
L'insatiable marin de 38 ans vient d'annoncer qu'il allait faire la Route du rhum sur un trimaran de 70 pieds, conçu pour naviguer en équipage. Et pense déjà à sa prochaine course : le Vendée Globe.
La passion du large est son principal moteur. Sébastien Josse écume toutes les mers du globe depuis vingt ans et navigue sur les plus belles machines de course au large de la planète. Pourtant, rien ne semble tarir l'enthousiasme de ce marin et sa passion pour le grand large. Lundi, le skipper de 38 ans, skipper depuis trois ans des bateaux armés par le baron Benjamin de Rothschild, a annoncé qu'il allait participer à la prochaine Route du rhum sur son trimaran de 70 pieds, le MOD 70 Groupe Edmond de Rothschild sur lequel il vient de remporter la Transat Jacques Vabre.
Le MOD 70 est peu connu du grand public, et pour cause, cette classe naissante de voiliers est un immense flop et est morte avant même d'être véritablement née. Mais ces bateaux conçus pour faire de l'équipage ont fait parler d'eux pour de spectaculaires chavirages, le dernier en date étant celui du malheureux Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) qui avait fait le buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias du monde entier. Cet immense challenge de naviguer en solitaire sur un trimaran de 70 pieds, le marin connu pour sa gentillesse et sa modestie le vit comme une «expérience». Tout simplement. «Un homme n'a pas souvent la chance de courir la Route du rhum sur un trimaran de 70 pieds», explique l'intéressé qui s'apprête à parcourir 3.500 milles (6.300 kilomètres) sous haute tension entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre, recroquevillé dans son cockpit, jamais loin de l'écoute de grand-voile, prêt à tout choquer à la moindre rafale de vent.
Comme si ce challenge n'était pas un horizon suffisant, Sébastien Josse a déjà en tête son prochain défi: participer au Vendée Globe en 2016 et remporter l'Everest des mers. Le marin n'en sera pas à son coup d'essai. Benjamin de l'épreuve à 29 ans, il avait terminé cinquième en 2005 puis avait dû abandonner en 2008 au niveau de la Nouvelle-Zélande, alors qu'il faisait jusque-là une course redoutable de maîtrise tactique et faisait office de candidat très sérieux à la victoire.
Le tour du monde, Sébastien Josse l'a réalisé à deux autres reprises. Une première fois en 2005-2006, sur la Volvo Ocean Race, la course autour du monde en équipage. Cette année-là, la banque néerlandaise ABN Amro avait décidé de lancer deux équipages: un équipage «Top Gun» composé des meilleurs marins de la planète à chaque poste, et un équipage de jeune rookies de moins de 30 ans. Josse avait alors eu la responsabilité de diriger cette jeune équipe. Une expérience tour à tour stupéfiante, un demi-tour du monde passé en deuxième position avec des monuments de la course au large dans son sillage, puis douloureuse: la perte de l'un de ses équipiers passé par-dessus bord dans l'Atlantique.
Le genre d'expérience qui fait grandir un marin mais qui laisse une blessure à tout jamais. L'autre expérience autour de la planète, c'était à bord du trimaran Orange aux côtés de Bruno Peyron en 2002 pour décrocher le Trophée Jules Verne, le record absolu du temps de parcours autour de la planète: ils avaient mis 64 jours.
À 38 ans, très peu de marins connaissent donc aussi bien que Sébastien Josse toutes les mers du Globe et notamment le tout autant redouté que fantasmé «Grand Sud». Sur le Vendée Globe 2016, il s'agira de gagner. «L'abandon en 2008 m'est resté en travers de la gorge, explique-t-il. Le Vendée Globe est l'épreuve la plus dure, la plus longue et on voit bien que le niveau monte à chaque édition. J'y vais pour la gagne, mais il est important de garder une part de rêve et d'aventure.» La passion de la mer, encore elle. Ce moteur pour qui veut être performant au large, car on ne triche pas avec l'océan qui n'aime pas les imposteurs. Sébastien Josse n'en est pas un. Il explique souvent à ses proches qu'il y a deux catégories de marins: les passionnés de sports mécaniques, qui partent au large comme ils partiraient sur un circuit de Formule 1, et les amoureux de l'océan qui vont sur l'eau pour se réaliser. Le skipper du bateau Edmond de Rothschild fait incontestablement partie de la seconde catégorie. Joint dimanche matin (tôt) par Le Figaro, le marin avait déjà chargé sa voiture avec sa planche de surf et son équipement de kitesurf et s'apprêtait à retrouver la grande bleue. «En naviguant en multicoque comme je l'ai fait depuis trois ans, il est vrai que je suis un peu devenu pilote de Formule 1, reconnaît l'intéressé. En multicoque, tu n'as pas le temps de flâner et donc pas le temps de regarder la nature qui t'entoure. Mais je sais encore m'émerveiller pour un coucher de soleil ou une belle lumière sur la mer, et le Vendée Globe, le tour de la planète en monocoque, va me permettre un peu de renouer avec ces plaisirs, ces instants contemplatifs.»
Ce guerrier rêveur est à bonne école et a été servi par le destin en posant son sac en 2011 dans l'écurie Gitana. Dans la famille Rothschild, la régate est une passion qui se transmet de génération en génération, et l'écurie Gitana de course au large est le prolongement d'un héritage familial vieux de 130 ans. «Les Rothschild sont une famille de passionnés qui aiment s'entourer de gens passionnés, explique Sébastien Josse. C'est une grande responsabilité pour moi: je ne représente pas une entreprise ou une marque sur l'eau mais une famille, une histoire. Je les remercie dès que j'en ai l'occasion car tout ça, ils ne le font pas par intérêt commercial, mais juste par passion.» À croire que l'armateur et le marin se sont bien trouvés.