
INTERVIEW: Après avoir passé cinq jours sans énergie dans le Pacifique Sud, Bernard Stamm (hors course depuis le 9 janvier, date de son ravitaillement en carburant) est reparti de plus belle. Il se verrait bien batailler avec les deux skippers qui le précèdent: Mike Golding et Jean Le Cam.
Bernard Stamm navigue ce mercredi à 500 milles au sud de Rio. Le soleil est levé depuis 3 heures mais, contrairement au grand ciel bleu de mardi, le plafond est bas et gris. En revanche, le marin profite de belles températures qui contrastent fortement avec la rigueur vécue dans le grand sud.
Comment vous situez-vous par rapport aux autres voiliers du Vendée Globe (ndlr : Bernard Stamm, hors course, ne figure plus au classement officiel) ?
Je suis à 150 milles devant Dominique Wavre et je lorgne sur Mike Golding et Jean Le Cam. Là, ça va assez vite grâce à un flux qui m’accompagne depuis cette nuit. Je suis à 18 nœuds au reaching, c’est un peu le rodéo. J’ai deux petites dépressions orageuses, venues d’Amérique du Sud, à négocier. Après, je pourrai attraper les Alizés. Dans une grosse semaine, j’espère passer l’équateur.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre disqualification ?
Avec beaucoup de déception. Les juges ont respecté les règles mais je trouve que la sanction est disproportionnée par rapport aux faits. Peut-être faut-il revoir les règles pour prendre une décision par rapport à la sécurité et non par rapport à la course ? Le monde du Vendée Globe – les assureurs, les armateurs ou l’organisation – ont besoin qu’on finisse la course. Après, j’ai demandé la réouverture mais c’était plus pour la forme. Ce qui s’est passé était tellement clair dans les règles que je ne voyais pas ce qui aurait pu se passer.
Quel était votre état d’esprit pendant la réouverture du dossier ?
J’ai mis tout ça de côté. La course s’arrêtait peut-être mais pas la navigation. Mon tour du monde continuait.
La mobilisation en votre faveur du monde maritime et du grand public a été impressionnante. Qu’en avez-vous pensé ?
C’est super, ça fait chaud au cœur ! Ça rassure aussi sur la façon dont j’ai réagi car je pense vraiment avoir fait la seule chose qu’il fallait.
Après la collision de votre bateau avec un OFNI, vous étiez totalement isolé, avec des difficultés techniques. Et pourtant, il vous fallait négocier le cap Horn. Comment avez-vous géré cette période ?
Je me suis mis en mode survie. J’étais en isolement complet, sans moyen de communication mais on s’y fait. Il me restait le dernier tiers du Pacifique à négocier, ce n’était plus le moment de régater car on s’expose à des cas de figure qui peuvent être dramatiques. Concrètement, j’ai sorti mes cartes sur papier – que nous sommes obligés d’embarquer – et j’ai reporté ma position avec mon GPS de secours et mon compas. Il fallait que j’économise un maximum d’énergie pour passer le cap Horn et négocier le ravitaillement en carburant (ndlr : Bernard Stamm naviguait avec un seul hydrogénérateur et 5% de charge). Alors je suis resté collé à ma barre plus de 20 heures sur 24. C’était très difficile car il faisait froid et j’avais énormément de mal à me réchauffer.
Comment s’est passé le passage du cap Horn ?
Je l’ai frôlé, j’étais à moins d’un mille ! C’est marquant de le voir d’aussi près mais normalement c’est quelque chose que l’on ne fait pas en raison des conditions dangereuses : vent et mer formée. Alors forcément, le rocher du cap Horn était plus un danger qu’un mythe à ce moment-là. Je l’ai négocié comme une navigation côtière. Au niveau des appareils de navigation, j’avais ma centrale et j’allumais mon ordinateur régulièrement pour recouper ma position avec mes relevés. J’avais les informations de vitesse et de vent. J’ai communiqué grâce à une VHF portable, j’ai pu appeler le phare du Horn et l’équipage de mon ami Unaï Basurko pour programmer les derniers détails du ravitaillement. Celui-ci s’est passé dans la première baie suivant le cap.
Comment avez-vous récupéré la dette de sommeil accumulée pendant cette navigation ?
J’ai commencé à redormir seulement un jour après le passage des Malouines (Falkland Islands) car nous avons eu un bon coup de vent au nord de ces îles. Avant le Horn, il était hors de question de dormir pour ma propre survie. Une fois arrivé dans l’Atlantique, on m’avait signalé des glaces - que je n’ai finalement pas vues- le vent n’était pas très stable et cette navigation difficile m’a laissé éveillé. Puis, quand les conditions se sont stabilisées, je suis tombé et j’ai dormi plusieurs fois deux heures pendant 3 jours. Je n’avais jamais dormi autant depuis le départ.
Le soleil vient de se lever au-dessus de votre voilier, quel est le programme de votre journée ?
Ces derniers jours, j’ai pu réparer ma drisse et quelques accrocs sur mes voiles. Ce mercredi, les conditions s’annoncent musclées car je vais passer dans le centre de la dépression : beaucoup de virements de bord, de matossage…. Je veux remonter le plus vite possible aux Sables d’Olonne.
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