Hors-saison : escale à Bastia

Toute ville insulaire est avant tout un port. Bastia elle en a trois. Il y a bien sûr le Vieux-Port. L’abri naturel ancestral, aujourd’hui parfaitement protégé par sa double digue. Lorsque l’on vient du Sud, la Citadelle qui le surplombe comme une sentinelle, est un amer remarquable lorsque. La côte Est de la Corse offrant peu d’abris, que l’on vienne de Porto Vecchio distant de 75 milles nautiques, des Bouches de Bonifacio ou de Sardaigne, voir sa haute silhouette se découper de plus en plus nettement sur l’horizon, a toujours un effet rassurant. Est-ce pour cela que, construite par les Génois, c’est son nom dans leur langue, Bastia y signifiant Citadelle, qu’adoptera la ville pour patronyme ?
Le Vieux-Port
On profite d’être hors-saison pour s’amarrer discrètement cul au quai de la Madonetta, à deux pas de la Capitainerie. Le panorama est somptueux sur les bâtisses qui se bousculent sur ce rivage escarpé. En arrière-plan les montagnes culminent à près de 1000 mètres d’altitude. Elles n’ont pas encore, comme les sommets plus élevés aperçus plus au Sud, de manteau neigeux. Mais janvier ou février pourrait les voir se couvrir de blanc. En attendant le soleil illumine la ville, et sa lumière si particulière rend encore plus chauds l’ocre, le safran, le terracotta des façades. Y compris celle de l’église St Jean Baptise, qui surplombe autant qu’elle protège de son double clocher, la multitude variée d’embarcations abritées à ses pieds : pêcheurs amateurs, professionnels, plaisanciers sur une ou deux coques… Une promenade de bois a été aménagée au fond de l’anse, permettant aux marins devenus piétons de passer selon l’heure en quelques pas seulement, d’un bord à l’autre, de l’ombre au soleil, des frimas hivernaux à une douceur printanière. A l’heure du déjeuner, on s’installe à la terrasse du restaurant A Scaletta, comme en été. On y goûte les traditions culinaires Corses, mais surtout la quiétude de l’endroit, préservé de l’intense trafic qui congestionne partout la ville, mais qu’on a eu ici la délicate attention de cacher dans un tunnel.
Premier port de commerce de Corse
Après nous être délicieusement perdus dans les vieilles ruelles du quartier de la Citadelle, nos pas nous mènent vers le Nord pour arriver sur la place St Nicolas, sans avoir la moindre route à traverser. La promenade littorale est intelligemment prolongée d’une passerelle qui enjambe la gueule du tunnel du Vieux-Port. Celui-ci engloutit d’un côté des voies un flot aussi important de véhicules qu’il en évacue de l’autre. La place emblématique de la ville jouxte, et ce n’est pas un hasard, le port de commerce et surtout de ferries. Le trafic y est intense, même en hiver, tant pour alimenter l’île que pour assurer la « continuité territoriale » vers Marseille, Toulon, Nice. Mais aussi avec l’Italie, vers Gênes et surtout Livourne qui n’est qu’à 4 heures de ferry. C’est pourtant l’île d’Elbe distante de seulement 36 milles nautiques, que l’on voit en premier, avant de distinguer l’Italie continentale. Les 1000 mètres du Monte Capanne semblent un appel à tourner nos étraves vers les rivages tortueux de cette île qui offrent tant de baies qu’il est possible de s’y abriter par toutes les directions de vent. A ses côtés, plus petites, Pianosa au sud et Capraia Isola au nord sont bien tentantes elles-aussi, mais ce sera pour une autre fois. En attendant, porte-conteneurs, ferries, pétroliers, et autres vraquiers se croisent au large, sous l’œil vigilant du sémaphore de Sagro, qui a mi-chemin entre Bastia et Cap Corse, veille sur le trafic, des professionnels comme des plaisanciers.
Marina de Toga
A peine quelques centaines de mètres parcourus toujours vers le Nord et nous voici arrivés au port de Toga. L’architecture environnante, devenue sans âme, tranche avec celle de Bastia centre. Nous voici brutalement comme sortis de la ville. Près de 400 bateaux sont protégés par la digue artificielle construite en 1990. Si les fonctions priment sur le charme, cette marina répond à un réel besoin, et se devait d’exister. Avec ses quais alimentés, sa zone technique équipée d’un chariot élévateur, on y trouve, surtout en hiver, des places visiteurs disponibles. Mieux, un catamaran de 38 pieds semble habité à l’année, faisant peser un doute sur notre première intuition. Un verre sur la terrasse ensoleillée du Café del Mare plus tard, l’information est confirmée : faire escale à Bastia en hiver est une salvatrice cure de luminosité.