Le phénomène des vagues scélérates
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Elles se dressent soudainement au milieu des océans lors des tempêtes, véritables murs d’eau culminant jusqu’à parfois plus de 34 mètres de hauteur, engloutissant les malheureux navires se trouvant sur leur passage, avant de disparaitre aussitôt. Ce sont les vagues scélérates, « rogue wave » ou « freak wave » en anglais.
«Un immense mur d’eau… on aurait dit que nous foncions tout droit dans les falaises blanches de Douvres», décrivait ainsi en 1995 le capitaine du Queen Elizabeth II, la vague de 29 mètres de hauteur que son équipage et lui aperçurent au large de Terre-Neuve.
La définition d’un vague scélérate est assez imprécise. En général, une vague est dite scélérate lorsqu’elle dépasse un certain seuil, et qu’elle est environ 2 à 2,2 fois plus haute que les autres vagues qui l’entourent. Ainsi, si au milieu d’une tempête vous êtes entouré de vagues de 12 mètres de haut, la vague sera qualifiée de scélérate si elle mesure dans les 24 mètres de hauteur. Elles ne doivent pas être confondues avec les tsunamis, qui contrairement aux vagues scélérates, commencent à s’élever à partir du moment où ils s’approchent des côtes, et ont une longueur d’onde bien plus importante. Surtout, contrairement aux vagues scélérates, les tsunamis sont prévisibles. En effet, les vagues scélérates bien qu’effrayant les marins et les navigateurs depuis des années, n’ont toujours pas pu être expliquées par les scientifiques. Il est ainsi impossible de prévoir quand et où une telle vague va s’abattre, ce qui les rend encore plus dangereuses.
Longtemps considérées comme une légende maritime, nous savons aujourd’hui que ces vagues existent. Même si on a longtemps imputés aux vagues scélérates des naufrages célèbres comme celui du minéralier MV Derbyshire en 1980 ou bien du cargo allemand München (1972), navires pourtant réputés comme particulièrement sûrs, c’est seulement en 1995 que la première vague scélérate fut mesurée à l’aide d’instruments de mesures scientifiques. Au bord de la plateforme pétrolière de Draupner en mer du Nord, une vague de presque 26 mètres de haut est enregistrée au milieu d’une mer de hauteur moyenne d’environ 11 mètres ! Elle est surnommée la vague du nouvel an car elle a été détectée un 1er janvier. Aujourd’hui des vidéos attestent de ces « freak waves ».
L’une des théories avancées pour expliquer la formation des vagues scélérates serait qu’elles se formeraient les jours de tempête à des endroits bien précis où des vagues de différentes directions se croisent, en accumulant les ondes des houles.
D'une force considérable, elles sont très meurtrières et il est rare d’en sortir complétement indemne, que ce soit physiquement ou matériellement. En 2010, deux personnes ont trouvé la mort après que trois vagues scélérates se soient abattues sur bateau de croisière au large de l’Espagne, le Louis Majesty. Il n’y a pas de données précises sur la régularité du phénomène mais elles sont moins rares que l’on ne pense. Michel Olagnon, ingénieur à l’Ifremer, estime néanmoins dans une interview pour le journal Le Temps, qu’en un endroit donné, il ne s’en forme à peu près qu’une tous les 10 000 ans.
Aujourd’hui, l’enjeu des scientifiques et des ingénieurs est de développer des mécanismes d’alertes et de prévisions avec l’aide de météorologues notamment. Récemment, un projet de navire spécialement conçu pour la recherche et l’étude de vagues scélérates a émergé : le Rogue Hunter de SVP Design. En forme de perce-vague et long de 57 mètres, il serait capable de traverser ces vagues criminelles sans se renverser ou couler.