Jacques Cartier, sur le fleuve d’un monde nouveau

Culture nautique
Par Figaronautisme.com

À la fin du XVe siècle, les ports de l’Atlantique bruissent de récits. Depuis que Christophe Colomb a traversé l’océan, les rois d’Europe regardent vers l’ouest, espérant y trouver de nouvelles routes, des richesses, des territoires à revendiquer. À Saint-Malo, cité corsaire battue par les vents, un jeune marin apprend son métier au rythme des marées : Jacques Cartier, né en 1491.

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À la fin du XVe siècle, les ports de l’Atlantique bruissent de récits. Depuis que Christophe Colomb a traversé l’océan, les rois d’Europe regardent vers l’ouest, espérant y trouver de nouvelles routes, des richesses, des territoires à revendiquer. À Saint-Malo, cité corsaire battue par les vents, un jeune marin apprend son métier au rythme des marées : Jacques Cartier, né en 1491.

Comme beaucoup, il part pêcher la morue au large de Terre-Neuve. Il connaît les vents du large, les côtes rudes, la patience qu’imposent les longues traversées. Rien ne le distingue encore vraiment, sinon une solide réputation de navigateur. Son mariage avec Catherine des Granches, issue d’une famille d’armateurs, lui ouvre aussi des portes. Il entre dans le cercle des hommes de confiance. C’est à ce moment que le destin bascule.

Un roi et une idée
En 1534, le roi François Ier cherche à concurrencer l’Espagne et le Portugal, qui dominent déjà l’Atlantique. Il veut trouver un passage vers les Indes par l’ouest, ce qu’on appelle alors le "passage du Nord-Ouest", et prendre pied dans ces terres encore inexplorées par les Français.
Cartier est choisi pour mener l’expédition. Il n’a pas de titre noble, mais une expérience solide. Deux navires, une soixantaine d’hommes, et une mission : explorer et revendiquer, au nom du roi de France.

Une croix plantée à Gaspé
En quelques semaines, Cartier atteint les côtes de Terre-Neuve, puis explore les rives du Labrador. Il entre dans le golfe du Saint-Laurent, qu’aucun Européen n’a encore véritablement cartographié. En Gaspésie, il rencontre un groupe d’Iroquoiens, venus là sans doute pour pêcher ou commercer.
Le contact est pacifique. Mais Cartier, fidèle aux coutumes européennes de l’époque, érige une croix de dix mètres avec l’emblème du roi, pour signifier que cette terre est désormais française. Ce geste n’est pas neutre : pour les Iroquoiens, il n’a aucun sens politique. Mais ils comprennent qu’un pouvoir étranger cherche à s’imposer. Le chef, Donnacona, s’en inquiète.
C’est alors que Cartier prend une décision difficile à comprendre aujourd’hui : il fait embarquer deux des fils de Donnacona. Officiellement, il souhaite les emmener pour en faire des interprètes, des guides pour de futurs voyages. En réalité, c’est un acte de force, et d’opportunisme. Avec eux, il pourra mieux communiquer lors d’un prochain retour. Il pense aussi gagner du crédit auprès du roi en ramenant des « représentants » de ces nouvelles terres. Il ne s’agit pas d’un geste isolé à l’époque : les explorateurs ramènent souvent des autochtones comme preuve de leurs découvertes, et parfois dans l’espoir d’en faire des intermédiaires. L’histoire retiendra surtout que c’était un enlèvement.

La découverte du fleuve
L’année suivante, Cartier reprend la mer. Cette fois, il est mieux préparé. Trois navires, un équipage plus important, et surtout, les deux jeunes Iroquoiens qui lui permettent de naviguer plus loin à l’intérieur des terres.
C’est grâce à eux qu’il découvre le fleuve Saint-Laurent, une voie immense qui traverse le coeur du continent. Cartier remonte ce fleuve majestueux jusqu’à Stadaconé, le village de Donnacona, près de l’actuelle ville de Québec. Puis il pousse encore plus loin, jusqu’à Hochelaga, au pied d’une colline qu’il nomme « mont Royal ». Là, il découvre une société structurée : des maisons en bois, des champs cultivés, une population organisée.
Cartier est impressionné. Il pense avoir trouvé un accès vers la Chine. Mais il ne peut aller plus loin : les rapides bloquent la route. Il revient donc à Stadaconé pour passer l’hiver.

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Representation des navires de Jacques Cartier© Wikipedia

L’hiver et la maladie
Les mois froids sont redoutables. Le fleuve gèle, les réserves s’épuisent, et bientôt, le scorbut frappe. Les hommes tombent malades, leurs gencives saignent, leurs forces s’éteignent. Un quart de l’équipage meurt. Les Iroquoiens, eux, savent comment survivre. Ils préparent une décoction à base d’écorce de thuya, riche en vitamine C, qui sauve les survivants. Ce remède, Cartier le retient précieusement.
Et pourtant, malgré cette aide précieuse, il choisit une nouvelle fois de capturer Donnacona, son fils, et plusieurs autres membres du village. Il veut les présenter au roi de France, mais aussi s'assurer une forme d’emprise sur ce territoire lointain. Il espère qu’en les montrant à la cour, il obtiendra les moyens de revenir, peut-être de coloniser. Donnacona meurt en France, sans jamais revoir sa terre.


L’échec d’une colonie
En 1541, une troisième expédition est lancée. Cette fois, François Ier souhaite établir une colonie permanente. Cartier installe un camp à Charlesbourg-Royal, près du Cap-Rouge. Il explore les alentours, croit découvrir de l’or et des diamants. Il remplit des barriques entières de pierres brillantes, persuadé qu’il tient enfin les richesses tant espérées.
Mais les tensions avec les Iroquoiens sont fortes, les conditions de vie très dures, et les renforts, dirigés par Jean-François de La Rocque de Roberval, mettent trop de temps à arriver. Cartier finit par repartir secrètement pour la France. Il laisse tout derrière lui : la colonie, les promesses, les pierres... qui s’avéreront n’être que du quartz et de la pyrite. D'où le dicton encore cité : "faux comme des diamants du Canada".

L’empreinte d’un nom
Cartier ne retournera plus jamais en Amérique. Il meurt à Saint-Malo en 1557, sans grands honneurs. Mais son oeuvre demeure. Il est le premier Européen à avoir exploré l’intérieur du Canada, à avoir cartographié le Saint-Laurent, à avoir décrit en détail les peuples rencontrés, leur agriculture, leurs villages, leur langue.
Et surtout, c’est lui qui transmet pour la première fois ce mot iroquoien : kanata, qui désignait un village... et qui donnera son nom au pays tout entier.
Aujourd’hui, Jacques Cartier est une figure ambivalente : pionnier et colonisateur, curieux et conquérant. Mais il reste celui qui, en remontant un fleuve inconnu, a ouvert la voie à l’histoire d’un pays.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...