Transat Jacques Vabre 2023 : la flotte à l'heure des grandes options

Par Figaronautisme.com

La course a pris un tournant cette nuit. Notamment chez les IMOCA qui voient déjà une paire de dissidents se lancer au plus proche de la route directe vers l’ouest, quand le gros des troupes continue de plonger vers le sud. Idem chez les Class40 qui s’éparpillent de plus en plus au niveau Madère dans le contournement de l’anticyclone. Enfin, chez les multicoques, ce week-end débute sous le signe d’une course de vitesse, rythmée par les alizés de part et d’autre de l’Atlantique Nord : en direction du Cap Vert pour les Ocean Fifty, et de Fort-de-France dans le camp des ULTIM. Les deux premiers maxi-multicoques y sont attendus demain au terme d’un sprint final haletant pour boucler cette Route du café disputée au meilleur niveau de compétition océanique.

Top départ pour une ULTIM course de vitesse

La nouvelle est tombée hier en fin d’après-midi. Le Maxi  Edmond de Rothschild déplore une sérieuse avarie de barre, qui l’oblige à poursuivre sa course en mode dégradé. Mais pour l’heure Charles Caudrelier et Erwan Israël font preuve d'une belle force de résistance, pour à la fois s’accrocher derrière les deux premiers et contenir le retour de Sodebo Ultim 3. En tête, un dernier bras de fer est engagé entre le Maxi Banque Populaire XI et SVR Lazartigue, qui ont fait leur retour dans l’hémisphère Nord dans la soirée d'hier ; la cartographique indiquant environ 1H30 d’écart entre les deux à l’équateur.

Le passage de la latitude zéro, aussi virtuel que symbolique, n’en matérialise pas moins le coup d’envoi d’une ultime course de vitesse entre ces deux géants qui progressent dans un couloir d’alizés, entre la zone interdite à la navigation le long des côtes sud-américaines et le Pot-au-noir. Silence radio ce matin aux avant-postes, alors que le Maxi Banque Populaire XI affiche un petit surplus de vitesse et 120 milles d’avance sur son poursuivant immédiat. Soit un gain d’environ 10% sur la distance qu’il lui reste à parcourir pour rallier Fort-de-France. Le sprint ULTIM est bel et bien lancé pour une arrivée estimée en fin d’après-midi, heure antillaise demain (vers 2h, dans la nuit de dimanche à lundi, heure métropole).

IMOCA : deux conquérants de l’ouest font bande à part

Ouest ou sud ? S’armer d’un piolet et de crampons, ou glisser sur l'autoroute de soleil ? Depuis le départ, la question anime les débats, les skippers s'accordant tous pour dire qu’il n’était pas facile de trancher. Mais ce matin, un duo de dissidents mise sur une route plus directe vers l’ouest, par rapport à celle, franchement marquée au sud, privilégiée par la grosse majorité des concurrents. À commencer par les leaders d’hier, Charal, Paprec Arkéa, entre autres. Ces deux-là progressent au coude-à-coude, mais concèdent déjà plus de 110 milles de retard sur les conquérants de l’ouest : Teamwork.net et Groupe Dubreuil, qui font désormais bande à part.

« On est très exactement 350 milles dans l’est de l’archipel des Açores, du côté de Santa Maria, le soleil vient de se lever, magnifique lever du jour. Je vois à l’est un grand ciel bleu bien dégagé, et devant c’est un peu couvert, on va un peu plus dans les perturbations », nous décrit ce matin Julien Villon qui ouvre cette route occidentale avec la garantie de devoir composer avec des turbulences à venir. « Ce choix est âprement réfléchi, il n’y a pas de pile ou face mais nous sommes étonnés de n’être que deux dans cette stratégie-là. Être dans du portant avec peu de vent, cela n’est pas facile non plus », justifie-t-il,  alors qu’il progresse plus vite, au près, que ses concurrents sudistes évoluant, eux, dans des petits airs au débridé.

