Pâques, la tentation de l'île

Par François TREGOUET

Son isolement la protège autant qu’il nous attire. A l’écart de la classique route intertropicale entre Panama et Polynésie, l’île de Pâques vaut pourtant le détour. Pour les plus téméraires qui sont passés par le détroit de Magellan elle est la récompense de tous les sacrifices. Les mystères cachés de cet endroit reculé ne lassent pas de nous attirer. Là où les Dieux de pierre géants impénétrables regardent les étoiles, cette île nous parle en langage chiffré et recèle tant de secrets que même les hommes les plus tenaces ne les ont pas encore dévoilés…

Cet avant-poste perdu dans l’océan Pacifique, à l’extrémité sud du triangle Polynésien, ne reçoit que quelques navigateurs intrépides sur ses terres. Ceux-là sont bien récompensés de leur longue traversée ! Tout commence par l’apparition sur le front de mer de près de neuf cent statues colossales, appelées "Moaïs" perchées sur trois cent terrasses de pierre, les « Ahû ». Ces géants tournent le dos à l'océan, pour autant, horizon lointain et ciels étoilés leurs appartiennent depuis la nuit des temps. Nous savons que les pierres sont taillées dans le basalte du volcan nommé Rano Raraku, situé dans l’Est de l’île et qui constitue une nouvelle récompense pour qui pose pieds à terre. Son sommet laisse place à un cratère occupé par un lac. Terres ocres, végétation verte et dense, lac aux couleurs capricieuses, bleus mer et ciel se mêlent pour offrir un spectacle époustouflant.

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© Oxygen

Une escale en mythologie

Dans un autre registre, tout aussi spectaculaire, le Rano Kau, situé à la pointe Sud-Ouest de l'île, est composé d'un cratère au fond plat recouvert de nombreux petits lacs et abrite le site pascuan d'Orongo au sommet des falaises. Aventurez-vous juste au-dessus, vous vous trouverez alors sur le lieu sacré d’Orongo. Dans ce village cérémoniel qui s’élève sur la crête du volcan, se déroulait une fois l’an la plus importante des fêtes religieuses de l’île, celle du Tangata Manu (l’homme-oiseau). Le choix de ce site s’explique par sa proximité avec les trois îlots de Motu Nui, Motu Iti et Motu Kao Kao, refuge sur lequel venaient pondre les hirondelles de mer.  Il s’agissait d’un véritable concours organisé pour la quête du premier œuf pondu par l’hirondelle de mer sur l’îlot Motu Nui. Le lieu reste aujourd’hui exceptionnel et mérite l’ascension. Et puis, peut-être lors de votre randonnée trouverez-vous l’une des multiples et précieuses tablettes disparues, qui retracent l’histoire des autochtones qui nous échappe encore. Un mythe raconte qu’elles sont soigneusement enfouies, cachées quelque part sur l’île…

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© Yann Arthus-Bertrand - Getty Images

Beauté sauvage

Perdu dans cette réalité de rêve, gardez néanmoins à l’esprit vif que les bateaux doivent être prêts à partir précipitamment si le vent change de direction, et c’est chose fréquente ! En effet, il n’y a pas d’abri adéquat par tout temps. Il reste, malgré cela, plusieurs mouillages praticables autour de l’île mais ne sont pas forcément commodes car ils sont éloignés du village de Rapa Nui et de ses commerces pour l’approvisionnement. Le mouillage ouvert devant la petite ville principale d’Hanga Roa offre une protection acceptable des alizés de sud-est. Si le vent tourne, vous aurez trois mouillages alternatifs : Vinapu sur la côte sud-ouest, Hotuitu sur la côte Est prêt du volcan Rano Raraku, accessible en annexe par temps établi, et Anakena Bay sur la côte nord de l’île. Malheureusement, la houle reste un problème dans tous ces mouillages. Les Alizés de sud est sont sensibles et prédominent d’octobre à avril. Pendant l’été, soit de mi-novembre à mi-février, les vents sont plus faibles et la mer plus calme. Pendant la saison pluvieuse, de mai à septembre, les vents d’ouest l’emportent. Des grains soudains peuvent survenir de différentes directions. Toutefois, l’île est en dehors de la zone cyclonique.

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© Eric Gaba - Geofrik

Sortir des sillages battus

Et si nous abordions les routes de traverse pour découvrir ce mythe ? La principale bien sûr, consiste en un détour sur la route entre Panama et Tahiti. Pourquoi se précipiter sur la route directe vers les Marquises quand l’une des plus belles merveilles du monde se trouve seulement quelques degrés plus au Sud ? Qui plus est, cette partie à l’est du Pacifique Sud n’est pas affectée par les cyclones, ce qui signifie que vous pouvez y naviguer à n’importe quelle époque de l’année. Pour bénéficier de vents favorables, un voyage d’Est en Ouest depuis Panama, les Galapagos, ou depuis l’Amérique du Sud est fortement conseillé. Dans l’autre sens, seule une route très Sud, depuis la Nouvelle-Zélande puis le Cap Horn pourrait vous éviter vents et courants contraires. Mais conditions extrêmes et dépressions successives sont à même de décourager les plus téméraires d’entre nous.

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© Fond de carte John Bartholomew & son 1949

Pâques en hiver…austral

La zone étant sous l’influence des Alizés de sud-est, la météo peut varier considérablement d’une année à l’autre, mais si vous échappez aux perturbations, elle sera très agréable. La période la plus propice reste entre avril et août, lorsque les alizés soufflent régulièrement d’est à sud-est et que le courant favorable qui porte à l’ouest est à son maximum (1 à 1,5 nœud). Cependant, certains seront tentés d’effectuer ce passage plus tôt dans l’année de façon à prendre un bon départ pour leur saison de navigation dans le Pacifique Sud en arrivant aux Marquises avant fin mars. Notez que la zone au Sud Est des Galapagos semble à éviter. On y observe comme une extension du pot au noir avec peu ou pas de vent, des rafales d’orage, et une forte houle qui rend les conditions de navigation très inconfortables.

Finalement que ce soit depuis les Galapagos ou l’Amérique du Sud, la meilleure période est de novembre à mars, voir jusqu’en mai lorsque les Alizés s’étendent le plus au sud. La magie de ces paysages et mystères n’attend que vous.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…