Cantilène Cantabrique : Gijón mi corazon

Ne vous fiez pas à votre première impression en arrivant au coucher du soleil à Gijón. Venant de l’Est on découvre une vaste plage bordée d’immeubles modernes. On contourne à bâbord un promontoire surmonté de ce qui doit être soit un reliquat de blockhaus, soit une monumentale sculpture moderne. Devant l’étrave alors apparaissent les hautes murailles, les vastes réservoirs, les grues tentaculaires du port de commerce. Il faut respecter l’alignement, et faire route au 180° pour, tournant à gauche après la balise laissée à tribord, voir arriver face à nous le ponton d’accueil du port de plaisance. Il y a seulement quatre voiliers, il est tard, on choisit sa place. Tout est calme et reposé. Nous sommes en plein centre-ville ! A Gijón, capitale maritime de la Costa Verde, Asturies.

De Santander à Gijón il y a un peu moins de 100 milles. Une goutte froide a pris ses quartiers de solstice d’été dans le Golfe de Gascogne. Une dépression se pourlèche l’Irlande. Pour nous c’est donc, beaucoup de houle traversière (3 à 4 mètres), et du vent évanescent, inconstant. Il nous a fallu motoriser pour arriver avant la tombée de la nuit. Les stratus et la pluie ne nous ont pas permis d’admirer les pics d’Europa en passant devant San Vicente de la Barquera. On y verra plus clair demain.   

Le lendemain matin ça commence bien. L’accueil de la marina est aimable.

Toutes les commodités et une laverie, le Wi-Fi ? On oublie. Sur 103.40 la musique espagnole envahit le bord : Arriba ! Les rares bateaux français sont repartis, l’ambiance commence à s’internationaliser : pavillon anglais, allemand. La darse au nord est quasi vide. Les pontons des navigateurs locaux au sud accueillent des bateaux dépassant rarement 12 mètres. Quelques dériveurs sur « l’espigon centrale » qui sépare les darses. L’activité nautique est confidentielle, il n’y a pas de « shipchandler ».

Entre le ponton d’accueil et la capitainerie un restaurant. Il est étoilé au Michelin : Auga. On y fera la connaissance, pour un tarif de Bib gourmand, de la spécialité asturienne la Fabada, haricots blancs locaux (faba asturiana) et charcuterie dont un étonnant boudin noir, on n’est pas loin du cassoulet… Au marché des portions préparées sous-vide et qui se conservent très longtemps sont proposées par la plupart des épiceries et des charcuteries. Pour en revenir à Auga on se délectera de magnifiques anchois marinées en tapas, sur le quai, à 50 mètres du bateau. Restaurant Auga, Calle de Claudio Alvargonzález

Une des spécialités d’Asturie est le cidre. A la manière basque. Une étonnante « sculpture » constituée de milliers de bouteille de cidre, l’arbol de sidra, se dresse au bout du même quai, face au magnifique Palacio de Revillagigedo sur la plazza del Marqués. C’est sur cette place, en ayant laissé à gauche le palais que nous viendrons le goûter ce cidre peu mousseux et assez sec, ce sera avec d’excellents chipirons à la plancha, pour quelques euros dans une échoppe typique repérable à ses voiles bleues. Casa Fernando, Plazza del Marqués.

Voulez-vous une troisième adresse recommandable ? C’est l’équipage de Quinto Reale, pratique du coin, que nous sollicitons. Ils sont unanimes pour désigner comme excellente la sidreria Los campillos, c’est à à peine cinq cent mètres, nous n’aurons pas l’occasion de nous y rendre. Sidreria Los campinos, calle covagonda 8 Bj.

Don Pelayo se dresse fièrement au-dessus de la fontaine Plaza del Marqués.

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Il brandit un crucifix. Ce wisigoth est le premier qui, en 722, stoppa l’invasion arabe à Covadonga et repoussa les musulmans au sud de la chaîne cantabrique. Il est considéré comme le premier roi d’Asturies, royaume dont l’expansion jusqu’en 900 comprendra la Galice, Le Leon, mais butera à l’est sur les basques… Ces trois régions : Galice, Asturies, Pays basque ne seront jamais intégrées dans l’Emirat de Cordoue : de vrais résistants. Les romains avaient, auparavant, incorporé dans leur empire les peuples astures et cylurgins. Les ruines des thermes romains nous le rappellent au sud-est de Cimavilla.

