
Avant de quitter Lorient en fin de matinée, nous avons eu le temps de flâner sur les pontons, admirer les derniers Ultim, Imoca et autres Class 40 mis à l’eau. Il faut dire qu’à tout juste un mois du départ de la Route du Rhum, il régnait une certaine effervescence au sein des nombreuses écuries installées sur la très justement nommée « La base ». Ce site dont la ville n’a su que faire pendant cinquante ans est devenu un incontournable touristique de la ville portuaire. Une visite à la Cité de la Voile Éric Tabarly est une étape obligée de tout séjour dans la rade où toutes les activités se croisent : commerce et marine nationale, depuis le XVII° siècle, pêche, plaisance et enfin course au large. Une fois paré Port-Louis et passé la pointe du Gâvres, l’archipel des Glénan n’est qu’à 24 milles. Nous aurions pu en deux heures et demie changer de département, et déjeuner au cœur des neuf îles qui constituent ce bout de Finistère. Un site naturel classé, avec l’île aux Moutons constituant une réserve naturelle, où une variété d’oiseaux marins semblent au paradis.

Glénan au Nord, Soleil au Sud...
Mais l’appel du soleil nous a fait virer de bord alors que nous arrivions à la pointe Nord-Ouest de Groix. Après avoir arrondi le phare de Pen Men, nous découvrons la côte Ouest, celle que l’on pourrait qualifier de « sauvage », de l’île aux Grenats. Exposée aux tempêtes qui arrivent du Sud-Ouest par le Golfe de Gascogne, ses falaises entaillées par les assauts des vagues, perdent en hauteur au fur et à mesure que l’on descend vers le Sud. En route pour la Baie de Quiberon, il faut rester vigilant pour ne pas s’échouer sur le plateau des Birvideaux qui se trouve pile sur la route de la porte d’entrée de ce véritable stade nautique, marqué par le célèbre phare de la Teignouse. Non sans regrets, on laisse Belle-Île sur tribord, mais visiter la plus grande île Bretonne nécessite bien plus qu’un week-end. La grande plage de Houat est notre objectif. De forme concave elle s’étend sur près de deux kilomètres, son sable blanc bordant des eaux cristallines, c'est un des mouillages les plus fréquentés de la région. Mais hors-saison il devrait y avoir de la place pour notre grand catamaran et effectivement, il n’y a personne. Le vent souffle trop fort pour que la faible hauteur de l’île (28 mètres en son point culminant) pour offrir un abri sûr.

Houat - Port Navalo express
La décision est donc prise de se réfugier dans le Golfe du Morbihan. Le trajet d’une dizaine de milles, qui prenait parfois une demi-journée sur le Sangria de mon enfance au gré des courants et des bords à tirer, sera avalé en une toute petite heure à bord de cette machine à raccourcir les distances. Quand la plupart des plaisanciers n’auraient même pas essayé d’entrer, nous sommes à peine ralentis à la Pointe de Port-Navalo, par le courant contraire qui signe le début de la marée descendante. Il n’y a qu’au niveau de Gavrinis, quand le vent nous aura subitement et complètement abandonnés, que les deux moteurs de 57 CV seront mis en route pour dépasser les fameux Tumulus et nous déhaler jusqu’à l’île aux Moines. Nous avions bien réservé un ponton à Port Blanc, mais nous craignons que le tirant d’eau disponible ne nous permette pas de repartir comme nous le souhaitons une fois la nuit passée. On opte alors pour le mouillage de la Pointe de Toulindag, juste au Sud. En excellente compagnie, nous mouillons à seulement une longueur du sloop de 24m Arrayan 2 à la magnifique livrée bleu marine réalisée en 2019 chez Berthon Boat à Lymington. Il se dit qu’une vie ne suffit pas pour découvrir l’intégralité de cette « petite mer ». Mais une fin d’après-midi paisible après une navigation rapide, et un coucher de soleil aux lumières exceptionnelles, nous donnent un très bon aperçu de toute la magie de ce site aux 365 îles et îlots.

Sans nous lever aux aurores, après avoir dégusté un petit-déjeuner à l’accent British dans l’attente que le courant nous porte pour relever l’ancre, nous étions à Lorient en début d’après-midi. Si cinq heures de voiture ne nous attendaient pas, nous aurions encore pu déjeuner à Quiberon, Sauzon ou encore au mouillage des Grands Sables de Groix. Non seulement naviguer à 10-12 nœuds de moyenne en toute sécurité est grisant, mais le champ des destinations possibles s’élargit grandement, tout comme le temps disponible aux escales. On en viendrait à regretter de ne pas avoir chargé quelques jouets nautiques dans les immenses soutes à voiles de l’ORC 57. Nous aurions bien eu le temps de poursuivre l’expérience voile en Wing foil, Kite surf ou Tiwal. Nous n’osons rêver à ce que peut donner un tel potentiel à l’échelle d’une année sabbatique, voire d’un tour du monde. Naviguer vite, loin, et en profiter plus, telle semble être la devise de ce catamaran d’exception auquel il est difficile de résister.