Entretien avec Yvan Bourgnon : « On espère vraiment que tout cela va faire évoluer les consciences »
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Comment se passe le confinement pour votre association ? « Pour The SeaCleaners, cela se passe bien car nous sommes en phase de création. Nos ingénieurs peuvent continuer d’imaginer le bateau, les scientifiques continuent de travailler également et l’équipe pédagogique de créer des outils. Nous sommes plus dans la conception aujourd’hui, nous avions prévu d’être sur le terrain à l’automne sur différents évènements, des campagnes exploratoires, des tests avec nos prototypes… Donc ce n’est pas la catastrophe, on continue nos activités. Ce qui nous inquiète par la suite par contre, c’est la levée des fonds. Les sociétés vont revoir leurs budgets et ce qui passe à la trappe en premier c’est le mécénat, le sponsoring, l’évènementiel, la communication… et nous avons beaucoup d’argent à trouver d’ici 2-3 ans. »
Comment voyez-vous l'après-confinement ? « On espère qu’une prise de conscience de ce qui se passe aujourd’hui va rendre les gens un peu plus écolo, leur donner envie d’anticiper plus car effectivement le covid-19 a coûté beaucoup plus cher car il n’a pas été anticipé. On espère vraiment que tout cela va faire évoluer les consciences. Autant le confinement est ultra positif pour la partie atmosphérique, on le voit bien. Mais on peut se poser des questions... car lorsque l’OMS annonce que la pollution fait 7 millions de morts par an, on ne se pose pas questions, le monde ne s’arrête pas de tourner pour autant… Concernant la pollution des plastiques, les effets du confinement sont moins spectaculaires et en plus, il y a une augmentation des produits à usage unique, de la nourriture à emporter et en livraison, des gants, des lingettes, des bouteilles de gel, des légumes emballés… Tout cela, ce n’est pas bon ! Le traitement des déchets est plus complexe. Et puis après la crise, il y aura sûrement une surconsommation, le trafic aérien va exploser… La priorité ne sera alors pas l’écologie. »
Cela s'annonce d'autant plus compliqué pour The SeaCleaners ? « Ce qui nous motive c’est que le grand public a de plus en plus envie d’agir, de faire bouger les choses. Alors oui on risque d’avoir des difficultés financières mais à côté de ça, on est super motivé pour le projet Manta mais également notre développement à l’international, nous avons plein de projets même si Manta reste le pilier de tous. »
En parlant du Manta, où en est le projet ? « Le début de la construction du Manta était prévu fin 2021, et la version définitive du navire devait être annoncée cet automne. Ensuite il faudra choisir le chantier, en espérant du coup pouvoir commencer en 2022, avec un peu de retard. »
Vous avez décidé de vendre votre catamaran "Ma Louloutte", pourquoi ? « C’est un peu un crève-cœur mais il est dans mon jardin, je passe tous les jours devant et à un moment donné, je me suis dit qu’il devait naviguer ! Jusqu’à l’année dernière je l’utilisais avec mes enfants mais là, il navigue moins, il est en cale sèche donc il faut psychologiquement je me détache de ce bateau car il peut encore avoir un autre chemin de vie, en faisant des expéditions, des défis extrêmes ou pour faire découvrir la voile par des raids côtiers, d’aller à Houat ou Porquerolles et d’avoir une navigation un peu sportive. J’ai pas mal de propositions ! Je veux qu’il soit entre de bonnes mains, je n’ai pas encore pris de décision. Mais en tout cas, je ne veux pas qu’il finisse dans un musée car il peut encore nous faire rêver ce bateau ! »
Pouvez-vous nous parler de votre livre "Fils de la Mer" ? « Il est sorti en plein milieu du coronavirus, ce n’est pas le top. J’avais eu des demandes dans les 2-3 ans après la disparition de Laurent pour faire un livre et je n’avais pas du tout le cœur à cela, j’avais du mal à prendre du recul. Puis au bout de 5 ans je me suis dit que c’était le bon moment, j’arrive à prendre du recul, à penser aux bons moments avec de la tristesse mais aussi de la joie. Avec Christian Bex on a réussi à faire ressortir des souvenirs drôles, des bons moments. Je crois vraiment que c’était le bon moment pour revenir sur sa vie, la mienne, pourquoi nos chemins se sont parfois séparés puis retrouver, et puis pour dire les choses avec franchise, de montrer que tout n’est pas rose dans ce milieu, même si la passion et la soif d’aventure sont là. C’est un super bouquin et j’espère que les gens pourront le découvrir après le confinement (à découvrir par ici !). »
Après le confinement, des nouveaux records en vue ? « Je travaille actuellement sur cette idée de tour du monde à l’envers, que j’ai en tête depuis déjà un an ou deux mais j’étais freiné par The SeaCleaners qui m’a pris beaucoup d’énergie. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à maturité en termes de nombre de personnes, le noyau dur est bien en place et tout le monde est autonome. Je suis déjà beaucoup plus libéré depuis quelques mois. C’est le bon moment pour relancer mes projets sportifs. Je travaille actuellement sur la levée de fonds. Et puis il y a un autre projet qui se peut se cumuler au premier, qui est plus petit mais que j’ai à cœur, c’est le record de la traversée de l’Atlantique en catamaran de sport avec mon fils Mathis. Cela passe par la construction d’un prototype : un bateau semi-volant, dans la catégorie 20 pieds. L’idée serait d’effectuer la traversée en moins de 10 jours, entre Dakar (Sénégal) et Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). Ce sera l’aboutissement de ce qu’on a fait tous les deux après la Méditerranée, la Manche, le record en 24h… On prévoit cela en 2021. »
Tel père tel fils... L'avez-vous encouragé à faire de la voile ? « Pas du tout non, j’avais tellement peur justement de l’image du père qui pousse son fils à la voile. Je lui ai fait découvrir pleins d’autres sports, et c’est vers 17 ans qu’il s’y est mis de lui-même, il a été demandeur. C’est mieux car cela vient vraiment de lui ! Il est à fond dans tous nos projets. »