Louis Burton : « il faut arriver à mentaliser le globe et à le ramener à l'échelle d'une régate à la journée »

Par Geoffroy Langlade

A quelques mois du départ officiel du Vendée Globe, le jeune skipper de l'IMOCA Bureau Vallée 2 est à bloc. Confinement ou pas. Installé à Saint-Malo, il nous parle de sa préparation physique et mentale, de ses angoisses et nous livre quelques conseils pour affronter la tempête et plus de trois mois de solitude en mer. Moments choisis.

En quoi consiste votre préparation physique pour le prochain Vendée Globe ? 

"Après ma précédente participation au Vendée Globe, j’ai enchaîné sans m’arrêter trois saisons de courses. Ma préparation est assez linéaire. Je suis en pleine forme ! Au retour de la Transat Jacques Vabre, je n’ai pas fait de break. D’habitude, je prévois deux mois de pause pour la période des fêtes de fin d'année notamment. Pour moi, c’est donc deux jours par semaine de préparation à l’aide d’une coach. On travaille beaucoup la souplesse, le dos et les jambes. Lors du dernier Vendée Globe, quand je suis revenu, j'étais vraiment massacré physiquement. Cela se voit beaucoup sur les photos (rires). On essaie donc d’emmagasiner le maximum de réserves et de muscles avant le départ. J'ai un partenariat avec la station de ski de L’Alpe d'Huez et l'hiver dernier j’ai passé beaucoup de temps avec des guides de montagne. On a skié comme des malades ! C’est bien car cela entretient mon physique et cela m’a permis de faire des globules en plus… Tout ce que tu fais en altitude, cela correspond à trois fois la même activité au niveau de la mer. Sur la partie physique, on va monter progressivement en intensité jusqu'à la fin septembre-début octobre car après, quand on approche du village, on se calme un peu et on ne prend surtout plus le risque de se blesser !"

Nautisme Article
© Vincent Curutchet

Et le mental ?

"Au dernier tour, je suis parti sans avoir fait de préparation mentale. J’ai pas mal souffert de plusieurs sujets personnels, aussi de la notion de distance. Sur un Vendée Globe, tu peux rapidement te retrouver avec 1 000 milles de retard sur ton concurrent direct devant et 1 000 milles d'avance sur ton poursuivant. Il faut arriver à mentaliser le globe et à le ramener à l'échelle d’une régate à la journée pour te dire que sur une course aussi longue il ne faut pas lâcher. Il peut se passer plein de trucs, il y a du temps…  La préparation mentale consiste aussi à gérer l'éloignement avec tes proches. Quand tu pars trois mois en mer, tu passes à des tiers les clés de ta maison, ton compte en banque, tes affaires, ta femme (rires) et tous les sujets de la vie… Pour les loups solitaires, ce n’est pas une épreuve mais de mon côté j’adore être avec du monde. Je fais de la voile en solitaire uniquement parce que c’est de la course.  

On travaille sur la mentalisation d'images positives que tu es capable d’aller chercher facilement, notamment avec la mise en action des sens. Par exemple, mon coach me fait mentaliser une scène où je suis bien et il me fait sentir une huile essentielle que je pourrai emporter à bord et l’utiliser en cas de mauvais moral. Je sais pas si cela marche parce que je ne l'ai jamais fait auparavant mais a priori cela fonctionne bien…  On va beaucoup travailler dessus car je suis visiblement très sensible à l’odorat !"

Un conseil pour lutter contre la solitude ?

"Il y a un truc génial je conseille à tous mes concurrents, c'est d'avoir une enveloppe à ouvrir par jour dans le bateau ! Je ne l’ai jamais réclamé mais mes proches me l’ont déjà fait sur une transat. Mais cette fois, je vais leur demander de le refaire parce que c'est super, ce sont de très bons moments ! J’apporte aussi beaucoup de photos dans l’ordinateur. Ensuite pour Noël, ce sera sympa d’ouvrir un cadeau avec un vin rouge et du foie gras.

A ce propos, la partie alimentaire est un des grands instants de plaisir et de repos en mer. On va faire beaucoup plus attention que la dernière fois, lors du Vendée Globe. Par exemple, je ne mange plus trop de lyophilisés, je suis arrivé au bout de cette nourriture. Je vais emporter des plats mijotés sous vide préparés par un petit producteur français "Le Bon Bag". Et également d’autres mets pour lesquels nous allons travailler avec la nutritionniste…"   

On parle souvent de changements de goûts en mer, est-ce exact ?

"Oui, complètement. Je suis dingue de café, j'adore le café et pourtant en mer les deux premiers mois de courses, je ne bois pas une seule goutte de café. La dernière fois, je ne sais pas pourquoi, j'ai retrouvé le goût du café au bout de deux mois en mer. C’est lié aux mouvements du bateau. Autre exemple : je suis dingue de salade de maïs-riz-tomates alors que je n’en mange jamais à terre ! Ce qui est compliqué sur le Vendée Globe, c’est que tu fais les quatre saisons et que tu n’as pas les mêmes dépenses caloriques en fonction de la météo et du climat. Et tu n’as pas les mêmes goûts non plus… Tu n’as pas vraiment envie de manger un pot-au-feu à la bière d'abbaye sous l’Equateur !"

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…