Erik le Rouge : l’exilé devenu fondateur du Groenland

Culture nautique
Par Figaronautisme.com

À la fin du Xe siècle, bien avant les caravelles espagnoles ou les grandes découvertes de la Renaissance, les Vikings sillonnaient déjà l’Atlantique Nord, à bord de leurs navires effilés comme des lames. Parmi eux, un homme se détache, à la barbe flamboyante et au regard dur : Erik Thorvaldsson, qu’on appelait Erik le Rouge. Guerrier, hors-la-loi, navigateur… et fondateur de la toute première colonie européenne au Groenland. Mille ans plus tard, l’île fascine toujours autant : Donald Trump souhaite ardemment qu’elle devienne un territoire américain, et promet de tout faire pour y parvenir.

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À la fin du Xe siècle, bien avant les caravelles espagnoles ou les grandes découvertes de la Renaissance, les Vikings sillonnaient déjà l’Atlantique Nord, à bord de leurs navires effilés comme des lames. Parmi eux, un homme se détache, à la barbe flamboyante et au regard dur : Erik Thorvaldsson, qu’on appelait Erik le Rouge. Guerrier, hors-la-loi, navigateur… et fondateur de la toute première colonie européenne au Groenland. Mille ans plus tard, l’île fascine toujours autant : Donald Trump souhaite ardemment qu’elle devienne un territoire américain, et promet de tout faire pour y parvenir.

L’histoire commence loin des glaces, en Norvège, aux alentours de l’an 950. Le jeune Erik ne choisit pas son destin : son père, Thorvald, est banni pour meurtre. Dans les sociétés scandinaves de l’époque, la justice est expéditive, et l’exil tient lieu de sentence. La famille prend alors la mer pour rejoindre l’Islande, cette île volcanique déjà peuplée de pionniers, où les bannis trouvent un nouveau départ… ou s’entretuent pour un lopin de terre.
Mais le sang de Thorvald coule fort dans les veines d’Erik. Lui aussi, il finira banni. D’abord pour une rixe avec un voisin, puis pour un autre meurtre. Les détails varient selon les sagas, mais le résultat est toujours le même : un homme contraint de fuir, une nouvelle fois, et qui regarde plus loin que les autres.

Là-bas, au-delà de la glace
On est alors en l’an 982, et peu d’hommes ont mis les pieds au-delà de l’Islande. Quelques décennies plus tôt, un marin nommé Gunnbjörn aurait aperçu une masse de terre à l’ouest, mais sans jamais l’explorer. Erik, lui, veut en avoir le cœur net. Il arme un navire, rassemble quelques compagnons, et met le cap vers cette contrée inexplorée, entre mer grise et cieux d’ardoise, là où l’Atlantique se fait cruel et sans pitié.
Il atteint ce nouveau monde après plusieurs jours d’un voyage que seuls les Vikings osaient entreprendre. Ce qu’il découvre est rude, sauvage, mais pas sans promesses : des fjords profonds, des pentes herbeuses, un sol fertile par endroits, et surtout… de l’espace. Un territoire vierge, où l’on pourrait vivre, élever du bétail, cultiver la terre. Il y passe trois années à l’explorer, à le comprendre, à lui donner un nom : Grœnland, “la terre verte”. C’est habile. Car Erik sait que pour bâtir un avenir ici, il devra convaincre d’autres hommes et femmes de le suivre.

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Qassiarsuk© AdobeStock

Une terre promise... en exil
De retour en Islande en 985, il parle de ces pâturages, de cette terre généreuse, sans trop évoquer les hivers meurtriers ni les glaces qui enserrent les fjords. Il embarque 25 navires chargés de colons, de bétail, d’outils et d’espoir. Seuls 14 atteindront leur destination. Les autres sombrent ou font demi-tour. Car le Groenland ne se donne pas facilement.
Mais sur place, la colonie prend vie. Erik installe sa ferme à Brattahlíð, au sud-ouest de l’île, dans ce qui est aujourd’hui le fjord de Qassiarsuk. Une église est construite peu après, à l’initiative de sa femme Þjóðhildr, convertie au christianisme. Les terres sont partagées, les troupeaux s’étendent, les enfants naissent. À son apogée, la colonie groenlandaise compte près de 3 000 habitants, une dizaine d’églises, des fermes dispersées dans les vallées. On y vit du bétail, de la chasse aux phoques, du commerce avec l’Islande et même la Norvège.
Mais ce n’est pas l’Eldorado. Les saisons sont dures, les famines fréquentes. Les colons vivent à la limite de la survie, entre un monde connu qu’ils ont fui, et une nature glaciale qui ne veut pas d’eux.

Et après Erik ?
Erik meurt sans jamais avoir foulé les rivages de Vinland, cette autre terre à l’ouest, découverte plus tard par son fils Leif Erikson, bien avant Christophe Colomb. Le vieux Viking, peut-être affaibli, peut-être prudent, laisse à la nouvelle génération le soin de rêver encore plus loin.
Quant à la colonie du Groenland, elle résiste tant bien que mal pendant près de 500 ans, avant de sombrer lentement dans le silence. Vers 1450, il ne reste plus trace des fermes ni des voix dans les fjords. Le refroidissement climatique, l’isolement, la disparition des échanges commerciaux et peut-être les conflits avec les Inuits auront eu raison des descendants d’Erik.
Aujourd’hui, Qassiarsuk n’est qu’un hameau. Une poignée d’habitants, quelques fermes modernes, et les ruines de la ferme d’Erik, où l’herbe pousse encore entre les pierres sèches. Un musée raconte cette incroyable aventure humaine, et des archéologues continuent de fouiller les vestiges des bâtisseurs d’autrefois.

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Ruines de la ferme d'Erik le Rouge© Wikipédia

Un monde à rebâtir
Ce que laisse Erik le Rouge, ce n’est pas un empire, ni une dynastie. C’est un exemple brut d’audace, né de la nécessité. Il ne cherchait pas la gloire, il cherchait un endroit où poser ses valises, fonder un foyer, vivre autrement. Chassé de partout, il a osé là où peu s’aventuraient. Et il a offert, pour quelques siècles, une terre à ceux qui n’en avaient plus.
Son histoire, rude et réelle, flotte encore dans le vent glacial des fjords. Un récit de pionnier, sans héros ni or, juste un homme, une voile, et l’envie de recommencer ailleurs.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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