Beaufort toujours dans le vent. Douglas trop vague.

Par Eric Mas

C’est quasiment un rituel, le plaisancier au sortir de sa douche, la serviette sur les épaules et la brosse à dent en guise de pipe, s’arrête devant le bulletin météo affiché à la capitainerie.

Même s’il sait déjà à quoi s’en tenir après avoir consulté son appli préférée (je ne vous dirai pas laquelle, mais vous avez deviné), la halte, comme devant une œuvre au musée, est un temps fort de la journée du marin.
C’est là qu’il trouve l’inspiration et, parfois, l’air inspiré. L’inspiration pour prendre ses décisions. L’air inspiré pour délivrer sa version. Chacun sa posture. Les commentaires vont bon train.
Les plus humbles acceptent l’information telle qu’elle est livrée et, respectueux devant le bulletin comme devant la mer, comprennent quelles sont leurs marges de manoeuvre. Ils vont faire avec.
Les plus farauds corrigent et expliquent à leur entourage les tenants et aboutissants de la situation météo qu’ils ont déjà vécue si souvent qu’elle n’a plus de secret pour eux.
Pour ma part j’ai du plaisir, et je trouve instructif, à me glisser parmi eux, parfois participer aux débats, en tout cas écouter ceux qui font part de leurs interrogations.


C’est ainsi que j’ai été surpris de voir qu’ils sont encore nombreux ceux qui amalgament Beaufort et Douglas. Je ne parle pas des amiraux, mais de leurs échelles.


Evidemment personne ne confond Sir Francis Beaufort et Sir Henry Percy Douglas. Bien que tous deux cartographes multipliant les embarquements et responsabilités à bord de prestigieux navires de Sa Majesté, HMS ( His/Her Majesty's Ship), le premier naviguait sous voile uniquement tandis que le second ne sillonnait les mers qu’à bord de navires puissamment motorisés. Question d’époque. On comprend que Beaufort voulait faire du vent son allié, alors que Douglas souhaitait que la vague ne fût pas son ennemi.


Beaufort, Irlandais né en 1774, enterré à Londres en 1857, grand scientifique et explorateur construisit en 1805 son échelle de 13 degrés (0 à 12) pour quantifier le vent à partir de l’état de la mer observé.


Douglas, Anglais né en 1876, inhumé en mer en 1939, était directeur du tout nouveau service météorologique de la Royale Navy en 1917 lorsqu’il créa son échelle de 10 degrés pour décrire l’état de la mer.


Si ces deux échelles ont un vocabulaire qui enchante encore, elles viennent effectivement d’horizons différents et n’ont finalement que peu de rapport.
 

J’ai l’impression que tout marin aime la Beaufort. Il l’a comprend et y reste attaché malgré l’anémomètre. Il est tout de suite concerné par « la jolie brise de force 4 soulevant de petites vagues qui moutonnent ».
La Douglas a encore ses adeptes, notamment au sein de la Marine Nationale. Mais pour nous, plaisanciers, elle a trop vieilli et surtout n’est pas adaptée à la dimension de nos navires qui, bien que fiers, ne sont pas des HMS. Comment apprécier la mer 3, dite peu agitée dont la hauteur des vagues est comprise en 0m5 et 1m25 ? 50cm, va encore. Mais 1m25, c’est déjà la corrida à bord. Et il faudrait préciser si la mer est croisée, courte, ou démontée lorsque, par exemple, les vagues avancent contre le courant de marée.

La houle a la simplicité d’être de hauteur petite, modérée ou grande et de longueur courte, moyenne ou longue. Est-ce pour cela qu’elle n’intéresse pas Douglas ?

En tout cas, il ne faut pas juxtaposer ces échelles. Un vent de Force 4 chez Sir Beaufort ne donne pas systématiquement un état de mer 4 chez Sir Douglas, et le vent frais de force 6 peut soulever une vague de 2m, voire 2m50 s’il souffle durablement sur un fetch illimité, mais sûrement pas une mer très forte de 4 à 6m.

 

Alors, respect pour ceux qui consultent la météo à la Capitainerie, mais méfiance de ceux qui la commentent d’un ton trop docte.

Ne passons pas sous les échelles.

 

Echelle Beaufort

0  Calme, moins de 1 noeud. La mer est comme un miroir.
1 Très légère brise de1 à 3 noeuds. Quelques rides ressemblant à des écailles de poisson, mais sans aucune écume.
2 Légère brise de 4 à 6 noeuds. Vaguelettes ne déferlant pas.
3 Petite brise de 7 à 10 noeuds. Très petites vagues. Les crêtes commencent à déferler. Écume d'aspect vitreux. Parfois quelques moutons épars.
4 Jolie brise de 11 à 16 nœuds. Petites vagues, de nombreux moutons.
5 Bonne brise de 17 à 21 nœuds. Vagues modérées, moutons, éventuellement embruns.
6 Vent frais de 22 à 27 nœuds. Crêtes d'écume blanches, lames, embruns.
7 Grand frais de 28 à 33 nœuds. Trainées d'écume, lames déferlantes.
8 Coup de vent de 34 à 40 nœuds. Tourbillons d'écumes à la crête des lames, trainées d'écume.
9 Fort coup de vent e 41 à 47 nœuds. Lames déferlantes grosses à énormes, visibilité réduite par les embruns.
10 Tempête de 48 à 55 nœuds. Très grosses lames à longue crête en panache. L'écume produite s'agglomère en larges bancs et est soufflée dans le lit du vent en épaisses trainées blanches. Le déferlement en rouleaux devient intense et brutal.
11 Violente tempête de 56 à 63 nœuds. La mer est complètement recouverte de bancs d'écume blanche élongés dans la direction du vent. Partout, le bord de la crête des lames est soufflé et donne de la mousse.
12 Ouragan de plus de 64 nœuds. L'air est plein d'écume et d'embruns. La mer est entièrement blanche.

 

Echelle Douglas
0 Calme 0m
1 Ridée 0 à 0,1m
2 Belle 0,1 à 0,5m
3 Peu agitée 0,5 à 1,25m
4 Agitée 1,25 à 2,5m
5 Forte 2,5 à 4m
6 Très forte 4 à 6m
7 Grosse 6 à 9m
8 Très grosse 9 à 14m
9 Enorme 14m et plus

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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