Raphaëla Le Gouvello fondatrice de Respect Ocean : « je souhaite que nous retrouvions un lien sain avec la mer »
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Avant d’être fondatrice de l’association Respect Ocean, Raphaëla Le Gouvello était navigatrice et scientifique. Elle traversa dans les années 2000 sans assistance et en solitaire l’océan Atlantique, la Méditerranée, le Pacifique… Originaire du Morbihan et passionnée par la mer, elle est depuis 2013 la fondatrice de Respect Ocean, un organisme qui connecte les différents acteurs de l’économie bleue autour de même valeurs : le respect et la protection de l’océan.
Est-ce que le confinement peut avoir un effet durable sur la nature ?
"Ce dont souffrent la mer et l’océan, c’est un effet combiné d’un changement climatique qui est en route et qui se cumule avec toute la pollution que subissent la faune et la flore océaniques. Pendant le confinement on a rapidement vu quelques effets de l’arrêt des activités humaines sur la nature, cependant, il faudra beaucoup plus de temps qu’un confinement de quelques mois pour vraiment voir s'inverser la courbe liée au changement climatique. En revanche, il faut être bien conscient de la vulnérabilité de notre système océanique et du fait qu’il faut garder en tête que la crise du covid-19 ne nous empêche pas non plus de préparer les futures crises écologiques."
Que pouvons-nous apprendre du retour des animaux pendant le confinement ?
"La faune et la flore sont constamment confrontées à la dégradation de la qualité des eaux, des habitats ainsi qu’à de la pollution sonore. Suite au confinement, l’homme est devenu silencieux et les activités humaines se sont complètement ralenties voire stoppées laissant la place à la faune qui se réapproprie des endroits où elle n’avait plus l’habitude de venir. Je pense que pour les chercheurs et la communauté scientifique c’est particulièrement intéressant de suivre ce qu’il se passe en ce moment. Ça montre bien que si on voit des mammifères marins comme les dauphins revenir près des côtes, c’est parce qu’il n’y a plus de pollution acoustique. Les images de Venise qui circulent sur internet sont particulièrement impressionnantes, en quelques jours sans activités humaines, l’eau s’est éclaircie et les poissons sont revenus."
Quelles leçons devons-nous tirer pour l'après-confinement ?
"Je pense que le confinement nous invite à repenser notre façon de consommer et les liens que l’on entretient avec les produits de la mer et de l’océan. Nous savons que les produits de la mer sont ceux qui circulent le plus au monde et c'est très mauvais pour les espèces de poissons qui sont victimes de surpêche. Finalement pendant cette période je souhaite que nous retrouvions un lien sain avec la mer. Un peu comme ce que nous voyons à terre, des personnes qui décident de faire marcher les agriculteurs locaux en achetant plus près de chez soi. La mer a été un peu oubliée dans tout ça, mais au fond la solution est très simple. À l’issue de ce confinement, il faudrait se nourrir d’une pêche durable en soutenant les pêcheurs qui exploitent les produits de la mer de manière correcte…"
Êtes-vous inquiète pour l’environnement lors de l’après-confinement ?
"Un jour je suis optimiste en me disant «non» on est finalement en train de se poser les bonnes questions et puis le lendemain je me rends compte que l’après-confinement pourra être dévastateur pour notre terre si nous ne tirons pas les bonnes leçons de cette épreuve. C’est un peu la même chose que lorsque vous faites un régime, c’est l’effet « yoyo ». Aujourd’hui on a réussi à diminuer notre impact sur l’environnement malgré nous, mais demain lors de l’après-confinement, nous devons préserver cette réussite et ne pas se ruer sur la nature et les restaurants comme je l’entends autour de moi. Sinon, tout ce temps passé chez nous à donner une sorte de repos à la nature ne servira à rien et nous allons gravement aggraver la situation qui est déjà alarmante. Si nous sortons de cette crise sanitaire sans avoir appris de nos erreurs, nous allons directement nous jeter dans d’autres crises qui seront écologiques et climatiques et ce sera terrible…"