
Jean-Michel Cousteau est sorti de la conférence pour la Haute-Mer avec les batteries rechargées. « Le fait que la France prenne l’initiative, cela me donne de l’espoir », a-t-il précisé. Le plongeur estime que l’espèce humaine a enfin compris qu’il fallait protéger les océans pour préserver notre mode de vie. « Aujourd’hui, on me pose des questions sur le climat, sur le fonctionnement de la haute-mer, explique-t-il à Figaro Nautisme. Il y a vingt ans, on m’aurait fait parler des baleines et des requins. »
Figaro Nautisme - Quelle est selon vous la plus grande urgence pour la haute-mer ?
JM Cousteau - Il faut augmenter les zones protégées. Quand vous pensez que sur terre, nous avons protégé entre 13 et 15% de la surface alors que pour les océans, qui couvrent 70% de la planète, il n'y a que 2 à 3% d'aires marines protégées. Il faut faire quelque chose. Ceci dit, la plus grosse opposition, qui était jusque là les pêcheurs, commence à comprendre que cette protection peut aller dans le bon sens. Notamment quand vous montrez aux pêcheurs qu'ils peuvent attraper plein de poissons qui n'existaient pas avant, à l’extérieur de la zone. C'est le principe du poulailler. Dans le futur, ceux qui auraient souhaité devenir des pêcheurs pourront devenir des cultivateurs. (Il marque un temps d’arrêt) Mais attention à ne pas cultiver n’importe quoi. L’aquaculture pour des poissons carnivores comme les saumons est une aberration : avec toute la nourriture qu’ils ingurgitent, il faut 8 à 10 kilos de poissons pour faire un kilo de saumon. Sur terre, on n’élève pas des lions ou des jaguars car nous n'avons pas les moyens de les nourrir. Je suis désolé pour ceux qui se sont lancés dans de telles exploitations mais il faut arrêter cela. C’est tellement plus simple de faire grandir des poissons végétariens dont les rejets vont nourrir des plantes qui les nourriront à leur tour.
Cet appel peut-il être efficace ?
L’intelligence a dominé la compétition qui a pu être très présente entre l’industrie de la pêche, le pétrole, le tourisme… Tous ceux là sont en train de réaliser qu’il faut travailler ensemble pour résoudre les problèmes. Ce qui s’est passé est une étape très importante et elle permet, sans encore faire intervenir la politique, de faire des suggestions de solutions. Et aujourd’hui, beaucoup plus qu’il y a dix ans, nous avons la révolution des communications : les 7 milliards d’humains peuvent poser des questions sur le reste de la planète très facilement. Cela me fascine. Ensuite, le grand public s’intéresse davantage à la haute-mer car il commence tout juste à avoir une petite expérience des océans. Ce qu’il faut, c’est intégrer le public dans la découverte pour que cela devienne une occasion particuière.
Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir aujourd’hui pour une meilleure connaissance des océans ?
Une invention. J’attends avec impatience la certification d’un nouveau moyen d’exploration canadien qui s’appelle l’Exosuit. Le plongeur sera protégé de la pression pendant des heures et des heures, propulsé avec des palmes pour descendre à 300 mètres en 5 minutes, et avec une grande flexibilité pour filmer ou faire des relevés scientifiques. Je suis comme un gamin car je veux être l'un des premiers à descendre avec ! Cela nous permettra d’identifier et d’observer des espèces qu’on n’a jamais pu voir parce qu’on n’était pas là. Une plongée avec un sous-marin d’exploration coûte cher et ne dure pas très longtemps. Si voulez, c’est l’étape après Cousteau. Les trois Mousquemers nous ont permis d’aller à 100 mètres (avec le scaphandre autonome), maintenant nous allons plonger à 300 mètres.
