Beaufort toujours dans le vent. Douglas trop vague.
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C’est quasiment un rituel, le plaisancier au sortir de sa douche, la serviette sur les épaules et la brosse à dent en guise de pipe, s’arrête devant le bulletin météo affiché à la capitainerie.
Même s’il sait déjà à quoi s’en tenir après avoir consulté son appli préférée (je ne vous dirai pas laquelle, mais vous avez deviné), la halte, comme devant une œuvre au musée, est un temps fort de la journée du marin.
C’est là qu’il trouve l’inspiration et, parfois, l’air inspiré. L’inspiration pour prendre ses décisions. L’air inspiré pour délivrer sa version. Chacun sa posture. Les commentaires vont bon train.
Les plus humbles acceptent l’information telle qu’elle est livrée et, respectueux devant le bulletin comme devant la mer, comprennent quelles sont leurs marges de manoeuvre. Ils vont faire avec.
Les plus farauds corrigent et expliquent à leur entourage les tenants et aboutissants de la situation météo qu’ils ont déjà vécue si souvent qu’elle n’a plus de secret pour eux.
Pour ma part j’ai du plaisir, et je trouve instructif, à me glisser parmi eux, parfois participer aux débats, en tout cas écouter ceux qui font part de leurs interrogations.
C’est ainsi que j’ai été surpris de voir qu’ils sont encore nombreux ceux qui amalgament Beaufort et Douglas. Je ne parle pas des amiraux, mais de leurs échelles.
Evidemment personne ne confond Sir Francis Beaufort et Sir Henry Percy Douglas. Bien que tous deux cartographes multipliant les embarquements et responsabilités à bord de prestigieux navires de Sa Majesté, HMS ( His/Her Majesty's Ship), le premier naviguait sous voile uniquement tandis que le second ne sillonnait les mers qu’à bord de navires puissamment motorisés. Question d’époque. On comprend que Beaufort voulait faire du vent son allié, alors que Douglas souhaitait que la vague ne fût pas son ennemi.
Beaufort, Irlandais né en 1774, enterré à Londres en 1857, grand scientifique et explorateur construisit en 1805 son échelle de 13 degrés (0 à 12) pour quantifier le vent à partir de l’état de la mer observé.
Douglas, Anglais né en 1876, inhumé en mer en 1939, était directeur du tout nouveau service météorologique de la Royale Navy en 1917 lorsqu’il créa son échelle de 10 degrés pour décrire l’état de la mer.
Si ces deux échelles ont un vocabulaire qui enchante encore, elles viennent effectivement d’horizons différents et n’ont finalement que peu de rapport.
J’ai l’impression que tout marin aime la Beaufort. Il l’a comprend et y reste attaché malgré l’anémomètre. Il est tout de suite concerné par « la jolie brise de force 4 soulevant de petites vagues qui moutonnent ».
La Douglas a encore ses adeptes, notamment au sein de la Marine Nationale. Mais pour nous, plaisanciers, elle a trop vieilli et surtout n’est pas adaptée à la dimension de nos navires qui, bien que fiers, ne sont pas des HMS. Comment apprécier la mer 3, dite peu agitée dont la hauteur des vagues est comprise en 0m5 et 1m25 ? 50cm, va encore. Mais 1m25, c’est déjà la corrida à bord. Et il faudrait préciser si la mer est croisée, courte, ou démontée lorsque, par exemple, les vagues avancent contre le courant de marée.
La houle a la simplicité d’être de hauteur petite, modérée ou grande et de longueur courte, moyenne ou longue. Est-ce pour cela qu’elle n’intéresse pas Douglas ?
En tout cas, il ne faut pas juxtaposer ces échelles. Un vent de Force 4 chez Sir Beaufort ne donne pas systématiquement un état de mer 4 chez Sir Douglas, et le vent frais de force 6 peut soulever une vague de 2m, voire 2m50 s’il souffle durablement sur un fetch illimité, mais sûrement pas une mer très forte de 4 à 6m.
Alors, respect pour ceux qui consultent la météo à la Capitainerie, mais méfiance de ceux qui la commentent d’un ton trop docte.
Ne passons pas sous les échelles.
Echelle Beaufort
0 Calme, moins de 1 noeud. La mer est comme un miroir.
1 Très légère brise de1 à 3 noeuds. Quelques rides ressemblant à des écailles de poisson, mais sans aucune écume.
2 Légère brise de 4 à 6 noeuds. Vaguelettes ne déferlant pas.
3 Petite brise de 7 à 10 noeuds. Très petites vagues. Les crêtes commencent à déferler. Écume d'aspect vitreux. Parfois quelques moutons épars.
4 Jolie brise de 11 à 16 nœuds. Petites vagues, de nombreux moutons.
5 Bonne brise de 17 à 21 nœuds. Vagues modérées, moutons, éventuellement embruns.
6 Vent frais de 22 à 27 nœuds. Crêtes d'écume blanches, lames, embruns.
7 Grand frais de 28 à 33 nœuds. Trainées d'écume, lames déferlantes.
8 Coup de vent de 34 à 40 nœuds. Tourbillons d'écumes à la crête des lames, trainées d'écume.
9 Fort coup de vent e 41 à 47 nœuds. Lames déferlantes grosses à énormes, visibilité réduite par les embruns.
10 Tempête de 48 à 55 nœuds. Très grosses lames à longue crête en panache. L'écume produite s'agglomère en larges bancs et est soufflée dans le lit du vent en épaisses trainées blanches. Le déferlement en rouleaux devient intense et brutal.
11 Violente tempête de 56 à 63 nœuds. La mer est complètement recouverte de bancs d'écume blanche élongés dans la direction du vent. Partout, le bord de la crête des lames est soufflé et donne de la mousse.
12 Ouragan de plus de 64 nœuds. L'air est plein d'écume et d'embruns. La mer est entièrement blanche.
Echelle Douglas
0 Calme 0m
1 Ridée 0 à 0,1m
2 Belle 0,1 à 0,5m
3 Peu agitée 0,5 à 1,25m
4 Agitée 1,25 à 2,5m
5 Forte 2,5 à 4m
6 Très forte 4 à 6m
7 Grosse 6 à 9m
8 Très grosse 9 à 14m
9 Enorme 14m et plus