
Une espèce encore vulnérable
Présente dans l’ensemble de l’océan Pacifique et de l’océan Indien, la tortue olivâtre (Lepidochelys olivacea) figure sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en tant qu’espèce « vulnérable ». Aux Philippines, elle est l’une des cinq espèces de tortues marines recensées, et l’une des plus menacées.
Comme de nombreuses espèces marines, elle subit de multiples pressions : la pêche industrielle, qui provoque des captures accidentelles ; la collecte illégale d’oeufs ; la consommation de sa chair ou de ses organes, encore valorisés dans certaines pratiques médicinales ou rituelles ; et enfin, le développement du tourisme sur les côtes, souvent peu régulé, qui dérange les sites de ponte ou perturbe le comportement naturel des jeunes tortues.
Malgré l’adhésion des Philippines à plusieurs conventions internationales interdisant le commerce de tortues de mer, ces pratiques perdurent. Dans certaines régions, leur chair reste une source de protéines pour les populations locales, et les oeufs sont vendus au marché noir. D’autres spécimens sont exportés illégalement, notamment vers la Chine, où la demande reste forte.
Des trafics toujours actifs et difficiles à contrôler
Selon les observateurs sur le terrain, les réseaux de contrebande restent actifs, notamment dans les régions reculées du pays. Des bateaux étrangers s’approcheraient des côtes pour acheter directement des tortues capturées par des pêcheurs locaux. Cette pression externe, conjuguée à la pauvreté persistante de certaines communautés côtières, rend l’application des lois très difficile. Le territoire maritime philippin est vaste - plus de 7 000 îles, avec une immense zone côtière - et les moyens de surveillance restent limités.
À cela s’ajoutent les effets du changement climatique. L’érosion des plages et la montée du niveau de la mer réduisent les sites de ponte accessibles aux femelles. Les températures plus élevées peuvent aussi perturber le sex-ratio des naissances, qui dépend de la température du sable lors de l’incubation.
Des initiatives locales qui changent la donne
Face à cette situation, des programmes communautaires se sont structurés, avec le soutien d’ONG locales et d’institutions gouvernementales. Plusieurs initiatives récentes ont montré des résultats encourageants.
Dans la province d’Occidental Mindoro, plus de 1 600 bébés tortues ont été relâchés entre novembre 2024 et mars 2025, un chiffre record pour la région. À Bagac (Bataan), 1 800 tortues ont retrouvé la mer en février 2025, dans le cadre d’un programme coordonné avec des écoles, des pêcheurs et des bénévoles. Des actions similaires ont eu lieu à Surigao City, Sarangani Bay et sur l’île de Biliran, où un sanctuaire marin a été créé à Higatangan pour protéger les sites de nidification.
Ces efforts s’accompagnent souvent de campagnes d’éducation auprès des communautés, pour sensibiliser les habitants à l’importance de la conservation, mais aussi proposer des alternatives économiques. L’écotourisme responsable en fait partie, à condition qu’il soit encadré.

Vers un tourisme plus éthique
Le tourisme représente à la fois une menace et une opportunité. Dans des endroits comme Morong, où des tortues viennent pondre entre octobre et février, les jeunes tortues sont parfois utilisées pour attirer les visiteurs. Des oeufs sont placés en captivité jusqu’à l’éclosion, afin de permettre aux touristes de manipuler les bébés et de les relâcher en pleine lumière, souvent au mépris de leur cycle naturel.
Certaines organisations, comme le Large Marine Vertebrates Research Institute Philippines (LAMAVE), travaillent avec les communautés pour développer des pratiques plus éthiques : observation à distance, formation de guides locaux, limitation des interactions humaines. L’objectif est de préserver l’expérience touristique sans nuire à l’animal.
La préservation des tortues olivâtres passe par un engagement de long terme, à l’échelle locale comme nationale. Cela implique une meilleure application des lois existantes, des moyens accrus pour surveiller les zones à risque, mais aussi une mobilisation continue des populations riveraines, premières gardiennes de ces plages devenues si précieuses.
Car malgré les relâchers réussis et les campagnes de sensibilisation, la pression reste forte. Sans une implication durable de tous les acteurs - autorités, ONG, chercheurs, touristes et habitants - les avancées pourraient rester fragiles. La tortue olivâtre continue de tracer sa route entre les vagues et les filets, entre l’admiration qu’elle suscite et les dangers qu’elle affronte.