Transat Jacques Vabre : une résilience à toute épreuve

Par Figaronautisme.com

Franchir la ligne d’arrivée d’une transatlantique est souvent plus symbolique qu’être bien classé. La Route du café ne fait pas exception. Franchir les fronts, casser une bôme, tomber malade, sont autant d’obstacles que les skippers ont dû franchir sur cette 16ème édition et qui rendent encore plus savoureuse leur arrivée en baie de Fort-de-France.

Lorsque la vedette de l’organisation vient à la rencontre de Prysmian Group, seul Gaston Morvan s’affaire aux manœuvres. Le matin même, l’équipe a annoncé que Giancarlo Pedote était victime de vertiges, de fortes fièvres, de déshydratation et incapable de se tenir debout dans le bateau. Ce n’est qu’à quelques mètres de la ligne que l’Italien se montre, très fatigué.

"Quand il m’a dit "je te débarque", j’ai serré les dents"

A bout de forces, il fond en larmes dans les bras de Gaston qui l’aide à monter sur le cockpit pour passer la ligne d’arrivée, ensemble.

"A 1300 milles de l’arrivée, je ne sais pas ce qui m’est arrivé", tente de raconter Giancarlo Pedote (Prysmian Group) au ponton. "C’était pas un truc suite à une grosse fatigue. On avait passé le front, la dorsale, on était reposé. Là, j’ai clairement eu une coupure de lumière, des pointes de fièvres à 40, plusieurs fois. La nuit, j’avais froid, j’avais chaud, j’avais froid. Quand Thierry (Charland, médecin de la course) m’a dit "je te débarque", j’ai serré les dents. Après je n’étais pas utile, j’ai laissé Gaston faire les quarts tout seul et ça m’embêtait un peu qu’on n’ait pas pu faire la bagarre jusqu’au bout avec Guyot mais avec la fièvre que j’avais c’était impossible." Gaston Morvan prend alors le lead à bord. "Naviguer en solitaire sur un IMOCA je ne l’avais jamais fait, c’était pas trop prévu comme ça".

Se sentant impuissant face à la maladie de Giancarlo, Gaston va alors tout faire pour prendre soin du bateau et le mener à bon port. La définition même du double, bien plus qu’un schéma sportif.

"On se dit merde, pourquoi s’arrêter là, c’est pas possible"

Si la maladie reste un cas rare à bord, la casse, elle, est le pire des cauchemars. Le lendemain du départ des IMOCA, alors que Groupe APICIL évolue dans le groupe de tête à la 5e place, au large de la pointe bretonne, la bôme du monocoque se rompt. Un coup d’arrêt brutal qui oblige les deux skippers à s’arrêter à Lorient. "On se dit merde pourquoi s’arrêter là, c’est pas possible, on a fait un super début de course" raconte Laurent Bourguès après son arrivée. "On a passé le plus dur du front, on commençait à vraiment s’éclater et ça ne pouvait pas s’arrêter là". Grâce à leur équipe mais aussi à la team Guyot environnement -Water Family de Benjamin Dutreux, Damien Seguin et Laurent Bourguès repartent en moins de 14h. "On n’avait pas le choix, il fallait faire cette course, repartir et la terminer. On avait d’autres objectifs devant nous" soutient Damien Seguin. À partir de là, la partition sera parfaite. Milles après milles, ils grapillent des places pour terminer 15ème. "Cette remontada, on la dédicace à l’ensemble des équipes techniques qui ont œuvré pour qu’on puisse partir" remercie Damien Seguin devant son bateau à Fort-de-France.

"On s’est battu jusqu’à la fin"

Et puis il y a ceux qui, bien qu’audacieux, ont joué de malchance. Sébastien Simon et Iker Martinez (groupe Dubreuil) font partie des tous premiers à opter pour l’option de la route nord dans l’Atlantique. Malheureusement, 48h plus tard, ils déchirent leur grand-voile. "On a passé des heures et des heures à essayer de réparer et ça redéchirait", raconte Sébastien Simon. "Les conditions n’ont pas vraiment été avec nous et pourtant le début de course était incroyable"

Leurs ambitions tombent à l’eau, mais il faut continuer de progresser, coûte que coûte. Leur résilience est telle qu'ils arrivent à tenir la cadence face aux concurrents jusque dans la baie de Fort-de-France. "On s’est battu jusqu’à la fin. Forcément il y a un peu de frustration mais aussi beaucoup de plaisir parce que l’histoire ne fait que commencer", veut positiver Sébastien Simon dont le projet est encore tout frais. "Je suis persuadé que l’avenir nous réserve plein de belles surprises."

Résilience dans toutes les classes

Si le soulagement est désormais de mise pour ces IMOCA à quai, en Class40, bon nombre de skippers, toujours en mer, ont eux aussi eu leur lot de désillusions. Après avoir démâté entre le Havre et Lorient, Crédit Mutuel a finalement pu repartir et caracole, pour l’instant, dans le trio de tête de cette deuxième manche. Legallais, le Bleuet de France, Trimcontrol ont eux aussi été victimes d’avaries. Ils ont su trouver la force et la motivation nécessaires pour reprendre la mer. Mais la plus belle preuve de résilience chez ces monocoques vient bien d’Alexis Loison sur La Manche #Evidence Nautique. Victime d’une possible fracture au poignet, il a quand même décidé, après des examens médicaux à la Corogne, de continuer cette Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre pour finir le job !

Enfin, parmi toutes ces courageuses histoires, si on ne devait en retenir qu’une, c’est bien celle de Tanguy Le Turquais et Félix de Navacelle. Après avoir tapé un OFNI dans la Manche, leur bateau Lazare est victime d’une importante voie d’eau. Ils se déroutent en urgence vers Lorient. Un contre-la-montre gigantesque s’engage pour colmater la fuite. Six jours plus tard, les skippers reprennent la mer. "Mon objectif, c’est bizarre de dire ça, mais c’est celui de terminer dernier de la Transat Jacques Vabre. C’est juste l’image de ne pas baisser les bras. Pour Lazare, mais au-delà de ça, pour les gens qui nous suivent, qui ont participé au projet, ça met en lumière des valeurs qui aident les gens dans leur quotidien." conclut Tanguy Le Turquais. Et comme pour se donner du courage, le sticker rose du bateau n’a pas été remis. A la place, 10 lettres ont été peintes sur la coque : RESILIENCE.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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