Ports mythiques : Marseille Vieux-Port, l'amour à déraison
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Bruno Peyron ne s’était pas trompé lorsqu’il avait choisi, il y a 20 ans, Marseille pour ville d’arrivée de sa course des géants : The Race. On a encore la chair de poule à la simple évocation de cette entrée de nuit dans le vieux port. Les Néo-Zélandais, comme les Français, vainqueurs à bord de l’immense catamaran Club Med skippé par Grant Dalton, n’en croyaient pas leurs yeux. Après 62 jours de mer et un tour du monde, ce sont des centaines d’embarcations qui viennent à leur rencontre, sur l’eau, en plein milieu de la nuit. A terre ils sont des milliers à les accueillir. Sous l’éclat des feux de bengale habituellement réservés aux footballeurs du stade Vélodrome, les pierres du Vieux-Port s’illuminent en rouge. Devant l’hôtel de ville, où une estrade a été dressée, l’équipage doit fendre la foule qui veut toucher les héros, avant de les acclamer, telles des rock-stars, lorsqu’ils soulèvent le lourd planisphère-trophée. Tout Marseille est résumée dans cette arrivée : passionnée, chaleureuse, accueillant les marins à bras ouverts.
Sans remonter jusqu’à la préhistoire, c’est un abri protégeant naturellement de la mer qui a convaincu les Grecs originaires de Phocée d’y installer un comptoir, il y 2 600 ans. A bord de leurs navires conjuguant propulsion vélique et rames, ils commercent le long des côtes Méditerranéennes. Ils sont séduits par les qualités topographiques de cette longue et vaste calanque, parfaitement orientée (Est-Ouest) pour se protéger du vent déjà dominant, soufflant du Nord, le Mistral : la Baie du Lacydon, l’actuel Vieux Port. La première ville de France est née. Au fil des siècles la ville a envahi les collines environnantes, mais au loin, les plus hautes montagnes continuent à détourner les rafales. Au Sud, La Bonne Mère, tout d’or revêtue, brille de jour comme de nuit. Elle veille sur la ville en général et sur les navigateurs en particulier. On la repère de loin, surtout de nuit, sans doute le meilleur moment pour approcher celle que les Romains ont baptisé Massilia.
Les sentinelles sont nombreuses quand on approche la ville depuis la mer. La plus au large est l’île du Planier avec son haut phare, le regard tourné vers la haute mer. En progressant vers le Nord, ce sont les îles du Frioul qui forment une protection insulaire. Le Château d’If voulu par François 1er pour renforcer la défense de cette ville stratégique, s’interpose encore avant de pouvoir poser le pied sur le continent. Sur tribord, de petites barques de pêche entrent et sortent du Vallon des Auffes, port miniature, carte postale pittoresque au pied des immeubles. Passé la Digue des Catalans, l’entrée se dessine. Surtout ne pas se laisser embarquer dans l’axe du port de commerce. L’intense trafic de ferries qui relie l’Europe à l’Afrique du Nord donne pourtant une première note comme épicée à cette escale. Mais non, toujours de nuit, il faut se glisser sur la droite, au pied du Palais du Pharo et se laisser immédiatement subjugué par la dentelle de béton illuminée de bleu du MUCEM. Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, quel plus beau symbole pouvait vous accueillir à Marseille ? Son architecte, Rudy Ricciotti, a ciselé son bâtiment de manière merveilleuse, en faisant immédiatement un des symboles de la ville. Qu’il l’ait relié par une passerelle vertigineuse à l’historique Fort St Jean a sans aucun doute participé à cette fulgurante appropriation.
Le trafic routier ayant la bonne idée de se cacher en son tunnel, la magie d’une entrée silencieuse opère. A toute heure du jour et de la nuit, les pêcheurs à la ligne, investissent les rochers. Sur la droite, les deux clubs historiques de la ville se succèdent. C’est d’abord le jeune (1970) CNTL, le Cercle Nautique et Touristique du Lacydon, clin d’œil à l’histoire. Plus loin, c’est l’imposant club-house flottant de la véritable institution qu’est la Société Nautique de Marseille, fondée en 1887. « La Nautique » pour les habitués, de la SNIM notamment, est un des hauts lieux de la vie sociale marseillaise. Il fait face à l’hôtel de ville et ses deux pontons VIP qui ont accueilli, avec tant de ferveur, même en pleine journée de semaine, tous les concurrents de The Race. L’ombrière-miroir géante conçue par Norman Foster clôture sublimement cette échancrure marine dans la ville. À moins d’être vraiment hors-saison et d’y être rentré sur la pointe des étraves de nuit, pas sûr de pouvoir y trouver une place. Mais l’aller-retour est déjà une expérience avant de regagner l’un des multiples mouillages, plus frais et plus calmes, que la côte déroule, notamment vers l’Est.
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