Route Du Rhum 2022 – La classe Ultim

Par François TREGOUET

A très exactement huit mois du départ de la douzième Route du Rhum, Figaro Nautisme analyse pour vous les différentes classes engagées. Histoire, règles spécifiques, concurrents, vous saurez tout des six catégories dans lesquelles se répartiront les 120 concurrents au départ de Saint-Malo le 6 novembre prochain. Première classe à être radiographiée, celle des trimarans géants, dont la présence est intimement liée à l’histoire de cette course de légende.

Comme souvent dans l’histoire maritime du vieux continent, tout part d’une rivalité ancestrale. Les Anglais, inventeurs de la course au large en solitaire, reconnaissons-leur cette vision, ne vivent pas très bien la victoire d’Éric Tabarly en 1976, la troisième tricolore en cinq éditions de LEUR transat. Mais surtout ils s’inquiètent de la folie des grandeurs qui semble toucher ces maudits français. Le Pen Duick VI vainqueur mesure 22.25m, le Vendredi 13 d’Yvon Fauconnier 39m, le Club Méditerranée d’Alain Colas 72 mètres ! Les marins britanniques, plus mesurés, sont quant à eux à bord de voiliers entre 30 et 40 pieds pour la plupart, 50 pour les plus grands. Pensant couper l’herbe sous le pied aux irréductibles Gaulois, l’organisateur, le Royal Western Yacht Club décide donc de limiter la longueur des bateaux de l’édition de 1980 à 56 pieds, soit 17 mètres. Il n’en fallait pas plus pour piquer l’esprit frondeur des précurseurs que furent Bernard Hass et Florent de Kersauson, très vite rejoints par Michel Etevenon. Le trio brillant, Rhum-Voile-Communication lance donc en réaction au couperet anglais, une course sans limites ou presque : la Route du Rhum. Ironiquement, la première édition sera remportée par un anglo-saxon, le Canadien Mike Birch, sur un petit trimaran jaune (Olympus Photo) de 11 mètres devant les 21 mètres du grand cigare noir (Kriter V) du français Michel Malinovsky. Mais les images de l’arrivée et l’écart infime, mythique, de 98 secondes, ainsi, malheureusement, que la tragique disparition d’Alain Colas, la font entrer dans l’histoire.

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Club Mediterranée - Alain Colas © DR

A l’origine étaient les Ultims

Quarante-quatre ans plus tard, les Ultims, organisés au sein de la Classe 32x23, sont donc les héritiers plus que légitimes de l’état d’esprit ayant prévalu à la création d’un course qui relie, depuis toujours, Saint-Malo à Pointe à Pitre. Lors des trois premières éditions (1978, 1982 et 1986), aucune limite de taille n’est en effet imposée aux concurrents. Les contraintes techniques, humaines, les performances déjà exceptionnelles des multicoques font que les skippers reviennent malgré tout à des longueurs que l’on pourrait qualifier de raisonnables : Marc Pajot l’emporte en 1982 sur le catamaran Elf Aquitaine de 20.20m. Les catamarans de la génération suivante culmineront autour de 26 mètres, avant d’être ramenés à 22.85m en 1986, dans une optique de réduction des coûts. Mais à la suite de la dramatique disparition de Loïc Caradec sur Royale et son mât-aile immense lors de la Route du Rhum 1986, skippers et organisateur s’entendent sur une limitation de la longueur à 60 pieds pour la prochaine édition. Il faudra attendre vingt ans, pour voir le retour en 2010 des multicoques Ultims. Cela permettra à l’audacieux et talentueux Franck Cammas, sur un Groupama 3 initialement prévu pour l’équipage, de l’emporter. Le trimaran racheté par la Banque Populaire sera à nouveau vainqueur en 2014 aux mains de Loïck Peyron. Son armateur fait d’ailleurs partie du collectif à l’origine, en 2015, de la Classe Ultim 32/23, aux côtés de Macif et Sodebo. Ils veulent relancer, tout en encadrant, cette nouvelle génération de géants prompte à faire rêver les foules. La démarche est louable mais fait une première victime lorsque la jauge, qui est essentiellement une ‘box-rule’, est définie. Les 32 mètres de long et 23 mètres de large maximum, d’où le nom de la classe, excluent de fait le Spindrift de Dona Bertarelli et Yann Guichard.

