
Figaro Nautisme. - Vous disputez une course dans la course avec 4 autres skippers (Mike Golding, Jean Le Cam, Arnaud Boissieres et Javier Sanso), cela maintient-il la concentration?
Dominique Wavre. - Ca aide dans la motivation bien sur. Sur la maniere ou la qualite de la navigation, ca ne change pas grand-chose. Par contre, on devient plus attentif aux classements pour voir ce qu'on a pris ou perdu par rapport a ceux qui nous entourent. C'est aussi un interet supplementaire au niveau de la strategie. Il faut imaginer ce qui peut arriver aux autres, voir si on peut les recuperer et, si oui, comment le faire. On cherche aussi les petites options plus intelligentes pour arriver a gagner du terrain. Ce resserrement, c'est surtout de la nourriture pour la tete.
L'objectif est donc de finir en tete de ce groupe de 5 bateaux...
Evidemment. Maintenant, les bateaux de tete sont beaucoup trop loin, on ne peut plus les rattraper, et ceux de derriere ont visiblement moins de potentiel. C'est interessant de se battre avec des personnes qui sont dans le meme systeme meteo, ca permet de voir l'intelligence des strategies et des tactiques.
Vous aviez deja passe le Cap Horn plusieurs fois, les emotions sont-elles toujours les memes?
Oui bien sur. Le caillou est toujours aussi gros et place dans un endroit ou la meteo est toujours aussi pourrie. La dangerosite n'a pas non plus change et on a sans cesse l'impression qu'on succede a des centaines de bateaux qui ont deja fait naufrage a cet endroit-la. C'est un endroit vraiment difficile et le passer donne la sensation d'etre libere des Mers du sud qui sont dures, sauvages. C'est un retour a quelque chose de plus civilise.
Donc selon vous, le pire est derriere...
Oui, je pense, du moins au niveau du danger objectif. Apres, c'est vrai que dans l'Atlantique les systemes meteo sont bien plus complexes. Les conditions changent tres souvent et ca rend la navigation plus intense. C'est complique de remonter vers le nord avec les anticyclones et les passages de fond, qui provoquent des situations delicates. On est dans une zone ou il y a plein de cargos, des avions, mais on est en terrain connu. Meme si le vent peut etre fort dans l'Atlantique, ca n'a rien de commun avec les tempetes qu'on peut rencontrer dans les Mers du sud.
Voir Alex Thomson rivaliser avec le podium avec un bateau de meme generation que le votre, ca vous laisse des regrets?
Il n'est pas impossible de penser qu'il y avait mieux a faire. Il faut surtout voir qu'Alex navigue extremement bien et qu'il arrive a tirer des vitesses de son bateau que je n'imaginais pas. Ce qu'il fait en ce moment est remarquable. Je ne fais pas trop d'analogies avec moi dans le sens ou on est dans des systemes meteo tellement differents que ca fait longtemps qu'on n'a pas le meme vent et on ne peut donc pas comparer.
Apres 60 jours de course, comment vont le bateau et le skipper?
Moi, je suis en pleine forme. Physiquement, j'ai vraiment tout le potentiel et j'ai une bonne peche. Le bateau, lui, sent un peu plus la fatigue. Le grand gennaker est au fond d'un trou et je n'ai pas encore pu le recuperer et donc je n'ai pas pu travailler avec. C'est vraiment handicapant. Quand on est prive d'une grande voile comme ca, c'est tres embetant, il faut absolument que j'arrive a le ressortir. Autrement, il y a quelques points d'usure, des poulies qui ne tournent plus, des boutes qu'il faut soigner mais rien de tres grave. Il est clair que le bateau est plus fatigue que le skipper.
Est-ce qu'a l'image de Mike Golding, vous avez passe hier votre dernier Cap Horn sur le Vendee Globe?
Je n'en sais rien du tout. Pour l'instant, je gere au jour le jour, voire sur trois jours avec les previsions meteo, mais je dois avouer que je n'ai pas le recul necessaire pour savoir ce que je vais faire l'annee prochaine ou dans 10 ans.
Au debut de la course, vous annonciez que les contacts avec les autres concurrents seraient probablement plus nombreux dans les Mers du sud. Est-ce que ce fut le cas?
Oui j'ai eu quelques contacts, que ce soit par mail, ou par iridium, mais c'etait assez peu par rapport a ce que je pensais. On est tous assez stimules par les medias donc on n'a pas de temps supplementaire dans le nord. Au contraire, dans les Mers du sud, les journees sont inversees donc la nuit en Europe, les medias dorment, et nous, skippers, pouvons echanger plus. Maintenant, on est de nouveau synchronises avec l'Europe donc les contacts vont redevenir plus rares.
Vous declariez aussi que le Vendee Globe etait l'experience ultime pour repousser ses limites. Etes-vous satisfait des sensations sur cette edition?
Absolument. On va jusqu'au bout de l'investissement physique et de la gestion du stress. On pousse enormement tout en cherchant a rester intelligent. On va toujours chercher ses limites et je suis toujours tres content de voir que malgre les annees, on reussit encore a travailler sur ces limites-la et a en sortir indemnes.