
Construit aux Sables-d’Olonne par le chantier Florimond-Guignardeau, Le Mutin voit le jour en 1932. Ce cotre à tapecul est taillé pour affronter les eaux hostiles de l’Atlantique Nord, où il est destiné à la pêche à la morue, sur les bancs de Terre-Neuve.
Avec ses lignes classiques, sa coque en bois massif et son gréement aurique puissant, il appartient à la grande tradition des voiliers de travail français. Son plan de pont dégagé, ses formes marines et sa grande voile lui permettent de supporter les campagnes longues et exigeantes, où les hommes et les bateaux affrontaient le froid, les tempêtes et l’isolement.
1940 : l’évasion héroïque et la guerre secrète
Le 18 juin 1940, l’histoire du Mutin bascule. Dans la nuit du 18 au 19 juin, l’École navale, où il est alors affecté, est violemment bombardée par l’aviation allemande. Pour échapper à la destruction, Le Mutin appareille en urgence, direction Ouessant, avant de rallier Plymouth, en Angleterre.
C’est là, dans le tumulte de la débâcle, que son destin prend un tournant inattendu. Un officier du Special Operations Executive (SOE), le service secret britannique chargé des opérations spéciales en territoire ennemi, repère ce voilier discret et robuste. Il est aussitôt réquisitionné pour intégrer une flottille très particulière : celle des bateaux-espions chargés de missions d’infiltration et d’exfiltration sur les côtes françaises occupées.
Déguisé en thonier - l’un des maquillages les plus ingénieux de la guerre - Le Mutin reçoit un armement pour le moins insolite : un canon antiaérien de 20 mm récupéré sur un Messerschmitt Bf 109 abattu, installé à son bord. Pour parfaire la couverture, le Muséum d’Histoire naturelle de Londres fournit de faux thons fabriqués sur mesure... remplis de plastique explosif, dissimulés dans les cales.
Durant tout le conflit, ce faux bateau de pêche multiplie les missions secrètes, servant à déposer des agents, récupérer des pilotes tombés en France, exfiltrer des résistants ou livrer du matériel aux réseaux clandestins. Sa discrétion et son apparence anodine lui permettent de naviguer sans éveiller les soupçons, tout en jouant un rôle crucial dans l’effort de guerre britannique.
L’après-guerre : un voilier-école au service de la Marine nationale
Après la guerre, Le Mutin retrouve un pavillon français et intègre définitivement la Marine nationale. Dès 1945, il devient un navire-école et se voit affecté à l’École navale.
Grâce à son gréement aurique, complexe mais pédagogique, il devient l’un des voiliers les plus prisés pour l’instruction à la navigation traditionnelle. Depuis plus de 80 ans, il forme marins, sous-officiers et officiers à la manœuvre des voiles, aux quarts de veille, à la coordination d’équipage et à l’apprentissage des fondamentaux de la mer.
Aujourd’hui encore, il reste l’un des piliers de la formation à la voile dans la Marine nationale. À son bord, tout se fait « à l’ancienne » : pas d’automatisation, uniquement la force des bras et l’intelligence des manœuvres, sous la houlette de marins professionnels aguerris.
Un symbole vivant du patrimoine maritime français
Basé à Brest, Le Mutin reste le plus ancien navire en service actif de la Marine nationale française. Avec ses 33 mètres hors tout (22,3 mètres de coque), sa silhouette élégante et son histoire singulière, il attire la curiosité lors de chaque escale.
Sa coque noire et blanche, ses voiles ocres et son gréement aurique en font un ambassadeur emblématique du patrimoine naval français. Il est régulièrement sollicité pour participer aux grands rassemblements nautiques, comme aujourd’hui aux Voiles de Légende à Dunkerque, où il incarne à la fois la tradition, la mémoire et la transmission du savoir-faire maritime.
Dans chaque port, il continue d’impressionner, rappelant que la mer, avant d’être une aventure, fut d’abord un combat pour la survie et la liberté.
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