Arkema flirte avec Ophélia
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Les contraintes des calendriers des deux navigateurs ont laissé un créneau de disponibilité qui tombait ces 14, 15, 16 octobre. Nous, les co-skippers à bord et le météorologue en son bureau, avons donc profité des conditions météo variées sur le Golfe de Gascogne pour tester, encore et encore, les performances du bateau dans des jeux de vagues compliqués. L’occasion était belle puisque le cyclone Ophélia passant au large du golfe de Gascogne allait envoyer une énorme houle d’W qui irait se superposer aux vagues du vent de sud.
Même si les logiciels de routage, explorant une multitude de route rejoignant un point de départ à un point d’arrivée afin de sélectionner la plus rapide, sont très efficaces en trouvant les vents les plus favorables, il faut bien admettre que l’état de la mer peut dégrader considérablement les performances normales d’un bateau aussi léger qu’un multi50. Le beau plan de route établi sur une chronologie des vents peut alors s’avérer totalement faux. On doit donc bien prévoir l’état de la mer et ses effets dévastateurs sur les polaires. La polaire d’un voilier est son potentiel de vitesse en fonction de la vitesse du vent et de l’angle que fait celui-ci avec le cap donné au bateau. Et pour que ce soit plus amusant, comme le bateau se déplace, il crée un vent relatif qui se cumule avec le vent réel. C’est ce qu’on appelle le vent apparent, qui peut être plus fort si l’on va face au vent, moins fort si l’on va dos au vent. Dans de bonnes conditions, un bateau de course peut aller plus vite que le vent réel… en créant son propre vent.
Bien joli. Mais la vague est là pour donner son grain de sel. Elle peut, plutôt rarement, être favorable comme une longue houle de l’arrière qui multiplie, vague après vague, des petites poussées supplémentaires. Elle peut, trop souvent, venant d’en face et renouvelant sans cesse des coups de boutoir sur la coque et les flotteurs, contrarier la glisse du bateau. Les architectes ont beau inventer des formes « perce-vagues », impossible d’effacer totalement l’impact néfaste du paquet de mer offensif. Et que dire des vagues croisées, impossibles à négocier, qui chahutent le bateau en un tangage et un roulis incontrôlables.
Alors le parcours « qualification » devient « voyage d’étude ». Un de plus, pour expérimenter l’apport des foils récemment adoptés. L’aller-retour vers l’W depuis l’embouchure de la Gironde permettait de rencontrer des conditions très variées mais ce n’était pas le moment d’aller se mettre en danger à proximité de cette tempête tropicale qui infligeait des vents de plus de 60 nœuds à cette pauvre mer vite démontée. Ophélia est passée rapidement mais elle a eu le temps de créer des vagues de 7 m qui, perdant un peu de leur superbe, arrivent ce lundi soir avec une hauteur de 5 m au fond du golfe de Gascogne. Ophélia n’a pas fait que nous envoyer des vagues. La vaste remontée d’air chaud qu’elle a offert aux Français pour ce week-end se traduisait par un temps instable et orageux sur le golfe de Gascogne. Là aussi de quoi faire chuter les vitesses escomptées.
Prudence étant mère de sureté, nous avons choisi de rentrer rapidement, comme en surfant devant le front de vagues de 5 m qui suit Arkema vers la Gironde. Tant pis si la collecte n’est pas suffisante. Toute sortie est déjà riche d’instruction.