
Cinq jours de fêtes, une flotte de yachts et une ville entière sur les nerfs : le mariage de Jeff Bezos et Lauren Sánchez, prévu du 25 au 29 juin à Venise, fait déjà grincer bien des dents. Si l’union du fondateur d’Amazon avec la présentatrice de télévision promet strass, paillettes et invités cinq étoiles, elle s’annonce aussi comme un concentré d’exaspération pour les habitants de la Sérénissime.
Une ville sous occupation dorée
Neuf yachts, dont le Koru - le mastodonte de 127 mètres à 500 millions de dollars -, six palaces privatisés, une cinquantaine de bateaux-taxis réquisitionnés et une pluie de dollars sur les canaux... Le couple ne fait pas dans la discrétion. Au programme : bal costumé dans une bâtisse du XVIe siècle, échange des alliances sur l’île de San Giorgio, et garden party grand luxe sur le Lido. Le tout dans un décor classé, transformé en plateau de tournage XXL.
Mais derrière les festivités à 15 000 € par tête, l’ambiance est loin d’être à la fête. Des banderoles barrent le pont du Rialto, les tracts fleurissent sur les façades, et certains Vénitiens menacent d’aller jusqu’à bloquer les ruelles ou sauter dans les canaux pour entraver les célébrations. « Bezos n’est pas un invité, c’est une invasion », tonne Stefano Micheletti, porte-voix du collectif « Pas de place pour Bezos », qui fustige une privatisation déguisée de l’espace public.

Jet-set mondiale et colère locale
Du gotha d’Hollywood à la Silicon Valley, les grands noms répondent à l’appel : Lady Gaga, Leonardo DiCaprio, Bill Gates, les Kardashian, et même les enfants Trump. Un casting qui ferait rêver les magazines, mais qui irrite profondément une ville qui lutte depuis des années contre la saturation touristique.
Certains y voient une opportunité en or, comme Mario, chauffeur de bateau-taxi, qui espère « embarquer George Clooney ou Katy Perry ». D’autres dénoncent un événement hors-sol, symptomatique d’une Venise transformée en parc à thème pour ultra-riches. Le maire Luigi Brugnaro, lui, ne veut pas entendre parler de polémique. « Ce mariage est une bénédiction », insiste-t-il, espérant séduire quelques mécènes pour financer les coûteux travaux de sauvegarde de la ville. Quitte à ignorer les tensions.

Loin du conte de fées, les noces du milliardaire illustrent surtout le clivage grandissant entre Venise, ville vivante, et Venise, décor mondialisé à louer. À l’heure où la cité lagunaire cherche à limiter l’accès de ses visiteurs par des billets d’entrée, voir l’un des hommes les plus riches du monde tout se permettre passe mal. Pour nombre de résidents, il ne s’agit plus d’un mariage, mais d’une démonstration de puissance.
Entre gondoles folkloriques et yachts monumentaux, le mariage Bezos aura au moins réussi une chose : faire ressurgir le débat, brûlant, sur l’avenir d’une ville aussi fragile que convoitée.