Tour d'Hercule à La Corogne : le plus ancien phare du monde encore en activité
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Avant même le début du calendrier Gregorien, la ville de Brigantium était à la croisée des chemins terrestres et maritimes, mais aussi au cœur de relations commerciales croissantes et des ambitions territoriales de César. A mi-distance entre Gibraltar et l’entrée de la Manche, l’extrémité occidentale de l’Hispanie et donc de l’empire Romain, qu’ils appellent « finis terrae », est stratégique. Pour les navires qui ont longé la côte depuis Gibraltar, c’est un repère rassurant avant d’entamer la traversée du golfe de Gascogne en direction de la Manche et de l’île de Britannia (actuelle Grande Bretagne) visée par l’empereur.
Un phare au bout de la terre connue
Ce n’est pourtant qu’à la fin du Ier siècle qu’est décidée l’édification d’un phare sur la pointe Eiras, située alors à bonne distance de la ville. C’est un éperon rocheux dominant déjà la mer d’une cinquantaine de mètres. Pour le peuple Celte indigène c’est alors un lieu de culte, un sanctuaire. L’architecte Caius Sevius Lupus érige lui une tour haute de 34 mètres. Hier comme aujourd’hui, depuis son sommet la magnifique vue porte sur tout le golfe Àrtabro, des îles Sisargas à l’Ouest, au Cabo Prior à l’Est. La côte Galicienne est réputée pour sa beauté sauvage, avec ses falaises abruptes s’avançant vers la Mer en créant autant de rias étroites aux toits verts. Connaissant son apogée au V° siècle, à la chute de l’Empire Romain, le phare n’est plus éclairé, mais sa tour reste un amer remarquable pour les navigateurs durant tout le Moyen-âge. A tel point qu’avec l’extension de la ville qui entoure aujourd’hui le phare, celle-ci est renommée au XII° siècle Ad Columnam (soit la colonne ou la tour) d’où dériverait son nom actuel, La Coruña en espagnol.
Renaisance au XVIII°, classé par l’UNESCO en 2009
Témoin du système élaboré de navigation imaginé par les Romains, plus ancien phare de l’humanité encore en activité, la tour d’Hercule a été classée au patrimoine mondial de l’Unesco en 2009. Les habitants de la ville l’auront pourtant démuni de nombreuses pierres au cours des âges. Mais au XVI° siècle le Conseil Municipal entend le protéger et même le rénover pour guider un trafic maritime croissant dont son port est devenu une place forte. Mieux, en 1788, le roi Charles III autorise la reconstruction de la tour. L’ingénieur militaire Eustaque Giannini en charge du projet, choisi de conserver le bâtiment initial, mais d’en porter la hauteur à 55 mètres. Les embrasures de la nouvelle façade au style néo-classique ne correspondent que rarement aux anciennes entrées qu’elles recouvrent. De même, la bande diagonale remarquable, qui parcourt les murs en spirale jusqu'au sommet, ne fait que rappeler l'ancienne rampe d'accès romaine. La partie haute est, en revanche, entièrement reconstruite, pour accueillir un feu alimenté par du charbon. On en profite aussi pour remplacer l’escalier en bois par de la pierre. La restauration du bâtiment en lui-même s’étant terminée en 1790, quelques travaux d'aménagement des extérieurs sont finalisés : chemin d'accès, plate-forme…
Eternel guide pour les marins
Les évolutions suivantes, au rythme des évolutions technologiques, concerneront essentiellement le système d’éclairage. Ainsi, très vite, dès 1806, il passe du charbon à l’huile, avec un fanal aux lentilles paraboliques, tournant dans une lanterne de verre. En 1927 il c’est l’électrification. Il adopte alors définitivement son rythme actuel de quatre éclats blancs toutes les vingt secondes. Si vous passez à moins de 24 milles nautiques, sa portée maximale, il vous amènera vers le très sûr abri de La Corogne. Quand on vient du Nord, après un « dégolfage » qui peut être sportif, c’est un havre de repos bienvenu pour les marins modernes. On aime y attendre une fenêtre météo favorable avant d’affronter le redouté Cap Finistère. Ce n’est plus la fin de la terre telle que les Romains la connaissaient, mais le phare de la Tour d’Hercule, imperturbable lui, continue de guider les marins.