Vendée Globe : chacun sa route, chacun son abri

Par Figaronautisme.com

Rien ne se passe jamais comme prévu au large, et ces dernières heures le prouvent encore. Pour la première fois dans l’histoire du Vendée Globe, deux skippers ont dû chercher refuge dans un port autre que celui des Sables d’Olonne après avoir franchi la ligne d’arrivée. Benjamin Dutreux (GUYOT environnement – Water Family, 10e) s’est abrité dans la nuit, suivi cet après-midi par Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 11e), tous deux ayant rejoint La Rochelle pour échapper à la dépression qui balaie l’Ouest de la France. Après l’explosion des émotions à leur arrivée, ils espèrent bientôt remonter le chenal vendéen, entourés du public. Pendant ce temps, Boris Herrmann (Malizia-Seaexplorer, 12e) et Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e) devraient couper la ligne mercredi. Plus loin derrière, un groupe de huit navigateurs est freiné par un anticyclone, tandis que cinq autres skippers viennent tout juste de franchir l’équateur, poursuivant leur aventure avec détermination.

S’adapter est une seconde nature pour les femmes et les hommes de mer. C’est un fait pour tous ceux qui s’aventurent au large et encore plus pour ceux qui traversent les océans. Le Vendée Globe vient d’entrer dans sa 11e semaine de course et, comme toujours, Éole et Neptune en sont deux des protagonistes principaux. En cause ? Des dépressions qui s’abattent sur l’Ouest de la France font franchement tanguer les bateaux et mettent parfois les pieds de certains riverains dans l’eau.

Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family) et Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence), les deux derniers finishers (10e et 11e) ont mis le cap sur La Rochelle après avoir franchi la ligne. C’est la première fois de l’histoire de la course que des skippers du Vendée Globe doivent s’abriter dans un autre port à l’issue de l’arrivée. Cela n’a pas empêché les deux navigateurs de savourer, à l’image de Benjamin Dutreux, accueilli en pleine nuit par un joyeux comité d’accueil avec chants et fumigènes. Clarisse, elle, a amarré son IMOCA dans l’après-midi, sous le soleil, après avoir été saluée par une foule venue en nombre sur les rives des écluses. Les deux skippers reviendront aux Sables d’Olonne dans les prochains jours pour savourer la remontée du chenal. « Je suis Sablais, Vendéen, je rêve de ce chenal. J'ai hâte de faire la remontée du chenal, probablement avec d’autres bateaux, ça va être chouette ! »



Le défi de Boris et de Samantha
Les autres bateaux ? Il pourrait s’agir de celui de Boris Hermann (Malizia - Seaexplorer, 12e) et de Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 13e). L’Allemand et la Franco-britannique ont dû ralentir pour laisser passer le gros de la dépression qui a accaparé Benjamin et Clarisse cette nuit. Consultant météo du Vendée Globe, Basile Rochut explique : « Boris et Samantha étaient légèrement derrière eux et risquaient d’affronter des conditions encore plus fortes. Une mer très formée et l’incertitude liée aux conditions les ont poussés à ralentir ».

Actuellement à la latitude du Portugal, ils font face à un noyau de mer forte, avec 6 à 7 mètres de creux et des conditions de vent qui pourraient se renforcer à mesure qu’il se rapproche de la ligne. « J’ai 3 ris dans ma grand-voile, j’essaie de faire le dos rond, de ne pas aller trop vite » confie Samantha dans une vidéo. « La dépression qui les concerne est très intense et son déplacement très lent, souligne Will Harris, membre de Malizia - Seaexplorer. Sur sa limite Sud, cela implique un état de mer très conséquent avec des vagues pouvant atteindre les 12 mètres. On espère qu’ils pourront ralentir suffisamment pour se placer juste derrière et permettre au plus fort de la tempête de passer ».