Même son de cloche de la part de Sébastien Simon, droit dans ses bottes à bord de Groupe Dubreuil, à l’entame d’une navigation qui promet de maintenir le suspense. « Cela fait plusieurs jours qu’on discute ; et à un moment on était face à l’anticyclone pour faire un choix. Si on avait voulu faire du sud, il aurait fallu faire des manœuvres et accepter de passer derrière les concurrents, donc on a décidé d’assumer notre option. On joue, ou on perd », explique le co-skipper d’Iker Martinez, qui estime qu’il faudra attendre l’horizon des quatre prochains jours pour mesurer les résultats de ces deux options. Ces routes radicalement différentes pouvant atteindre jusqu’à 1000 milles d’écart en latéral, selon Christian Dumard, le météorologue de la course.

Les dés sont jetés par ces premiers bateaux de tête aujourd’hui, qui peuvent encore être rejoints sur cette route plus courte mais plus complexe et cabossée, - “avec des nids de poule”, dixit certains -,  par d'autres bateaux ; dont ceux à dérives : les Five Group -Lantana Environnement, Freelance.com, Monnoyeur - Duo For a Job… qui n’ont pas dit leur dernier mot. Les prochaines heures diront pour quelle trajectoire chacun d’entre eux votera…

CLASS40 : la bande à Madère

Dans le camp des plus petits monocoques, c’est dans le sud-ouest de Madère qu’il faut regarder. La bataille s’y joue à coups de décalages latéraux entre le leader au classement Amarris, qui occupe les quartiers nord à l’ouest, et les plus sudistes, décalés à l’est :  Alla Grande Pirelli, IBSA, Groupe SNEF… Et c’est sans compter avec les partisans de la voie du milieu : Café Joyeux, Crédit Mutuel, Project Rescue Océan.

« On a eu une nuit compliquée avec du vent foireux, instable, des nuages noirs, impossible de voir le ciel, du noir, du noir ; et on a essayé de tracer notre route là-dedans, et aller vers le sud-ouest pour choper des alizés plus stables. Mais on est là où on voulait être », raconte ce matin  Gildas Mahé, qui se tarde néanmoins d’attraper une bascule de vent à droite  pour incurver sa route vers l’ouest. « La météo est  compliquée, on est toujours en tête en distance au but, la situation est tout sauf catastrophique, c’est clair. Déjà le spi ne fait  plus flap-flap à chaque vague. On est à 16 nœuds au portant, GV haute, grand spi, on a même reculé un peu le matériel. Le vent est rentré un peu 16-17 nœuds. Mais il fait toujours gris de chez gris », poursuit le co-skipper d’Achille Nebout qui ne cache pas que les prochaines heures s’annoncent cruciales pour la suite de la course. Ce matin, il progresse à 10 nœuds, contre 13,5 pour IBSA, le plus sudiste sur une route à l’est. Vivement le soleil et les alizés !

Ocean Fifty : Tout schuss vers le Cap Vert

Plus au sud, les alizés, les Ocean Fifty n’en manquent pas dans des conditions que les co-skippers apprécient, comme il se doit. Auteur d’une très belle course, le duo de Réalités ne boude pas son plaisir d’être toujours dans le match, bien lancé aux trousses de Solidaires en Peloton sur la route qui mène en Martinique. « On a entre 15 et 20 nœuds de vent, on fait des pointes à 30 nœuds. Les bonhommes se sont reposés depuis trois jours, le moral est au beau fixe », raconte Aymeric Chapellier qui remercie chaleureusement toute l’équipe technique de ce nouveau bateau, sans laquelle la course, si stimulante avec Viabillis qui progresse juste dans son tableau arrière, ne  pourrait pas avoir lieu. Et le co-skipper de Fabrice Cahierc d’ajouter : « Thibaut et Quentin ont mené tambour battant leur bateau (Solidaires en Peloton)… Ça sera dur de remonter, mais on ne va rien lâcher. Le soleil vient de se lever, la mer est plutôt plate ce qui est propice à faire de bonnes vitesses - 22-24 nœuds -, le bateau ne tape pas trop, ce sera comme cela aujourd’hui avec du vent mollissant et le passage de l’île (le Cap Vert) en milieu de nuit. » 

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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