Vendée Globe : La sueur au (premier) front

Par Figaronautisme.com

On les avait quittés en fin de journée encore relativement bien rangés, dans un peloton compact mené à vitesse grand V par un lièvre à l’endurance d’une tortue. On les retrouve au petit matin, éparpillés façon puzzle par le casse-tête nocturne imposé par un Cap Finisterre à la hauteur de sa réputation : venté, houleux, et encombré façon périph’ à l’heure de pointe.

Certes ce n’est pas Bonne Espérance, Leeuwin ou le Horn, mais le Cap Finisterre, la pointe nord-ouest de la péninsule ibérique, sait se défendre en matière de pénibilité ! Si pour les néophytes, ou les joueurs virtuels il est souvent le premier (et le dernier) obstacle sur lequel se fracasser, il constitue aussi une embûche de taille pour les 40 marins du Vendée Globe. 627 mètres précisément, la hauteur du Monte Pindo, le point culminant de cet ensemble de falaises de granite qui vient se baigner les pieds dans l’océan Atlantique, et fait accélérer et changer de direction un vent déjà souvent soutenu, chamboule la houle, et cueille souvent à froid les marins qui le longent.

Or le longer, ils y sont souvent bien obligés ! Car depuis 1993, à 18 milles (28 km) des côtes, a été créé un dispositif de séparation de trafic - ou “DST”, si vous voulez briller dans les dîners - pour organiser cette zone de navigation très fréquentée. Seuls les nombreux cargos sont autorisés à y pénétrer !

Autant dire qu'ils ont pris le temps d'y cogiter à cette première difficulté, les marins du Vendée Globe ! "J'aime ces conditions où l'humain est meilleur à la barre que le pilote automatique, et où l'on cherche le vent avec les yeux et non avec les fichiers météo, racontait ainsi le skipper hongrois Szabolcs Weöres (New Europe). Le Cap Finisterre est toujours délicat, il semble que nous puissions avoir plus de 30 nœuds, il faut donc s'y préparer ! Je vais réduire la surface de voile et je veux être sûr de pouvoir faire une manœuvre à tout moment."

L'intérieur privilégié
Et choisir son camp ! Car cette nuit, tous ont dû trancher : passer “à l’intérieur” du DST, au plus près des côtes pour raccourcir la route, jouer la courbure du vent, mais s’obliger à beaucoup de manœuvres pour rester dans cette étroite bande de mer, partagée en outre avec des plaisanciers et pêcheurs qui ne se soucient pas forcément autant qu'eux d’éviter les collisions. Ou opter pour un passage à l’Est du DST, ce qui rallonge la route mais en évite bien des désagréments ! Le tout bien sûr, avec un premier coup de vent soutenu, imposant un éreintant changement de voile !

Résultat des jeux ? L’intérieur du DST a remporté les faveurs du gros de flotte de ce dixième Vendée Globe, à commencer par le leader, Charlie Dalin (MACIF santé prévoyance), ses dauphins directs, Sam Goodchild (VULNERABLE), Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) ou encore Jérémie Beyou (Charal)), et le chapelet de poursuivants à leurs trousses.

Et ils n’ont pas été déçus du voyage, à l’image de Sébastien Marsset, qui nous racontait depuis le siège de veille de son IMOCA FOUSSIER. " Ça me paraissait très simple de passer dans le Sud du DST, et ça s’est avéré plus compliqué que ce que je pensais ! Des zones très rafaleuses, et surtout des zones sans vent pas forcément là où on les attendait ! On est en train de quitter la côte, la mer est un peu formée, c’est pas facile de trouver la bonne vitesse pour le bateau et d’être stable surtout, on a entre 26 et 36 nœuds de vent ! Pour tout vous dire, je viens juste de faire un gros départ au tas. J’essaie de sortir de là avec pas de casse, c’est comme ça que je l’aborde ! "

Nautisme Article
© Photo du skipper Boris Herrmann

L'extérieur "un peu plus en contrôle"
Mais dans toute partie rondement menée, il faut bien quelques joueurs pour se démarquer ! A commencer par Yannick Bestaven (Maître CoQ V), qui a quitté le top 5 pour faire cavalier seul à l'extérieur du DST. Si le vainqueur en titre du Vendée Globe a perdu quatre places et quelques milles dans l'opération, il a néanmoins épargné peut-être un peu plus sa monture et son organisme, ce qui n'est jamais une idée complètement farfelue dans un marathon du genre !

Derrière, plusieurs bateaux lui ont d'ailleurs emboîté le pas, à l'image de Boris Herrmann (Malizia - Seaexplorer), Romain Attanasio (Fortinet - Best Western), ou encore, sur une option bien plus au large, Nicolas Lunven (HOLCIM - PRB) et la Suissesse Justine Mettraux (TeamWork-Team Snef), qui expliquait à l'aube : " On est dans l’ambiance 25-30 nœuds de vent au portant, depuis l’approche du Cap Finisterre. J’ai choisi de faire une route extérieure du DST pour faire une trajectoire un peu plus simple, un peu plus en contrôle parce qu’au moment où on passait c’était vraiment déjà assez fort dans le corridor sous le cap Finisterre. Normalement, on devrait pas beaucoup perdre sur la route optimale, on fera les comptes dans 24 heures, mais ça ne devrait pas faire de gros écarts ! "
Le pronostic de la navigatrice, bizuth du Vendée Globe mais solidement expérimentée, sera-t-il confirmé ? Une chose est sûre, il ne faudra pas traîner dans la descente du Portugal, car les partisans de l'intérieur, même usés par plus de manœuvres nocturnes, ne semblaient pas montrer de signes de ralentissement, à commencer par le premier au classement depuis plus de 24 heures, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance). Devant son début de course parfaitement exécuté, le double vainqueur du Vendée Globe, Michel Desjoyeaux, s'amusait d'ailleurs : "Si Ariane Espace cherche un nom pour leur fusée, ils peuvent l’appeler Dalin !"

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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