
Parmi les duos de la 12e édition de la Transat AG2R – La Mondiale, certains ont tout de l’association du maitre et de l’élève. Les paires Martin Le Pape – Roland Jourdain ou Corentin Horeau – Michel Desjoyeaux en font partie. Entre eux, sur la route de Saint-Barth, on assiste donc à une passation de savoir… mais pas forcément que dans un sens.
En 1992, Michel Desjoyeaux remportait la première édition de la Transat AG2R. Cette année-là, Corentin Horeau portait encore des couches-culottes. Même topo pour Martin Le Pape, lorsqu’en 1994, Roland Jourdain s’imposait à son tour à Gustavia. Alors finalement, leurs associations respectives sur cette 12e édition de la course, sont un peu l'alliance du « vieux sage » et du jeune loup. « J'avais envie d'apprendre pendant cette traversée. J'ai donc réfléchi à quelqu'un d'expérience qui pouvait m'aider à trouver des sous et qui pouvait préparer le bateau avec moi. Avec mon entourage, j’ai discuté de la course et évoqué des gens qui pourraient partir avec moi pour me transmettre un peu de leur savoir. J’ai très vite pensé à Roland. Je le connais depuis longtemps. De plus, c'était une de mes idoles. Il me fallait juste un peu d’audace pour oser lui demander » a expliqué Martin.
A côté de Zidane
Même son de cloche chez Corentin, qui, lui, avait un poster de Desjoyeaux affiché dans sa chambre lorsqu’il était môme, juste à côté de celui de Zinedine Zidane. « Je suis sur le circuit Figaro Bénéteau depuis deux ans. J’ai envie de continuer à progresser. Je me suis tourné vers Michel. Avec lui, je suis sûr d’engranger de précieux conseils pour la suite ». Ce que ces « élèves » attendent de leurs maîtres, on l’aura compris, c’est qu’ils leurs lèguent leur connaissance d'homme du large, leur petit truc de renard des mers, leur expertise en météo et stratégie, leur savoir-faire et leur savoir-vivre sur une navigation au long cours.
Pas là pour faire Ecole de Voile
Reste que Mich’Dej’, que l’on surnomme pourtant « le professeur », n’apprécie pas des masses qu’on lui attribue ce rôle. « Je ne suis pas là pour faire Ecole de Voile » assène t-il. Il n’empêche qu’il joue forcément un peu ce rôle sur cette transat auprès d’un Corentin avide « d’être un meilleur marin à l’arrivée ». « Lors de cette Transat, il est important que ce soit un véritable échange entre nous. J’attends que cela soit interactif jusqu’à la fin. Nous avons tous les deux à apprendre de l’autre » déclare le double vainqueur du Vendée Globe qui faisait les gros yeux à Concarneau, lorsque son jeune co-skipper lui envoyait des « bien, Monsieur Desjoyeaux » ou des « oui, chef » avec un air malicieux, savourant son effet. « Arrête tes conneries ! » lui balançait alors le plus âgé. Lui, ce qu’il attend de son binôme, même s’il a moins de milles au compteur que lui, c’est qu'il sache parfois le contredire puis qu’il lui apporte sa fougue, son énergie et son sens de la régate au contact, acquis en Match Racing notamment.
Un échange humain
« Cette course de 20 à 25 jours ne peut être gagnante que dans l'échange et la réciprocité » assure de son côté Roland Jourdain, qui a, lui aussi, bourlingué sur toutes les mers du globe et à de l’expérience à revendre. « Il y a un truc à trois bandes : Christian (Le Pape, Directeur du Pôle Finistère Course au Large, ndlr) m’a enseigné des choses, je vais en apprendre à Martin qui me le rend. On a monté le centre avec son père, Jean (Le Cam), et Mich’, et voilà la nouvelle génération. Sur l’eau, c’est motivant. C’est un privilège de vivre des histoires comme celle-là », lance Bilou, qui n'a pas hésité longtemps avant d'accepter cette aventure. « Je craignais que la différence d'âge et de niveau ne créent un fossé entre nous. Mais au contraire, il est très à l'écoute et on échange comme deux jeunes qui débutent. Il a une ouverture d'esprit étonnante. Il se pose toujours des questions, il se remet en question constamment. Il n'y a définitivement pas de barrière d'âge ou d'expérience » déclare Martin, certain qu’au-delà du défi sportif, cette transat est aussi un échange humain de tous les instants.