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Figaro Nautisme : Roucayrol et Pella ont signé une épreuve quasi parfaite durant les 10 jours, 19 heures, 14 minutes et 19 secondes de course. Malgré quelques soucis techniques et la blessure d’Alex, Arkema a constamment occupé l’une des deux premières places pour finalement sortir vainqueur de son duel à couteaux tirés face à FenêtréAMix Buffet. Le routage a-t-il largement contribué à cette victoire ?
Eric Mas :
« Il n’y a pas de victoire sans belle trajectoire ! Ce n'est pas la première course où Lalou fait une belle trajectoire mais ce n'est bien évidemment pas la seule condition indispensable. Ce coup-ci, le bateau avait un plus en vitesse grâce à ses foils et surtout, Lalou n'a eu aucun pépin mécanique qui aurait pu le ralentir. »
Figaro Nautisme : Lalou a évoqué des pannes électroniques, évidemment gênantes pour la réception des fichiers météo…
Eric Mas :
« En réalité, cela n'a pas été un gros handicap car notre communication par téléphone (SMS essentiellement) a toujours très bien fonctionné. Le trimaran n'a donc jamais été isolé et n'a pas manqué de l'information indispensable. Recevoir les fichiers à bord est un plus pour que les hommes du bord puissent bien visualiser la situation générale et éventuellement faire quelques simulations de route de leur côté. Mais en général ils ont vraiment d'autres chats à fouetter et s'ils ont quelques minutes de répits il vaut mieux en profiter pour récupérer un peu de sommeil. Pour la route, ils nous font totalement confiance ! »
Figaro Nautisme : En terme de routage, comment le team Arkema a-t-il préparé la Transat ?
Eric Mas :
« Cela fait 18 ans que je travaille avec Lalou. Nous nous retrouvons immédiatement dans le bain quelques jours avant le départ pour travailler sur les conditions météo réelles de la course. Il n'y a pas de travail climatologique ou de concertation sur les réactions à avoir à anticiper. Tout cela est pour nous un bien commun depuis longtemps. La classe MULTI50 autorise le routage, c'est-à-dire une assistance depuis la terre qui permet de trouver la trajectoire la plus rapide sans oublier la sécurité. C'est donc une recherche parmi toutes les routes possibles basée entièrement sur le potentiel du bateau et les conditions météo rencontrées. Karine Fauconnier apportait sa parfaite connaissance du bateau. Moi de la météo.
Figaro Nautisme : Quels étaient les rapports entre vous, Karine Fauconnier et les deux skippers du team durant la Transat ?
Eric Mas :
« Les rapports étaient excellents, il ne saurait en être autrement quand chacun est engagé à 100% vers le même objectif. Nous travaillons avec Karine pour dégager la meilleure solution du moment. Nous communiquons à Lalou notre proposition qu'il est évidemment libre de critiquer, mais il faut bien reconnaître qu'à la vitesse où se passent les événements il suit quasi systématiquement tous nos conseils. Les échanges avec le bord sont très fréquents, souvent à un rythme horaire, évidemment de jour comme de nuit, parce que l'on veut être en permanence totalement en phase. Il est important par exemple qu'il nous communique les conditions du moment pour tenir compte d'un éventuel décalage avec les prévisions. «
Figaro Nautisme : Le routage d’un Multi50 sur la Transat Jacques Vabre est-il différent par rapport à une autre épreuve de course au large ou à une autre catégorie ?
Eric Mas :
« En Multi50, les skippers ont besoin de nombreuses informations. Ces multicoques sont tellement sensibles qu'un tout petit écart par rapport au vent peut faire une grande différence de vitesse du bateau. L'instabilité du vent, ses rafales par exemple, changent beaucoup la donne. Vous imaginez aussi l'impact de l'état de la mer sur son comportement : vagues de face, de travers, de l’arrière, mer croisée, déferlantes. Tout a une influence considérable et avec un même angle au vent et une même vitesse du vent, le trimaran peut gagner des vitesses qui passent du simple au double ! «
De bon augure pour le Lalou Roucayrol qui, porté par cette victoire, participera en solitaire à la Route du Rhum 2018 toujours à bord du trimaran Arkema…