
A travers ses images du grand large, on découvre pêle-mêle le sourire d’un globicéphale, l’œil d’une petite tortue caouanne surprise tout près de la surface, un requin peau-bleue curieux, un grand cachalot prêt à sonder, ou un rorqual escorté par une troupe de dauphins. Plus près de nos rivages, dans la quiétude des herbiers de posidonie ou le long des majestueux tombants coralligènes, baudroies à l’affût, corail rouge et fragiles nudibranches révèlent toute la beauté d’une biodiversité hors du commun. Mais ces clichés nous montrent aussi comment les pressions que nous exerçons sur notre environnement, à travers le trafic maritime, la pollution ou, plus largement, les modifications du climat ont un impact direct sur la vie marine. Méditerranée est un hymne à la biodiversité, un appel à sa contemplation et à sa préservation !La Mer Méditerranée

De tout temps, elle a porté les rêves des hommes. Sur ses rivages se sont développées certaines des plus riches civilisations antiques et, sans elle, mer nourricière mais aussi lieu d’évasion, bien des voyages n’auraient jamais eu lieu. Les routes maritimes les plus anciennes ont vu transiter des denrées de toutes sortes, vin, huile, étoffes ou vases précieux, elles sont aussi devenues de fabuleux moyens de métissage, mélangeant les peuples et les cultures au gré de la puissance des vents et des courants. Pendant des siècles, le creuset méditerranéen s’est enrichi, à mesure que les marins voyaient leurs horizons s’élargir et rêvaient de conquêtes. La Méditerranée a donné naissance à des empires, s’élargissant un temps avant de disparaître et d’être remplacés par d’autres ; mais également à bien des mythes et légendes nés d’une irrésistible attirance mêlée de crainte pour les mystérieuses créatures marines qui la peuplent.Des siècles plus tard, la fascination qu’elle exerce sur les amoureux de ses rivages et de ses profondeurs est la même. Des criques isolées aux falaises abruptes, des plages douces aux eaux du grand large, elle conserve un goût de paradis originel peuplé de créatures mythiques et son pouvoir demeure intact. A peine plus grande qu’une goutte d’eau dans l’immensité des océans du monde, elle occupe pourtant une place à part. Il y a 5,3 millions d’années, alors qu’elle est totalement asséchée, d’énormes quantités d’eau s’y engouffrent à nouveau par le passage de Gibraltar : quelque 100 millions de mètres cubes par seconde ! En moins de deux ans, à raison de 10 cm par jour, elle retrouve son niveau antérieur et prend sa forme actuelle. Presque fermée, même si elle est toujours alimentée par les eaux du détroit, elle ne représente que 0,8 % de la surface des mers et océans de la planète et abrite pourtant une vie marine exceptionnelle. Considérée comme l’un des hauts lieux de la biodiversité - ce que l’on appelle les hotspots de biodiversité - recensés à travers le monde, on y compte plus de 17 000 espèces représentant plus de 10 % des espèces marines mondiales, dont 28 % sont endémiques.
Son équilibre reste fragile. Plus de 500 millions d’habitants, rejoints par 360 millions de visiteurs par an - près d’un tiers du tourisme mondial - se partagent les côtes méditerranéennes. Elle concentre plus de 25 % du trafic maritime à l’échelle de la planète. Une étude de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) annonçait en 2020 que quelque 230 000 tonnes de déchets plastiques y étaient déversées chaque année… Autant de pressions humaines qui fragilisent des écosystèmes indispensables à toute la planète. Face au changement climatique, la Méditerranée est également en première ligne. Elle doit aujourd’hui faire face aux évènements dévastateurs qui se multiplient : canicules, incendies, sécheresses, inondations et tempêtes sans précédent impactent à la fois les activités humaines et la vie marine. Sa température de surface ne cesse d’augmenter, comme le montrent les records de température enregistrés à l’heure où nous écrivons ces lignes, ce qui pourrait mettre en péril la survie à long terme de certaines espèces.

Un patrimoine commun inestimable à préserverMais la Méditerranée est bien vivante ! La biodiversité qu’elle abrite en témoigne. Les efforts entrepris depuis 40 ans ont indéniablement porté leurs fruits, même si l’on n’en est pas au même stade dans l’ensemble des pays qui la bordent : l’assainissement des eaux usées, la multiplication des aires marines protégées, l’augmentation des connaissances scientifiques, mais aussi la sensibilisation du public et la mise en place de réglementations et moratoires ont aidé à préserver certaines espèces, comme le corb ou le mérou. D’autres, comme l’ange de mer (une espèce de requin) et le phoque moine, ont bien failli disparaître. Le premier, autrefois si abondant en baie de Nice qu’il lui a donné son surnom de baie des Anges, était au bord de l’extinction, victime de la surpêche. Mais l’on a récemment découvert, dans les eaux corses, des populations inconnues qui laissent la porte ouverte à tous les espoirs de recolonisation de l’espèce. Le second, longtemps considéré par les pêcheurs comme nuisible, a été impitoyablement chassé. Aujourd’hui, même si les colonies de phoques moines sont encore limitées à quelques îles isolées, elles semblent peu à peu reprendre leur expansion. Le travail accompli par les chercheurs, les gestionnaires d’espaces protégés, n’a pas été vain. Les capacités de résilience de notre Méditerranée, dès que l’on met en place des mesures de préservation, sont immenses. Mise en place en 2002 dans les eaux européennes, l’interdiction d’utiliser des filets dérivants, particulièrement meurtriers pour toute la faune pélagique, a elle aussi fait ses preuves, même si une pêche illégale subsiste. Plus que jamais, il revient aussi à chacun d’entre nous de nous interroger sur nos modes de vie et sur l’impact qu’ils peuvent avoir sur notre environnement. Chacun, au quotidien, peut s’investir dans sa préservation. Des habitats extrêmement variésDes rivages au grand large, la Méditerranée abrite un incroyable bestiaire sous-marin. Dès les premiers mètres d’eau, dans les petits fonds côtiers, poulpes et dorades partagent leur territoire avec les saupes, les serrans, les sars, les blennies, les castagnoles et les girelles. Ils investissent chaque coin de roche, colonisent les herbiers de posidonie, s’y nourrissent et s’y reproduisent, renouvelant en permanence le cycle de la vie. Un peu plus bas, sur les fonds coralligènes, c’est un foisonnement d’éponges, de gorgones, de coraux où se dissimulent d’innombrables espèces, corbs et mérous, rascasses, murènes et congres. Et dans les grandes plaines sableuses, apparemment désertes, poissons plats, raies ensablées, ou encore squilles et hippocampes se partagent un territoire immense. La pleine eau, elle, est le royaume d’une faune pélagique souvent insoupçonnée et mal connue. D’impressionnants mammifères marins y côtoient les poissons les plus majestueux, mais aussi les tortues marines et les oiseaux de haute mer.Greg Lecoueur : l’appel du large à la passion de la Méditerranée

