L'Andréa Doria : un transatlantique à portée de bouteille

Culture nautique
Par Figaronautisme.com

Jusqu’à la démocratisation de l’aviation, le transatlantique était le seul moyen de relier les Etats-Unis au vieux continent. Chaque pays possédait sa propre compagnie à laquelle l’Etat portait un vif intérêt. En effet, les paquebots assurant la liaison régulière avec New York devaient être les plus beaux, les plus luxueux, les plus confortables… un transatlantique devant être avant tout une vitrine flottante du savoir-faire national. Cependant, malgré l’attention portée à ces navires, traverser l’Atlantique en toute saison n’était pas sans risques et le Titanic ne sera pas le seul à être victime de ce redoutable océan. En 1956, le transatlantique italien Andréa Doria va à son tour disparaitre dans les profondeurs.

L'Andréa Doria était taillé pour fendre l'Atlantique ©wikimedia
Jusqu’à la démocratisation de l’aviation, le transatlantique était le seul moyen de relier les Etats-Unis au vieux continent. Chaque pays possédait sa propre compagnie à laquelle l’Etat portait un vif intérêt. En effet, les paquebots assurant la liaison régulière avec New York devaient être les plus beaux, les plus luxueux, les plus confortables… un transatlantique devant être avant tout une vitrine flottante du savoir-faire national. Cependant, malgré l’attention portée à ces navires, traverser l’Atlantique en toute saison n’était pas sans risques et le Titanic ne sera pas le seul à être victime de ce redoutable océan. En 1956, le transatlantique italien Andréa Doria va à son tour disparaitre dans les profondeurs.

213 mètres de longueur, un déplacement de 29 000 tonnes, une vitesse maximale de 26 nœuds et une capacité de 1 200 passagers répartis en trois classes. Certes, L’André Doria n’était ni le plus grand, ni le plus rapide des transatlantiques de son époque, mais il faisait la fierté de l’Italie d’après-guerre, assurant avec son sistership le Cristoforo Colombo la liaison régulière entre Gênes et New-York. En effet, dans une Italie dévastée par la guerre et à l’économie moribonde, la remise en service de nouveaux paquebots par l’Italian line était une question de prestige national. Leur construction se fit d’ailleurs à la hâte : l’Andréa Doria fut lancé en 1951, moins d’un an et demi après la pause de sa quille et effectua sa traversée inaugurale du 14 au 23 janvier 1953. Il fut rejoint l’année suivante par son sistership, le Cristoforo Colombo. A l’époque, les deux paquebots sont réputés extrêmement surs. Ils disposent d’une double coque, de canots de sauvetage en nombre suffisant pour l’ensemble des passagers et membres de l’équipage et des équipements radars les plus modernes. Mais la conception trop rapide des nouveaux transatlantiques va se ressentir et dès sa traversée inaugurale, l’équipage va s’apercevoir que l’Andréa Doria souffre de gros problèmes de stabilité, accusant par gros temps une tendance à la gîte dangereuse. Cependant, ce défaut ne va pas enlever au charme de cet élégant paquebot qui va toujours effectuer ses traversées à plein.

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L'Andréa Doria peu avant son lancement © wikimedia

Le 25 juillet 1956, l’Andréa Doria fait route vers New York et c’est dans un brouillard épais qu’il passe à 22 nœuds le bateau phare de Nantucket qui annonce la fin de la traversée de l’Atlantique et l’arrivée prochaine dans la mégapole américaine. Le brouillard n’inquiète pas outre mesure l’équipage qui sait son bateau équipé d’un radar performant. Faisant une route inverse, le petit paquebot suédois Stockholm qui a quitté le port de New York en milieu de journée pour regagner la Suède rentre également dans le banc de brouillard. Une mauvaise interprétation des données radars va permettre aux deux paquebots de se rapprocher dangereusement jusqu’à entrer en collision. Malgré des manœuvres d’urgences engagées au dernier moment, la proue du Stockholm, renforcée pour pouvoir briser la glace, va percer le flanc tribord de l’Andréa Doria, pénétrant à l’intérieur du paquebot italien sur douze mètres et détruisant totalement trois cabines. Quarante-six personnes vont être tuées à bord du paquebot italien pendant la collision et cinq à bord du navire suédois. Miracle improbable, une jeune passagère de l’Andréa Doria va être retrouvée indemne sur la proue du Stockholm.

