Vendée Globe : le calme après la tempête

Par Figaronautisme.com

L’océan a-t-il compris qu’il fallait leur accorder un petit répit ? Que les vagues d’émotions qu’ils avaient essuyé en quittant les pontons des Sables d’Olonne étaient bien suffisantes pour ne pas y ajouter quelques rafales et déferlantes ? Qu’après la tempête populaire à terre, ces drôles de créatures que sont les marins en solitaire, plus familiers de la houle que de la foule, avaient besoin d’un petit sas de décompression, comme pour mieux digérer ce qu’ils venaient d’expérimenter...

Le premier coucher de soleil doré sur l’horizon, le premier crépuscule, la première nuit… Tout fut comme un cadeau inespéré de l’automne atlantique offert aux 40 marins officiellement lancés sur cette dixième édition du Vendée Globe. Après des premières heures de course au ralenti avec les voiles qui battent, le vent s’est progressivement levé sur la flotte, venant libérer un à un les concurrents et leur permettre, à une petite dizaine de nœuds de foulée moyenne, de faire disparaître dans leur sillage la côte vendéenne. Qui aurait parié sur cette parenthèse de douceur, sous un clair de lune bienveillant ?

« C’est tranquille, on est au portant, la nuit est belle… On ne peut pas demander beaucoup mieux que ça pour se mettre dans le bain et redescendre doucement après les émotions de ce matin, de ce midi », commentait ainsi Clarisse Crémer, visiblement soulagée de cette accalmie après avoir « pas mal pleuré aujourd’hui. Ca prend pas mal d’énergie et jusqu’à tard cet après-midi il y avait encore beaucoup de bateaux sur l’eau à nous suivre donc mine de rien, c’est à la fois super chouette et à la fois c’est pas facile de se concentrer sur la course quand il y a tout ça autour de nous. Ça fait qu’on n’est pas toujours au top de sa lucidité ! » Clarisse Crémer, L'OCCITANE en Provence

« Encore pas mal émue », la navigatrice de L'Occitane en Provence profitait de ces instants suspendus pour « retrouver ses marques ». Évoluant dans les quinze premières places au classement - « so far, so good, comme disent nos amis les Anglais » - la skipper expliquait vouloir « prendre les choses “step by step”, heure après heure, vague après vague… »

S’il en est un autre qui a dû prendre les choses avec philosophie en ce premier jour de course, c’est bien le Néo-Zélandais Conrad Colman ! Dans un changement de voile juste avant le départ, l’écoute de son grand gennaker file dans l’eau et s’enroule autour de l’hélice. « Ça a calé le moteur, ça bloquait l’écoute et ça empêchait le bateau d’être manœuvrable, résume encore navré de sa mésaventure le marin de 40 ans, qui rêvait d’autres retrouvailles avec le Vendée Globe. Donc j’ai gardé l’équipe à bord avec moi, ce qui fait que je n’ai pas respecté le délai pour débarquer mes équipiers, et donc je ne pouvais plus prendre le départ comme les autres, même un petit peu en retard ! Du coup j’ai demandé à bénéficier du protocole de départ décalé… »

Un peu plus d’une heure après ses petits camarades, le skipper de l’IMOCA MS Amlin s’est enfin élancé, depuis une ligne de départ plus proche de la côte déterminée par la Direction de Course. Résultat ? Si les premiers bords du “Crazy Kiwi” se font dans un calme plat, voilà vite le marin propulsé par un vent favorable… au point de prendre même brièvement, trois heures plus tard, les commandes de la flotte !

« C’était un moment assez puissant, surtout après la déception d’avoir loupé le départ d’origine. Ça montre encore une fois qu’il ne faut jamais baisser les bras. On va avoir des très très bonnes journées comme des mauvaises, et même on peut avoir les bonnes et les mauvaises journées dans la même journée. » Conrad Colman, MS Amlin

Comme si la leçon inaugurale n’était d'ailleurs pas suffisante, Conrad Colman a subi en début de soirée un black-out électronique, lui faisant « louper l’empannage, et prendre quelques milles dans la vue ». « C’est ça le Vendée Globe ! Nos bateaux sont compliqués, on va avoir des moments de joie, de déception, de peur, de frustration : j’ai signé pour tout ! Je suis en train de polisher ma tête pour dégager les traces de rouille accumulées pendant les trois semaines de village, et maintenant je suis hyper ravi d’être bien parti ! »

A la faveur de la nuit, les compétiteurs semblaient d'ailleurs avoir déjà bien vite retrouvé leurs esprits ! Profitant des bascules et des variations de vent, chaque marin lançait sa propre cadence d'empannages pour entamer sa descente vers l'Espagne, et quitter au plus vite le Golfe de Gascogne. Signe de cette intense activité, le canal 16 de la VHF déchirait régulièrement le calme de l'obscurité, les marins se prévenant mutuellement pour coordonner leurs mouvements par mesure de sécurité. « Tout se passe dans la bonne entente, les petits “bonne nuit, bonne chance” pimentent la conversation, je crois qu'on est tous contents d’être en mer », résumait Conrad Colman.

« Pensez à nous. Derrière chaque point sur la cartographie, c’est beaucoup de sueur et beaucoup d’efforts, mais c’est ça le jeu, c’est ça la course au large, et c’est ça qu’on aime. » Conrad Colman, MS Amlin

Aux premières lueurs de l'aube, c'est Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) et Justine Mettraux (Teamwork - Team SNEF) qui menaient la danse à l'Ouest, tandis que du côté des bateaux à dérives, Sébastien Marsset (FOUSSIER) pointait en 6e position, devançant d'une poussière de milles Louis Duc (Fives Group - Lantana Environnement) et Jean Le Cam (Tout commence en Finistère - Armor-lux).

Mais encore bien groupée en 40 milles seulement, la flotte à l'unisson semblait pousser un soupir de soulagement de ce scénario providentiel, qui devrait se prolonger jusqu'au Cap Finisterre. Quelques heures encore grappillées pour continuer de s'amariner, et surtout réaliser : enfin, la bataille du 10e Vendée Globe est bel et bien lancée.

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…