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Cimavilla est la vieille ville de Gijón. Ce promontoire d’environ 300 mètres de diamètre qui s’avance en mer sépare à l’Est la très grande playa de san Lorenzo et à l’Ouest les ports de plaisance, la playa de Pionente et le vaste port de commerce. On se perdra avec plaisir dans les vielles rues de Cimavilla, animées et bordées de restaurants. Il n’y a pas ou peu de voiture.  Une plaque sur la « casona jovellanos » rappelle qu’ici, en 1794 a été fondée le « Real istituito asturiano de nautica y mineralogia », l’association peut surprendre, mais le rôle de l’institut explique tout : « promouvoir l’extraction et le commerce du charbon et former d’habiles mineurs et d’adroits pilotes ». La mine et la mer : tout le destin de Gijón résumé sur cette plaque. On parcourra la plazza Mayor enchâssée entre les édifices baroques taillés dans cette belle pierre rouge locale, la place donne accès aux thermes romains et à San Pedro. Détruite durant la guerre civile, c’est bien la seule église que je connaisse qui soit néo romane. Du parvis on admire la belle playa san Lorenzo fréquentée par les locaux, pas de tourisme de masse, de grands immeubles typiques, ceux qui nous avaient déplu en arrivant, une avenue ombragée, c’est propre, à la fois calme et vivant, presque champêtre. Certains de ces immeubles s’enorgueillissent de formes exubérantes. Ils remémorent au chaland l’épopée de « Los Indianos », ces asturiens partis à la fin du XIXème siècle pour courir fortune aux Indes Occidentales, essentiellement Cuba et Porto Rico. Quelques « Tontons Cristobal » sont revenus et, avec leurs pesos leurs lingots, on fait surgir ces demeures proclamant leur statut de nouveau riche. Retournant sur nos pas on accède, au nord du plateau, à un vaste parc promenade vespérale des indigènes, ce jardin domine les ports et les plages. Là aussi tout est calme et reposé.

La ville nouvelle s’étend au sud, on emprunte la calle Corrida. Cette large « rambla » piétonne, occupée par des terrasses de café, bordée de hauts immeubles à bow window, se parcourt avec plaisir à l’ombre et en léchant les vitrines de jolis magasins. Elle mène tout droit au « Mercato del sur » ouvert de 08h00 à 20h00, qui, s’il n’a pas l’opulence de celui de Santander, offre un gage d’authenticité : on n’y parle ni l’anglais ni le français. Produits de qualité excessivement abordables et spécialités locales dont les chorizos au cidre ; les empenadas fourrées au thon, à la morue, à la viande. Mais aussi des délices plus nationaux et en particulier les tripes (Callos) dont celles cuisinées avec des pois chiches (Garbanzos), qui peut caller l’estomac du navigateur le plus affamé… On peut revenir au port par plusieurs avenues parallèles dont La Merced ou la San Bernado. La circulation y est maitrisée, l’ambiance paisible préservée, et les vitrines toutes autant de belle qualité. A deux cent mètres du ponton un supermarché Masymas est ouvert de 09h00 à 21h30 sauf le dimanche. On peut y faire provision de de jamon iberico ou de Rioja, nous sommes dans la zone d’influence du délicieux vin rouge espagnol. A quelques pas de là Coalla, une sorte d’épicerie fine où l’on peut prendre des tapas, propose un choix de vin époustouflant. Masymas, Calle istituito,5,. Coalla calle san antonio, 8.

Le coup de vent d’Ouest prévu pour la Saint-Jean ce 24 juin s’invite avec la pluie du front chaud. Rien qui ne puisse refroidir l’ardeur des habitants. Ce soir c’est la fête ! Des jeunes filles décorent la fontaine de Don Pelayo de somptueux bouquets de fleurs. Un orchestre local composé d’une gaita, cornemuse empruntée à la tradition galicienne, d’un tambour, et d’un bandonéon, font s’agiter les gambettes. Cette nuit le feu d’artifice sera tiré de la playa de Poniente. Demain les régatiers locaux rejoindront la ligne de départ grand-voile haute, mais pas longtemps, le vent rentre. Il nous faudra partir après le front froid, ce sera dans la houle et la grisaille au petit matin du dimanche. Avec au cœur le souvenir d’une très belle escale, authentique et reposante. Gijón mi corazon.

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Avant de partir, pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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