitant pour les concurrents de la Class40 ? La réponse sera connue dans les prochaines heures, Yoann Richomme (Paprec-Arkéa) étant actuellement en approche de l’île de Terceira. « Après le front d’hier, c’est agréable de retrouver un temps à peu près calme, de ne plus avoir ce bruit permanent du bateau qui tape dans les oreilles », a expliqué le vainqueur en titre de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe dans sa classe des 40 pieds qui a, lui aussi, accentué l’écart sur la concurrence directe. Pour preuve, il affiche ce matin une quinzaine de milles de bonus sur Corentin Douguet (Quéguiner – Innoveo) au pointage de 6 heures contre 0,9 hier à la même heure. « J’ai un peu d’avance sur les poursuivants mais vu la suite, je ne sais pas si c’est un avantage. J’ai deux options possibles. Je suis en train de voir jusqu’à quand je peux retarder ma prise de décision car ça ne va pas être simple », a expliqué Richomme qui reste donc prudent. « La stratégie à adopter pour traverser l’anticyclone n’est pas vraiment très bien écrite. Ce mardi est une journée où il va falloir pas mal cogiter, remettre à jour tous les fichiers météo, faire tourner pleins de scénarios pour voir où se situent les risques », a détaillé le marin qui se réjouit, par ailleurs, de la décision prise par son concurrent et ami Corentin Douguet, de poursuivre sa route sans marquer d’arrêt aux Açores. « Ça aurait été, d’une certaine manière, plus « safe » de m’arrêter, de changer la pièce défaillante de mon moteur et de continuer sans les soucis d’énergie qui me pourrissent la vie depuis le départ de cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe, mais le faire hypothéquait aussi grandement mes chances de victoire ou de podium », a indiqué le navigateur concerné qui poursuit donc son rêve de victoire à Pointe-à-Pitre. Même chose ou presque du côté de Quentin Vlamynck qui caracole toujours en tête chez les Ocean Fifty. « Ces dernières heures, Erwan (Le Roux) est un peu revenu mais il y a toujours plus de 50 milles d’écart entre nous en ligne directe. Le but, c’est de ne rien lâcher jusqu’au bout et ne pas avoir de regrets », a terminé le skipper d’Arkema.

Ce qu’il faut retenir :

Récupéré hier après-midi par un cargo à la suite d’une explosion qui s’est produite à bord de son IMOCA aux couleurs de Nexans – Art & Fenêtres avant que ce dernier sombre au large des côtes portugaises, Fabrice Amedeo sera débarqué ce mardi dans la ville portuaire de Ponta Delgada, sur l’île de Sao Miguel, dans l’archipel des Açores.

Les examens médicaux complémentaires, réalisés par Jean Galfione au Centre Hospitalier de Vigo à la suite du choc qu’il avait reçu à la tête, n'ont pas permis aux médecins de se prononcer favorablement pour une reprise de la course. En conséquence, le skipper du Class40 a officiellement signifié son abandon.

Emmanuel Hamez, le skipper du Class40 Viranga a également fait part à la Direction de course de son retrait de la compétition. Après avoir rallié le port de Bénodet dans le but de réparer sa grand-voile, il a finalement renoncé à reprendre la mer, les conditions tempétueuses ne lui laissant pas la possibilité de repartir avant jeudi.

Après avoir évoqué la possibilité d’effectuer un arrêt technique aux Açores afin de régler les soucis de moteur auxquels il est confronté depuis le départ, Corentin Douguet, le skipper Quéguiner – Innoveo, a annoncé son choix de finalement poursuivre sa course et, par ricochet, sa bagarre pour la première place chez les Class40.

Au total, 21 solitaires ont abandonné : 13 en Class40, 4 en IMOCA, 2 en Rhum Multi, 2 en Ocean Fifty. Il reste 117 marins en course.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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