Derrière, la progression de la cavalerie
À 1000 milles du duo Boris Herrmann-Samantha Davies, Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 14e) et Yannick Bestaven (Maître CoQ IV, hors course) contournent l’anticyclone. Ils espèrent ensuite se positionner pour aller chercher un front, passer au Nord-Ouest des Açores puis filer vers le golfe de Gascogne. Un programme qui concerne égale à Jean Le Cam (Tout commence en Finistère – Armor Lux, 20e).

Isabelle Joschke (MACSF, 18e) est côte-à-côte avec Damien Seguin (Groupe APICIL, 17e). Elle fête ses 49 ans ce lundi et, avant d’ouvrir ses cadeaux et son dernier sac d’avitaillement, elle a pris le temps de raconter les conditions du moment : "C’est calme dans le cœur de l’anticyclone. Ça fait quelques jours que j’avance dans 5 nœuds de moyenne. Je fais avec, je patiente, j’essaie de trouver le meilleur passage pour en sortir. Le regroupement de la flotte, ça ne m’arrange pas. Avec un peu de tribord et de bâbord amure, la fin de course ne va pas être évidente pour moi, je ne pourrai pas exploiter 100% du potentiel du bateau. J’aurais préféré démarrer cette dernière tranche avec un peu d’avance !"
Tanguy Le Turquais (Lazare, 22e), lui, est légèrement décalé à l’Ouest. Il a surtout retrouvé le sourire, 48 heures après avoir dû s’affairer à réparer « en mode MacGyver » : " J’étais dans un état de fatigue bien avancé, les conditions étaient hyper instables… C’était un problème de structure : si je ne m’activais pas tout de suite, ça pouvait détériorer le bateau et le faire couler. Ça a été dur, j’étais en mode course, il fallait s’accrocher. À terre, quand tu as un problème, tu peux te faire aider, tu peux te plaindre, tu peux t’échapper. Au Vendée Globe, tu n’as pas le choix. Et le bonheur que tu ressens quand tu les résous est énorme ".

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Tanguy a également pris le temps de féliciter sa compagne, Clarisse Crémer, des trémolos dans la voix. « Ça fait 14 ans que l’on vit ensemble et elle m’impressionne toujours. Je suis ému parce qu’on ne pensait pas qu’elle serait au départ. Ce Vendée Globe, elle le doit à toutes les personnes qui ont cru en elle mais aussi à tous ceux qui n’ont pas cru en elle et qui lui ont malgré eux donné beaucoup de courage. »

Les aventuriers de l’Atlantique Sud
Lors des dernières 24 heures, cinq skippers ont franchi l’équateur : Kojiro Shiraishi (DMG Mori Global One, 24e), Louis Duc (Fives Group – Lantana Environnement, 25e), Sébastien Marsset (Foussier, 26e) et Violette Dorange (Devenir, 27e). « Tout va bien, je m’attache à préserver le bateau et je commence à réfléchir beaucoup à l’arrivée », confiait Kojiro Shiraishi. Le skipper japonais s’est réjoui de « revoir la Grande Ourse », ce qui n’est pas possible toute l’année dans l’hémisphère Nord et juste une partie dans l’Atlantique Sud.

Justement, ils sont encore six à progresser dans ce fameux Atlantique Sud qui a provoqué tant de tracas dans la flotte. Antoine Cornic (Human Immobilier, 29e) et Éric Bellion (Stand as One – Altavia, hors course) remontent le long des côtes brésiliennes alors qu’Oliver Heer (Tut Gut., 30e) – qui est monté au mât pour régler un problème de ‘lazy-jack’ - et Jingkun Xu (Singchain Team Haikou, 31e) vont bientôt être confrontés au front froid permanent. Pour Manuel Cousin (Coup de pouce, 32e), Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise, 33e) et Denis Van Weynbergh (D’Ieteren Group, 34e), eux, progressent au près, ce qui devrait être toujours être le cas dans les prochains jours.


Retrouvez chaque jour l'analyse METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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