
Basé à Tarare, dans le Rhône, Meta Yachts est un nom familier pour les amateurs de grandes traversées. Le chantier s’est fait connaître dans les années 1960 avec la construction de coques en aluminium robustes, conçues pour les longues navigations. L’un de ses voiliers, Joshua, est entré dans l’histoire en 1968 : c’est à son bord que Bernard Moitessier a entamé un tour du monde en solitaire, refusant de franchir la ligne d’arrivée du Golden Globe pour poursuivre librement sa route vers les mers du Sud.
Autre fidèle du chantier : le chanteur et navigateur Antoine, qui a longtemps utilisé des bateaux issus de Meta Yachts pour parcourir les océans. Dans ses livres et ses vidéos, il évoque régulièrement la solidité de ces unités, devenues au fil du temps une signature du chantier.
Une relance ambitieuse
Après quelques années de ralentissement, Meta Yachts est repris en 2020 par l’architecte naval Philippe Brabetz. À l’époque, l’entreprise réalise environ 500 000 euros de chiffre d’affaires et emploie cinq personnes. En quatre ans, elle connaît une croissance rapide : en 2024, le chiffre d’affaires atteint près de 2 millions d’euros, et l’équipe compte 15 salariés.
Le chantier loue en janvier 2024 un atelier de 800 m2 à Villefranche-sur-Saône, au sein du port de la communauté de communes du Beaujolais, pour y assembler des coques de 15 mètres et plus. En parallèle, un second projet est lancé à Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône), où un ancien local de réparation devait être transformé en atelier dédié à la construction de catamarans aluminium.
Un projet scientifique qui plombe les comptes
L’année 2024 marque aussi le début des difficultés. Meta Yachts signe une commande avec l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) pour la fabrication d’un navire scientifique. Le chantier y consacre plus de ressources que prévu.
« Ce dossier n’a pas été rentable, nous y avons passé beaucoup plus de temps que prévu. Notre trésorerie s’est tendue », explique Philippe Brabetz à nos confrères des Échos.
Cette première alerte est suivie d’un espoir : en septembre, Meta remporte un appel d’offres à 4,8 millions d’euros pour la construction de deux navettes fluviales électriques pour la communauté d’agglomération Paris Est Marne & Bois, à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne). Ce contrat aurait pu assurer l’avenir du chantier. Mais la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin 2024, bloque le vote du budget de la collectivité et empêche la notification du marché. Le financement devait notamment passer par Île-de-France Mobilités, lui-même dépendant du contexte politique.
Une liquidation prononcée en juillet
Placée en cessation de paiements en avril 2025, l’entreprise tente un plan de redressement avec le soutien d’un business angel. En vain. Le tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône prononce la liquidation judiciaire début juillet, face à un passif estimé à 1,4 million d’euros. L’entreprise comptait alors dix salariés.
Interrogé par Les Échos, Philippe Brabetz se dit encore en lien avec un investisseur intéressé par la reprise des actifs auprès du liquidateur. Aucune certitude pour l’instant, mais un espoir de préserver au moins une partie du savoir-faire du chantier.
Meta Yachts, c’est plus de soixante ans d’histoire, des bateaux conçus pour durer, et une image associée à la grande croisière. Si la relance portée ces dernières années n’a pas résisté aux aléas économiques et politiques, le nom du chantier reste associé à des figures majeures de la plaisance française, et à un type de construction rare : le bateau aluminium conçu pour affronter toutes les mers.