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L'importante gite du paquebot a rendu les canots de sauvetage babord inutilisables © wikimedia

La large brèche ouverte dans le transatlantique italien va remplir les ballasts à tribord alors que ceux de bâbord sont quasi vide et le paquebot va rapidement prendre une gite dangereuse. Trente minutes après la collision, décision est prise d’abandonner l’Andréa Doria. Problème : à cause de la trop grande gîte la moitié des embarcations de sauvetage sont inutilisables et 1 660 âmes se trouvent encore à bord. Alors que toutes les conditions d’un nouveau drame de l’ampleur de celui du Titanic semblent réunies, un nouvel acteur va jouer un rôle majeur dans la résolution de ce drame : le paquebot de la French line, l’Île-de-France. Parti de New York dans la journée pour le Havre, l’Île-de-France a croisé l’Andréa Doria peu de temps avant la collision. Recevant l’appel de détresse, il va immédiatement faire demi-tour pour se porter au secours des naufragés. Travaillant sans relâche, l’équipage français va devenir, au milieu de tous les petits bateaux qui se sont déroutés sur la zone de la catastrophe, la pierre angulaire des opérations de sauvetage. L’Île-de-France va ainsi récupérer à son bord 753 naufragés. Finalement, onze heures après la collision, alors que l’évacuation est terminée, l’Andréa Doria va finir par chavirer et sombrer dans les profondeurs de l’océan Atlantique. La photo prise depuis un aéronef par Harry A. Trask pour le Boston Evenning Traveller de la poupe du paquebot disparaissant sous la surface vaudra à son auteur le prix Pulitzer 1957.

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Cette photo des derniers instants de l'Andréa Doria a valu à Harry A. Trask le prix Pulitzer en 1957 © wikimedia

Après un sauvetage réussi, l’Île-de-France met, avec le Stockholm qui bien que gravement endommagé est encore en état de naviguer, le cap sur New York où il reçoit un accueil triomphal dont seul le grand port américain a le secret, remontant le fleuve Hudson le long de la skyline de Manhattan sous les jets de bateaux pompes et dans le brouhaha des cornes de brumes, ovationné par la foule des Newyorkais massés sur les quais et survolé par tout ce que la ville compte d’aéronefs. Pour le vénérable transatlantique, c’est le troisième triomphe de ce type : le premier avait eu lieu en 1927 après sa traversée inaugurale et le deuxième en 1949 pour célébrer son premier retour à New-York après la Seconde guerre mondiale à laquelle il avait survécu. Le sauvetage des passagers de l’Andréa Doria va confirmer le surnom de « Saint-Bernard des mers » qui est donné au paquebot français qui s’est tant de fois dérouté pour porter secours à des marins en détresses.

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L'Île-de-France est devenu dans l'Histoire le héros de la catastrophe © wikimedia

Si l’Île-de-France a pris sa retraite de l’Atlantique en 1958 avant d’être démantelé l’année suivante, le Stockholm, réparé, a repris du service. Plus de soixante-cinq ans après la catastrophe, le paquebot suédois, largement modifié, navigue toujours sous le nom d’Astoria pour le compte de la compagnie française Rivages du monde et effectue des croisières sur toutes les mers du globe, dernier témoin d’une époque révolue. L’épave de l’Andréa Doria ne se trouve qu’à une cinquantaine de mètres de la surface, ce qui la rend théoriquement accessible en plongée sous-marine. En effet, une épave aussi bien conservée a vite attisé la convoitise des plongeurs du monde entier qui l’ont surnommé « l’Everest de la plongée ». Cependant, les courants, la mauvaise visibilité et les filets de pêche qui recouvrent l’épave rendent son accès très dangereux et nombreux sont ceux qui ont perdu la vie en voulant y descendre.

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Malgré de graves avaries à la proue, le Stockholm a pu regagner New York par ses propres moyens et navigue encore aujourd'hui sous le nom d'Astoria © wikimedia

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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