La victoire sera faite de réussites dans les détails...
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L’ancien, en la personne de Francis Joyon, incroyablement expérimenté, solide et combatif, 62 ans, courre sur un trimaran lancé en 2006. Le nouveau, en la personne de François Gabart, incroyablement brillant, sportif et déterminé, 35 ans, courre sur un trimaran lancé en 2015.
Si les bateaux sont de tailles comparables, longs de 31m et 32m, larges de 22m, hauts de 33m, l’ancien pèse 18 tonnes, le nouveau 14 tonnes. Si l’ancien s’est doté de foils pour s’extraire de l’eau quand les conditions s’y prêtent, le nouveau trimaran a été entièrement conçu pour « voler » le plus souvent possible. Sur le papier il y a donc un avantage pour le nouveau, mais dans la mer agitée le poids de l’ancien n’est pas toujours un inconvénient.
Pour résumer la météo de la Route du Rhum, on peut parler de 3 phases. La première consiste à affronter les tempêtes de l’Atlantique Nord jusqu’à la latitude du Portugal, la seconde consiste à traverser les calmes de l’anticyclone des Açores, la dernière consiste à utiliser au mieux l’alizé, vent plutôt régulier qui mène droit (ou presque) aux Antilles sur le dernier tiers du parcours.
Aujourd’hui la première phase est accomplie pour les deux guerriers qui sont sortis indemnes des conditions souvent périlleuses. Ils s’affrontent au passage de l’anticyclone qui ne s’annonce pas très étendu pour eux. Ce sera différent pour les autres classes de bateaux qui n’arriveront que deux jours plus tard dans ces latitudes, mais « la météo ne prête qu’aux riches ». Pour emprunter la route la plus courte, le jeu consiste pour les deux belligérants, qui naviguent dans un mouchoir de poche, à se rapprocher du centre de l’anticyclone et de virer « vent arrière » pour s’en évader avant de tomber dans des calmes envahissants. Guerre des nerfs, comme de foncer vers un mur, celui qui gagne est le dernier qui cède, à condition de savoir éviter le choc au dernier moment. Ce dernier moment devrait se produire aujourd'hui jeudi en milieu de journée. Francis et François plongeront alors vers le sud, vers l’autoroute des alizés qui les mènera sans s’essouffler jusqu’à destination.
Dans les alizés leur sillage moyen signera un grand Z, un jour pour descendre vers le SW avec le vent sur sa gauche, un jour pour remonter vers le NW avec le vent sur sa droite, puis deux jours pour redescendre vers la Guadeloupe avec le vent de nouveau sur sa gauche. Mais dans le détail les choses ne seront pas si simples, chaque journée sera faîte d’une multitude d’empannages (virement vent arrière) pour utiliser au mieux les nombreuses petites variations du vent. L’alizé c’est une bonne intention pavé d’enfers.
C’est dans la multiplication (il faut être acharné) et dans la réussite (il faut être rigoureux) de ces manœuvres que se fera probablement la différence.
La victoire sera faite de réussites dans les détails.