C’est un retour aux sources. Après avoir sillonné tous les océans, visité les antipodes, ramené d’Antarctique, des Galapagos, d’Afrique du Sud ou d’ailleurs, des images qui nous ont fait rêver, Greg Lecoeur s’attache désormais au devenir de notre Méditerranée. Il y est chez lui, enfant de Nice qui n’a jamais cessé de rester lié à sa terre d’origine, entre mer et montagne, mais les yeux très vite tournés vers le large. Il est, comme tant de ceux de sa génération, bercé par les aventures de la Calypso, fasciné par Le Grand Bleu. Il transforme très vite ses rêves d’adolescent en réalité en achetant un petit bateau ; il lui permet de partir en mer aussi souvent que possible, direction plein large, et d’apprendre à connaître une vie marine qui le fascine. Au début des années 2000, alors qu’il navigue en solitaire à quelques milles au large de Nice comme il aime tant à le faire, il fait la rencontre qui a sans doute changé sa vie : un groupe de 80 globicéphales entoure son bateau ! Il décide d’arrêter son moteur et de se laisser dériver, aussi ému qu’émerveillé. Les cétacés s’approchent, lui tournent autour et le scrutent, la tête sur le côté et l’œil aux aguets. Pendant près d’une heure, ils restent à proximité et il entend parfaitement les sifflements qu’ils émettent pour communiquer entre eux. Régulièrement, ils adoptent ce que l’on appelle la position de l’espion, la tête hors de l’eau, pour l’observer avant de reprendre tranquillement leurs échanges sociaux sans se soucier de sa présence. Un moment d’éternité, irréel, hors du temps.

C’est à ce moment-là qu’il achète son premier appareil photo, pour pouvoir documenter ses observations. Sa passion du large tourne rapidement à l’obsession. Quelques années plus tard, il décide de changer de vie et de consacrer la sienne à témoigner, à mettre en images les scènes de la vie marine auxquelles il a le privilège d’assister. Son talent fait le reste. Très vite, ses images et ses reportages sont publiés dans le monde entier et il acquiert une reconnaissance internationale, distingué par les récompenses les plus prestigieuses. Il est notamment nommé en 2016 Photographe de nature de l’année par le National Geographic, et intègre en 2018 le fond d’images National Geographic Image Collection. Il se trouve alors à la tête d’expéditions naturalistes qui l’emmènent dans tous les océans. Mais dès qu’il revient en France, il repart explorer la Méditerranée, met le cap sur le large ou s’attarde au contraire dans les petits fonds de la baie de Nice. Greg Lecoeur, après des années d’exploration de la « Grande Bleue », se pose en défenseur de la mer de son enfance, trop longtemps considérée par certains comme moribonde. Avec l’association We are Méditerranée, il a sillonné le sanctuaire Pelagos, dédié à la préservation des mammifères marins, pour documenter sa richesse. Au-delà des cétacés, le photographe a aussi posé son œil amoureux de la Méditerranée sur toute la biodiversité d’une mer foisonnante de vie et partagé son aventure avec plusieurs équipes de recherche. Entre émotions et découvertes, entre science et partage. On découvre pêle-mêle, au fil de ses clichés, le sourire d’un globicéphale, l’œil d’une petite tortue caouanne surprise tout près de la surface, un requin peau-bleue curieux, un grand cachalot prêt à sonder ou encore un rorqual commun, deuxième plus grand mammifère vivant sur la planète, escorté par des dauphins. L’émerveillement que provoquent les images fait la part belle au rêve et au mystère que la Méditerranée conserve, pourtant parfois tout près de nos rivages, à portée de palmes ou presque, ou, en tout cas, à portée de bateau. Ceux qui mettent en doute la beauté du vivant en Méditerranée en seront forcément troublés. Les autres seront émerveillés, conquis, subjugués, premier pas éternel vers l’envie de protéger.Édition : Turtle Prod. ÉditionsDate de sortie : 21/11/2024Nombre de pages : 336Prix : 49€