Le Pot au Noir : un premier défi majeur pour les skippers du Vendée Globe

Le Pot au Noir s’étend généralement entre les latitudes 8°N et 3°N dans l’Atlantique, de la pointe du Brésil jusqu’aux côtes africaines, sur plusieurs centaines de kilomètres. Cette bande climatique, connue sous le nom scientifique de zone de convergence intertropicale (ZCIT), se distingue par ses énormes nuages cumulonimbus, visibles jusqu’à 100 milles nautiques, qui marquent l’entrée dans une région aussi redoutable qu’incontournable.
Comment se forme le Pot au Noir ?
Le Pot au Noir se forme à la rencontre des alizés de nord-est dans l’hémisphère Nord et ceux de sud-est dans l’hémisphère Sud, qui convergent à proximité de l’Équateur. Cette collision de vents chauds et chargés d’humidité entraîne une instabilité atmosphérique intense. Sous l’effet des températures élevées, qui atteignent 27 à 29°C pour l’eau et 35 à 40°C pour l’air, l’humidité s’évapore et monte rapidement, donnant naissance à d’imposants cumulonimbus, caractéristiques des orages tropicaux. La région est marquée par une atmosphère saturée, avec un taux d’humidité proche de 100 %. Les conditions y sont très variables, alternant entre des calmes plats et des grains violents. Les marins peuvent y rencontrer des brouillards denses, des pluies torrentielles, des rafales de vent brutales ou encore des phénomènes spectaculaires comme des trombes marines, où une colonne d’air et d’eau tournoie entre la mer et le ciel, ou les feux de Saint-Elme (de faibles décharges électriques visibles sur les mâts). C’est également dans cette zone, particulièrement instable, que se forment souvent les cyclones tropicaux avant de migrer vers d’autres latitudes.
Conséquences pour les skippers : un passage stratégique
Pour les skippers, traverser le Pot au Noir représente un véritable défi stratégique et psychologique. L’imprévisibilité de cette zone est le principal obstacle. Les systèmes orageux se déplacent rapidement, se forment ou disparaissent sans prévenir, rendant les prévisions météorologiques difficiles. Les zones de calme plat, où le bateau peut rester immobilisé pendant des heures ou des jours, sont tout aussi redoutables que les grains violents. Les navigateurs doivent donc s’appuyer sur des outils sophistiqués, comme les images satellites, pour analyser en détail les conditions et identifier les passages les plus favorables. Une mauvaise décision peut coûter de précieuses heures, voire des jours, tandis qu’un passage réussi peut offrir un avantage stratégique crucial. La plupart des skippers choisissent de s’éloigner des côtes africaines, où le Pot au Noir est généralement plus large, et privilégient une route plus à l’ouest, où cette bande de turbulence est souvent plus étroite.
Au-delà des aspects techniques, le Pot au Noir met également à l’épreuve la patience et la résilience psychologique des marins. La chaleur accablante, l’humidité permanente et les averses soudaines rendent les conditions de vie à bord éprouvantes. Les skippers doivent garder leur sang-froid, faire preuve de vigilance et accepter que dans cette région, la nature reste la seule maîtresse du jeu. Traverser cette zone est une épreuve où l’instinct, l’expérience et la capacité à anticiper l’imprévisible jouent un rôle clé.
Les origines du Pot au Noir
L’origine de l’expression « Pot au Noir » reste incertaine et suscite de nombreuses hypothèses. Une des explications fait référence au jeu de colin-maillard, populaire au XVIIe siècle, où l’endroit sombre, le « pot au noir », symbolisait une zone dangereuse à éviter par la personne ayant les yeux bandés. D’autres pensent que cette expression pourrait venir d’une ancienne locution portugaise décrivant une « masse noire informe », en allusion aux nuages denses et sombres qui dominent cette région. Les navigateurs portugais étant les premiers à se rendre dans cette zone. Une hypothèse lie également ce terme au Cap-Vert, où l’on utilisait autrefois le « pot au noir » pour désigner un récipient servant à collecter les déchets, en référence à l’aspect chaotique et hostile de cette zone climatique. Enfin, une explication plus sombre remonte à l’époque des navires négriers, lorsque des esclaves malades étaient jetés par-dessus bord dans cette région, où les calmes plats pouvaient immobiliser les bateaux pendant des semaines. Les Britanniques, eux, l’appelaient les « Horse Latitudes », une expression liée aux chevaux débarqués en mer lorsqu’ils consommaient trop de ressources à bord. Ces récits divers témoignent de la réputation historique de cette zone comme étant à la fois mystérieuse et redoutée.
Le passage du Pot au Noir reste une étape mythique de toutes les grandes courses océaniques, et particulièrement pour les skippers du Vendée Globe. La traversée de cette zone symbolise un passage clé où stratégie, maîtrise et résilience se conjuguent pour affronter l’une des plus grandes énigmes météorologiques de la planète.
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