Route du Rhum – Destination Guadeloupe : revue de médias autour du monde
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Outre-Manche, nos confrères de Yachting World saluent bien sûr la victoire et le record de Charles Caudrelier, s’étonnant avec lui qu’il ne soit même pas fatigué, mais la victoire a parfois de ces vertus réparatrices… La grande leçon qu’il retiennent de cette Route du Rhum à grande vitesse, c’est le bond en avant en termes de fiabilité effectué par la classe Ultim en quatre ans. La Route du Rhum 2018 avait en effet vu « le précédent Banque Populaire se briser et chavirer, le Maxi Edmond de Rothschild avoir une section d'étrave entière arrachée, le précédent Sodebo souffrir de problèmes structurels, tandis que le Macif de Gabart boitillait jusqu'à l'arrivée sans deux de ses foils ultra-modernes. » En naviguant régulièrement à plus de 30 nœuds, souvent face au vent, en rencontrant parfois une mer forte, sans chavirer ni subir de dommages structurels, pour les Anglais la conclusion est claire, la perspective d’un tour du monde en solitaire sur ces trimarans de 100 pieds est plus proche que jamais. Ils ont raison, il partira de Brest fin 2023, et il s’appelle l’Arkéa Ultim Challenge. Mais en dehors de la presse spécialisée, point de salut pour une compétition sans doute jugée trop franco-française au Royaume-Uni, les journalistes du Times de Londres limitant leur couverture de l’évènement à l’annonce de la grave blessure de leur compatriote Sam Goodchild, quelques minutes seulement après le départ.
Dans le plus grand quotidien sportif Italien, La Gazetta dello Sport, Emilio Martinelli suit de très près ses quatre compatriotes engagés dans cette édition 2022, Pedote en Imoca, Beccaria, Bona et Fornaro tous trois en Class40. Pour notre confrère transalpin, c’est « la plus célèbre des courses transatlantiques, (…) l’évènement le plus important après le Tour de France Cycliste ! ». Si depuis le départ c’est silence radio dans le quotidien rose, l’arrivée des Class40 pourrait bien raviver l’intérêt des journalistes et des lecteurs de l’autre côté des Alpes. Derrière l’intouchable Yoann Richomme, Ambrogio Beccaria sur Allagrande Pirelli est en effet à la lutte pour la deuxième place avec Corentin Douguet (Queguiner – Innoveo). Le skipper Italien déclarait avant le départ qu’il avait choisi les deux jeunes designers de son bateau, Gianluca Guelfi and Fabio d'Angeli, parce qu’ils étaient « bon marché, mais demain, ils seront chers ! ». Leur cote pourrait effectivement monter en flèche dans les 48 heures à venir et leur nom s’inviter aux côtés des ténors, souvent français, de l’architecture navale.
Le South China Morning Post n’a d’yeux bien sûr que pour le champion paralympique Xu Jingkun. Sur China Dream il fait découvrir à ses compatriotes « l'une des courses à la voile les plus dures au monde ». Le quotidien en ligne rapporte que le skipper « n'ose pas dormir » alors qu'il affronte de violentes tempêtes. Pour lui seul le Cap Horn est plus dangereux que le Golfe de Gascogne. Les divers abandons de ses concurrents le rendent « plus prudent » Avec l’un des plus petits budgets de la flotte Imoca, « un dixième de celui de Charlie Darlin ou Jérémie Beyou, c'est ma première transatlantique en IMOCA et je n'attends rien de plus que de finir". Il atteindrait alors son double objectif, aider la voile à se développer en Chine et prouver qu’une personne handicapée est « capable de faire beaucoup de choses ». On veut bien le croire, et on apprécie d’autant plus la philosophie de Xu quand elle se teinte de poésie : « J'ai vu des centaines de fois le soleil se lever sur la mer, mais à chaque fois, cela m'étonne. Et quand le soleil se lève, comme d'habitude, tout a une solution. Un nouveau jour commence. »
Aux Etats-Unis, il faut aller sur le site spécialisé Sailing Anarchy pour trouver trace de la transat en solitaire. On y admire la légende Joyon avec un titre en forme de jeu de mot « Joyous » pour célébrer sa quatrième place. Le grand vainqueur, Charles Caudrelier, n’est pas oublié pour autant, et la façon dont il a mené sa course en véritable pilote d’une excellente Formule 1 force l’admiration : « What a drive ! » Le Soir à Bruxelles file d’ailleurs la métaphore routière avec ce titre « Caudrelier est passé des camions aux F1 des mers » faisant référence à la formation Marine Marchande de celui qui détient désormais le meilleur temps entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre. « Un rêve de gosse sublimé par un formidable travail d’équipe » écrit Thierry Wilmotte, pour qui le Français rejoint dans la légende les « Gabart, Joyon, Peyron, Arthaud, Coville, Desjoyeaux, Cammas et tant d’autres ». En Allemagne, que ce soit le mensuel spécialisé Yacht ou le populaire Spiegel, on salue la victoire du Français sur Gitana tout en se désolant pour l’Allemand Boris Herrmann, révélation et cinquième du dernier Vendée Globe mais actuellement 24ème sur la route de la Guadeloupe, qui n’a pas trouvé au Sud les alizés qu’il était venu chercher. Enfin en Suisse, notre consœur Caroline Christinaz du Temps à Genève, titre sur « la victoire d’un géant » félicitant habilement d'un même mot le trimaran et le skipper, dont elle admire la gestion du sommeil. Elle n'en oublie pas pour autant de louer le travail de toute l’équipe Gitana, et salue le duel acharné que lui a livré son brillant second, François Gabart.