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Groupama 3 Franck Cammas © AFP

Une nouvelle classe prend son envol

L’ambition de faire voler ces trimarans géants autour du globe est extrêmement élevée. La Route du Rhum 2018, qui constitue un galop d’essai, tourne au désastre pour cette jeune classe. Le tout nouveau Banque Populaire IX confié à Armel Le Cléach’h est détruit par la tempête qui cueille les concurrents dans le Golfe de Gascogne. Thomas Coville doit lui s’arrête pour réparer et finira loin des deux premiers. François Gabart, sur un Macif estropié se fait souffler la victoire par ce vieux renard de Francis Joyon. Il a pu compter sur la fiabilité exemplaire de son trimaran Idec. Il faut dire que ce dernier connaît la route puisqu’il signe après 2010 et 2014, un triplé inédit sous ses nouvelles couleurs. Cette édition aurait pu marquer la fin de l’aventure, elle ne fera que retarder son avènement. Banque Populaire décide de reconstruire un nouveau bateau et, quelque part, sauve l’histoire. Sodebo lance lui aussi la construction d’un trimaran volant révolutionnaire. Le team Gitana persiste et fiabilise son Maxi Edmond de Rothschild, Actual Leader entre dans la course en rachetant l’ancien Sodebo puis l’ancien Macif. François Gabart, lâché par la mutuelle, convainc Didier Tabary d’embarquer SVR-Lazartigue dans l’aventure. Alors, si vous avez bien tout suivi, le plateau attendu pour l’édition 2022 se révèle de très haut niveau.

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Maxi Edmond de Rothschild - Charles Caudrelier© Benoit Stichelbaut Gitana SA

Les fous volants sont français

Si malheureusement la discipline reste à ce jour franco-française, le CV des skippers en lice laisse rêveur. Et encore, il n’y avait qu’un baquet pour deux au sein du team Gitana, Franck Cammas passe donc son tour. Au niveau de la conception, les architectes sont également hexagonaux, des habitués VPLP au très tendance Guillaume Verdier en passant par l’impétrant Renaud Bañuls. Le sorcier Allemand Martin Fischer fait donc figure d’exception chez Sodebo, au sein de teams aux Bureaux d’Études pourtant de plus en plus étoffés. Concevoir, construire (CDK et Multiplast notamment), mener de tels bateaux volants, reste donc bien une spécialité tricolore. Naviguer à plus de 40 nœuds est devenu un exercice de haut vol, au sens premier du terme. L’hydrodynamique devient d’autant plus pointue qu’elle se concentre sur quelques centimètres carrés en bout de foils. L’aérodynamisme prend une place toujours plus importante, le poids reste plus que jamais l’ennemi. Et si l’asservissement des foils reste interdit, il faut apprendre aux pilotes automatiques à voler. On pense à Éric Tabarly avec Paul Ricard, à Alain Gabbay et son Charles Heidsieck IV, Alain Thébault sur l’Hydroptère, pionniers ayant eu raison trop tôt technologiquement. La voile ultra-moderne est entrée dans une nouvelle dimension, celle de la sustentation : les 7 jours et 14 heures de Francis Joyon en 2018 pourraient bien être battus.

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SVR Lazartigue - François Gabart© Jean-Marie Liot - ALEA

Les concurrents attendus :

Thomas Coville - Sodebo Ultim 3 / Actual - Yves Le Blevec / Maxi Edmond de Rothschild - Charles Caudrelier / Banque Populaire XI – Armel Le Cléac’h / SVR-Lazartigue – François Gabart  

Autres inscrits potentiels :

Idec – Francis Joyon / Brest Utlim Sailing ex-Actual Leader – Partenaire et skipper à définir / Use It Again ! – Romain Pilliard

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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